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NDC : les mises à jour ne mèneraient qu’à une réduction de -0,5% des émissions mondiales de GES entre 2010 et 2030, très loin des -45% nécessaires selon le Giec

  • Réf. : 2021_02_a14
  • Publié le: 26 février 2021
  • Date de mise à jour: 1 mars 2021
  • International

Le 26 février 2021, le Secrétariat de la Convention Climat (CCNUCC) a publié un rapport de synthèse des contributions nationales (NDC) mises à jour et/ou renforcées ayant été soumises par les Parties à l’Accord de Paris avant fin 2020. L’enjeu de renforcer l’ambition de ces nouvelles NDC est fort car les premières NDC étaient insuffisantes pour parvenir à l’objectif de +2°C (voir encadré ci-dessous).

 

Contexte

Les contributions nationales (dites NDC), prévues par l’article 4 de l’Accord de Paris et précisées par la décision 1/CP.21 qui accompagnait celui-ci, sont à la base du nouveau régime multilatéral climat post-2020 établi par l’Accord de Paris. Les premières NDC étant insuffisantes au regard de l’objectif 2°C, la soumission des deuxièmes NDC, censées être plus ambitieuses, était un enjeu majeur en 2020, avant l’entrée en vigueur de ce nouveau régime (au 1er janvier 2021).

Compte tenu de l’insuffisance des NDC actuelles, le renforcement de l’ambition des Etats au travers la soumission de leur 2e NDC est un enjeu crucial. Le renforcement de l’ambition climat des 197 Parties à la CCNUCC est un des principaux enjeux de la COP-26 (initialement prévue du 9 au 20 novembre 2020 mais reportée à fin 2021 (1-12 novembre), suite à la pandémie du Covid-19 (lire notre article sur le sujet). La COP-26 devrait aboutir au renforcement de l’ambition des Parties à l’Accord de Paris car c’est à cette COP que les Parties à la CCNUCC sont tenues de présenter des NDC mises à jour et plus ambitieuses dans le cadre du cycle quinquennal (conformément à l’Accord de Paris [article 4] et à la décision de la COP-21 [paragraphes 23 et 24] qui l’accompagnait, la décision 1/CP.21) par rapport aux premières soumises en amont de la COP 21 en 2015. Ainsi, l’année 2020 était censée être une année charnière pour l’action climat et le renforcement de l’ambition mais le Covid-19 a eu raison de cet objectif. Malgré tout, lors du Sommet ambition climat 2020 convoqué le 12 décembre 2020 à l’initiative du Secrétaire Général de l’ONU, Antonio Guterres, 45 pays ont annoncé des NDC nouvelles ou renforcées (dont l’Argentine, Barbade, le Canada, la Colombie, l’Islande et le Pérou) (source : IISD, 12 déc. 2020).

La décision 1/CMA-2, adoptée le 15 décembre 2019 à Madrid lors de la COP-25, prie le Secrétariat de la CCNUCC d’élaborer et de lui communiquer un rapport de synthèse des NDC soumises à la COP-26. Le 13 août 2020, la Secrétaire exécutive de la CCNUCC, Patricia Espinosa, avait transmis une lettre à l’ensemble des Parties les exhortant à respecter l’échéance 2020 pour la remise de NDC nouvelles (source : CHN, 02/09/2020). Elle y avait également indiqué que le Secrétariat de la CCNUCC publierait fin février 2021 un rapport de synthèse des NDC soumises avant fin 2020 et que il mettra à jour ce rapport avant la COP-26 afin qu’il comporte les dernières informations disponibles, ce qui laisse la porte entr’ouverte pour les remises tardives en amont de la COP-26.

 

Méthodologie

Pour synthétiser les informations pertinentes des différentes NDC, le Secrétariat de la CCNUCC s’est appuyé sur les lignes directrices supplémentaires pour les informations visant à faciliter la clarté, la transparence et la compréhension des NDC, établies dans la décision 4/CMA-1 (et son annexe I) adoptées par la CMA-1 lors de la COP-24 à Katowice (novembre 2018).

 

Que retenir de cette synthèse ?

La synthèse a été élaborée sur la base des 48 NDC nouvelles ou mises à jour soumises avant le 31 décembre 2020 par 75 Parties(1) à l’Accord de Paris représentant 39% de l’ensemble des désormais 191 Parties à l’Accord et 30% des émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES). En d’autres termes, 116 Parties n’ont pas encore soumis leur NDC-2. Le site dédié de la CCNUCC recense les NDC mises à jour et/ou renforcées soumises par les Parties.

La quasi-totalité des Parties ont fixé des objectifs de réduction quantifiés et beaucoup ont renforcé leurs objectifs existants pour 2025 ou 2030.Presque toutes les Parties ont défini l’échéance de 2030 comme étant la fin de la période couverte par leurs NDC ; seulement quelques Parties ont fixé cette échéance à 2025 ou 2050.

Le nouveau rapport montre que, selon les projections du Secrétariat de la CCNUCC, le niveau d’émissions totales de GES qui résulterait de la mise en œuvre des objectifs de réduction communiqués dans les 48 NDC évaluées s’élèverait à :

  • 14,04 Gt CO2e en 2025, soit un niveau inférieur de 0,3% (38 Mt CO2e) au niveau d’émissions totales de GES qui résulterait de la mise en œuvre des objectifs fixés dans leurs NDC précédentes ;
  • 13,67 Gt CO2e en 2030, soit un niveau inférieur de 2,8% (398 Mt CO2e) au niveau d’émissions totales de GES qui résulterait de la mise en œuvre des objectifs fixés dans leurs NDC précédentes.

Ces chiffres sont hors UTCATF.

 

Le rapport estime qu’en moyenne, les émissions totales de GES des 75 Parties couvertes seraient :

  • en 2025, supérieures de 2,0% aux niveaux de 1990 (13,77 Gt CO2e), supérieures de 2,2% (13,74 Gt CO2e) aux niveaux de 2010 et supérieures de 0,5% (13,97 Gt CO2e) aux niveaux de 2017 ;
  • en 2030, inférieures de 0,7% aux niveaux de 1990, inférieures de 0,5% aux niveaux de 2010 et inférieures de 2,1% aux niveaux de 2017.

 

En d’autres termes, si beaucoup de pays couverts ont accru leurs niveaux individuels d’ambition pour réduire les émissions de GES, leurs efforts collectifs conduiraient à une réduction uniquement de 0,5% d’ici 2030 par rapport aux niveaux de 2010. Or, le Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), a souligné dans son rapport sur un réchauffement à +1,5°C, publié le 8 octobre 2018, que pour respecter l’objectif de +1,5°C d’ici 2100, il faut réaliser une réduction collective des émissions du seul CO2 d’environ 45% en 2030 (base 2010) et que pour respecter l’objectif de +2°C, d’ici 2100, la réduction collective des émissions de CO2 doit être de -25% en 2030 (base 2010).

 

Les projections de réductions de GES estimées pour 2030 sur la base des 48 NDC couvertes sont donc très loin du niveau de réduction nécessaire, ce qui montre clairement que les Parties doivent renforcer davantage leurs objectifs et engagements de réduction au titre de l’Accord de Paris.

 

La Secrétaire exécutive de la CCNUCC, Patricia Espinosa, a précisé que ce rapport constitue une photo et non une vision complète des NDC puisque la pandémie du Covid-19 a posé d’importants défis pour de nombreux pays, notamment les pays les moins avancés, les petits Etats insulaires et les autres pays vulnérables, en ce qui concerne leurs capacités à mener à bien l’élaboration de leurs NDC nouvelles ou mises à jour.

 

Selon la nouvelle synthèse initiale, seules deux des 18 plus grands émetteurs (UE et Royaume-Uni) ont soumis une NDC mise à jour qui comporte des objectifs de réduction des émissions de GES fortement augmentés (UE : -55% en 2030, base 1990 ; Royaume-Uni : -68% en 2030, base 1990). D’autres grands pays émetteurs ont soit soumis des NDC-2 comportant un très faible niveau d’ambition (Australie, Brésil, Japon, Russie,…) ou n’ont pas encore soumis de NDC-2 (Chine, Etats-Unis, Inde).

 

En conclusion, souligne la Présidente de la COP-25, la Ministre de l’Environnement du Chili, Carolina Schmidt, « ce rapport de synthèse montre clairement qu’un important travail reste à faire, en particulier par les grands pays émetteurs […]. Même si ce rapport fait ressortir le fait les NDC-2 soumises avant l’échéance de fin 2020 sont plus claires et plus complètes que celles soumises en amont de la COP-21, le niveau collectif d’ambition prévu par les grands pays émetteurs dans cette première photo est très faible » (source : communiqué de la CCNUCC, 26 février 2021).

 

Prochaines étapes

Une deuxième synthèse, s’appuyant sur les nouvelles soumissions de NDC-2 en 2021 va être publiée en amont de la COP-26. Patricia Espinosa a appelé toutes les Parties à l’Accord de Paris, au premier rang desquelles les pays grands émetteurs, à soumettre leur NDC-2 le plus rapidement possible pour que ce niveau d’ambition supplémentaire puisse être intégré dans la synthèse mise à jour. Le Sommet international sur le climat, convoqué à l’initiative du nouveau Président des Etats-Unis, Joe Biden, le 22 avril 2021 pourrait être l’occasion pour plusieurs Parties d’annoncer leur NDC-2. 

 

L’éclairage du Citepa

Il n’y a pas qu’un écart, mais plusieurs…. 

L’écart entre la réduction nécessaire et la réduction envisagée

Le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE), dans la 11e édition de son rapport annuel (Emissions Gap Report) qui fait référence en la matière (publié le 9 décembre 2020), a estimé l’écart entre la science et l’ambition, c’est-à-dire l’écart entre, d’une part, le niveau de réduction collective des émissions de GES en 2030 nécessaire pour suivre une trajectoire compatible avec les objectifs de +2°C et de +1,5°C et, d’autre part, les projections d’émissions mondiales de GES de tous les pays de la planète, basées sur leurs engagements de réduction pour 2025-2030, inscrits dans leurs NDC. Ainsi, selon les dernières estimations du PNUE, l’écart entre l’ambition des NDC et le niveau de réduction collective nécessaire pour une trajectoire compatible avec l’objectif de +2°C serait de 12 à 15 Gt CO2e ; pour une trajectoire compatible avec l’objectif de +1,5°C, l’écart serait de 29 à 32 Gt CO2e.

 

L’écart entre la réduction envisagée à moyen terme et à long terme

Par ailleurs, le PNUE relève un autre écart, cette fois non pas entre la science et l’ambition, mais entre l’ambition 2030 et l’ambition 2050. Le PNUE pointe l’important écart entre le niveau d’ambition des objectifs de neutralité carbone en 2050 fixés par de nombreux pays du monde et le niveau d’ambition insuffisant des NDC actuelles pour l’horizon 2030. Pour accomplir des progrès considérables, d’ici 2030, vers la réalisation des objectifs de l’Accord de Paris, deux actions doivent d’urgence être mises en œuvre, selon le PNUE : d’une part, davantage de pays doivent élaborer et soumettre des stratégies bas-carbone 2050 qui soient compatibles avec les objectifs de l’Accord de Paris, et d’autre part, des NDC nouvelles ou des NDC mises à jour qui soient compatibles avec les objectifs de neutralité carbone en 2050 doivent être élaborées et soumises à la CCNUCC.

 

L’écart entre la réduction envisagée et les réductions effectuées

L’effort collectif mondial consenti à ce jour est donc largement insuffisant : la mise en œuvre des NDC actuelles entraînerait une hausse des températures moyennes mondiales à l’horizon 2100 comprise entre +3°C et +3,2°C (source : Emissions Gap Report 2020), à supposer que les engagements actuels soient intégralement respectés, ce qui est loin d’être acquis à ce stade. Il faut certes combler l’écart entre l’ambition des Parties et la science, mais il faut avant et surtout combler l’écart entre l’ambition et l’action (la mise en œuvre concrète des engagements inscrits dans les NDC).

 

La trajectoire climat mondiale se trouve ainsi dans une double incohérence :

– entre les objectifs de l’Accord de Paris et les engagements des Parties (NDC), mais aussi

– entre ces mêmes engagements, et les actions mise en œuvre pour les atteindre.

 

Par conséquent, il faut que les engagements à long terme (2050) des Parties se traduisent :

– dans les engagements à moyen terme (2030) via les NDC,

– dans les politiques et mesures à prévoir pour réaliser ces engagements 2030,

– dans les politiques et mesures à court terme, notamment dans leurs plans de relance post-Covid-19.

 

(1)75 Parties couvrant 48 NDC puisque l’UE-27 a soumis une NDC unique pour ses 27 Etats membres.

 

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