Dépassement des valeurs limites de PM10 et de NO2 : la Commission renvoie la Slovaquie devant la CJUE et somme la Belgique, la Tchéquie et la Pologne de respecter ces valeurs limites
Le 18 février 2021, la Commission européenne a annoncé dans un communiqué qu’elle avait décidé de saisir la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) d’un recours (3e étape de la procédure d’infraction – voir encadré ci-dessous) contre la Slovaquie pour non-respect des obligations qui lui incombent en vertu de la directive 2008/50/CE relative à la qualité de l’air ambiant.
Qu’est-ce que la procédure d’infraction de l’UE ?
En tant que « gardienne » des Traités de l’UE, la Commission est chargée de veiller, avec la Cour de Justice de l’UE (CJUE), à ce que le droit européen soit appliqué correctement dans les Etats membres (EM).
En vertu du Traité sur le fonctionnement de l’UE (TFUE, article 258), la Commission peut poursuivre en justice un EM qui manque aux obligations qui lui incombent au titre de la législation de l’UE. Elle engage ainsi une procédure juridique dite procédure d’infraction qui se déroule en quatre étapes :
Etape 1 : mise en demeure
La Commission envoie une lettre de mise en demeure [demande d’informations] à l’EM (article 258).
Etape 2 : avis motivé
Si la Commission n’est pas satisfaite des informations reçues et conclut que l’EM ne s’acquitte pas de ses obligations juridiques, elle peut ensuite lui envoyer un avis motivé [demande formelle de s’y conformer] (article 258).
Etape 3 : saisine de la CJUE (assignation devant la CJUE) + arrêt contraignant
Si l’EM ne s’y conforme toujours pas, la Commission peut alors décider de saisir la CJUE (article 258) qui, si elle le juge nécessaire, rend un arrêt contraignant.
Etape 4 : 2e saisine de la CJUE + sanctions financières
Si malgré ce 1er arrêt, la Commission estime que l’EM n’a pas pris les mesures pour exécuter l’arrêt de la CJUE, elle peut, après avoir mis cet EM en demeure de présenter ses observations, saisir une 2e fois la CJUE, en lui demandant d’imposer des sanctions financières sur la base d’un montant proposé par la Commission (article 260). Ces sanctions financières peuvent prendre la forme, via un 2e arrêt de la CJUE, d’une somme forfaitaire et/ou une indemnité journalière (astreinte), à dater du 2e arrêt de la CJUE jusqu’à ce qu’il soit mis un terme à l’infraction. Ces sanctions financières sont calculées en tenant compte de l’importance des règles violées et de l’incidence de l’infraction sur les intérêts généraux et particuliers ; de la période pendant laquelle le droit de l’UE n’a pas été appliqué et de la capacité de paiement de l’Etat membre, garantissant l’effet dissuasif de l’amende. Dans son 2e arrêt, la CJUE peut modifier le montant proposé par la Commission.
Le cas de la Slovaquie
Dans son communiqué du 18 février 2021, la Commission constate que la Slovaquie n’a pas respecté la valeur limite de concentration (VLC) journalière pour les PM10 (voir encadré en fin d’article pour les VLC). Les données de concentration issues du réseau de mesure dans le pays, et communiquées à la Commission au titre de la directive 2008/50/CE, confirment des « dépassements systématiques » de la VLC journalière pour les PM10 dans la zone de qualité de l’air de la région de Banská Bystrica [Banskobystrický kraj] sur la période 2005-2019 (à l’exception de 2016) dans l’agglomération Košice sur la période 2005-2019 (à l’exception de 2015 et de 2016). Par ailleurs, souligne la Commission, les mesures visant à améliorer la qualité de l’air mises en œuvre par le Gouvernement slovaque et communiquées à l’exécutif européen ne se sont avérées ni opportunes ni efficaces pour réduire les émissions de PM10 en vue de respecter la VLC journalière ou pour que les périodes de dépassement de cette VLC soient les plus courtes possibles. La Commission conclut que la Slovaquie n’a pas mis en œuvre les mesures suffisantes pour réduire les concentrations de PM10 dans les zones de qualité de l’air de la région de Banská Bystrica et de la région de Košice [Košický kraj], ainsi que dans l’agglomération de Košice elle-même. Elle renvoie donc le pays devant la CJUE pour non-respect de la directive 2008/50/CE.
Le cas de la Belgique, de la Tchéquie et de la Pologne
Trois autres EM sont également visés sur le sujet de la qualité de l’air : la Belgique, la Tchéquie et la Pologne. La Commission a annoncé le 18 février 2021 qu’elle va envoyer à ces trois EM un avis motivé (2e étape de la procédure d’infraction – voir encadré ci-dessus) :
- Belgique: les VLC pour le NO2 (voir encadré en fin d’article pour les VLC) sont dépassées dans la zone de qualité de l’air de Bruxelles depuis 2010 et dans celle d’Anvers depuis 2015. Par ailleurs, dans la zone de qualité de l’air de Charleroi, une station de mesure doit être mise en place pour relever les concentrations de polluants émis par le trafic routier ;
- Tchéquie: la VLC annuelle pour le NO2 est dépassée dans l’agglomération de Prague (la Commission ne précise pas depuis combien de temps) et aucun plan relatif à la qualité de l’air n’a été établi pour cette agglomération ;
- Pologne: la VLC annuelle pour le NO2 est dépassée dans quatre agglomérations (Varsovie, Cracovie, Wrocław et Górnośląska). La Commission constate que les mesures mises en œuvre par le Gouvernement polonais pour réduire les concentrations de NO2 ne sont pas suffisantes pour que les périodes de dépassement de cette VLC soient les plus courtes possibles.
Puisque ces trois EM n’ont pas encore respecté leurs obligations découlant de la directive 2008/50/CE, la Commission a décidé de leur adresser un avis motivé. Ils disposent désormais d’un délai de deux mois pour répondre aux préoccupations soulevées par la Commission et prendre les mesures nécessaires pour améliorer la qualité de l’air. À défaut, cette dernière pourrait renvoyer ces trois affaires devant la CJUE (pour comprendre les quatre étapes de la procédure d’infraction de l’UE, voir encadré ci-dessus).
Arrêt de la CJUE contre la Pologne
Le 22 février 2018, la CJUE a déjà rendu un arrêt, à l’encontre de la Pologne, pour non-respect des VLC des PM10 sur la période 2007-2015, pour non-adoption, dans des plans sur la qualité de l’air, des mesures appropriées visant à réduire la période de dépassement des VLC, et pour transposition incomplète de la directive 2008/50/CE.
Il s’agissait de la deuxième fois que la CJUE avait rendu un jugement contre un EM pour non-respect de la législation de l’UE sur la qualité de l’air. La première fois, c’était le 5 avril 2017, la CJUE a rendu un arrêt à l’encontre de la Bulgarie pour non-respect des VLC applicables aux PM10.
Cette nouvelle série de décisions de la Commission relatives aux procédures d’infraction fait suite à celle annoncée le 3 décembre 2020 à l’encontre de la France, de la Bulgarie, de la Grèce et de l’Autriche.
Révision de la directive 2008/50/CE
Les normes de qualité de l’air (et surtout les VLC), aujourd’hui en vigueur dans l’UE, ont été fixées il y a plus de 20 ans (entre 1999 et 2002). Les résultats de la dernière évaluation de la législation actuelle en matière de qualité de l’air (processus de réexamen dit “fitness check”), dont la directive 2008/50/CE, ont été publiés le 29 novembre 2019. S’appuyant sur ces résultats, la Commission a indiqué dans son pacte vert pour l’Europe (Green Deal), qu’elle proposerait d’une part, de renforcer les dispositions relatives à la surveillance, à la modélisation et aux plans relatifs à la qualité de l’air, et d’autre part, de réviser les normes européennes en matière de qualité de l’air afin de les aligner davantage sur les valeurs guides en matière de qualité de l’air de l’OMS [Organisation mondiale de la santé], mises à jour en 2005.
Le 17 décembre 2020, la Commission européenne a lancé une consultation auprès des parties prenantes (administrations, collectivités, ONG,…) sur la révision de la législation européenne relative à la qualité de l’air. Cette consultation marque ainsi le début des travaux de la Commission en vue de réviser cette législation.
En savoir plus
Communiqué de la Commission (voir section 1. Environnement, rubrique « Avis motivés », puis « Qualité de l’air » et rubrique « Saisines de la CJUE », puis « Qualité de l’air ».
Les pages du site de la DG Environnement consacrées à la directive 2008/50/CE
Les pages du site de la DG Environnement consacrées à la révision de la directive 2008/50/CE.
Lire nos articles associés :
Quelles sont les valeurs limites de concentrations et autres obligations à respecter ?
Les Etats membres (EM) ne doivent pas dépasser les VLC fixées pour les PM10 et le NO2 dans l’ensemble de leurs zones et agglomérations (article 13.1 de la directive).
PM10
Les VLC fixées pour les PM10 par la directive 2008/50/CE sont :
- 40 µg/m3 en moyenne annuelle,
- 50 µg/m3 en moyenne journalière, à ne pas dépasser plus de 35 fois par année civile [ annexe XI].
Les VLC pour les PM10 sont juridiquement contraignantes depuis le 1er janvier 2005 et devaient donc être respectées à cette échéance (cf. article 13 et annexe XI de la directive). Cependant, la directive autorisait les Etats membres à reporter ce délai jusqu’au 11 juin 2011 à condition qu’un plan relatif à la qualité de l’air soit établi pour la zone de dépassement des VLC à laquelle le report de délai s’appliquerait et à condition que cet État membre fasse la preuve qu’il a pris toutes les mesures appropriées aux niveaux national, régional et local pour respecter les délais (article 22.2).
NO2
Les VLC fixées pour le NO2 par la directive 2008/50/CE sont :
- 40 µg/m3 en moyenne annuelle,
- 200 µg/m3 en moyenne horaire, à ne pas dépasser plus de 12 fois par année civile [ annexe XI].
Les VLC pour le NO2 sont juridiquement contraignantes depuis le 1er janvier 2010 et devaient donc être respectées à cette échéance. Cependant, la directive autorisait les Etats membres à reporter ce délai jusqu’au 1er janvier 2015 au plus tard à condition qu’un plan relatif à la qualité de l’air soit établi pour la zone de dépassement des VLC à laquelle le report de délai s’appliquerait (article 22.1).
La directive 2008/50/CE (article 23) prévoit que, lorsque dans une zone ou agglomération donnée, les concentrations de polluants dépassent la valeur limite ou la valeur cible fixée aux annexes XI [SO2, NO2, PM10, CO, plomb, benzène] et XIV [PM2,5], majorée de toute marge de dépassement autorisée, les EM sont tenus d’établir des plans relatifs à la qualité de l’air pour cette zone ou agglomération afin d’atteindre la valeur limite ou la valeur cible correspondante.
Ces plans doivent prévoir des mesures appropriées pour que la période de dépassement soit la plus courte possible (article 23.1). Le contenu minimal de ces plans est fixé en annexe (annexe XV, section A et article 24). Les EM concernés devaient soumettre ces plans à la Commission le plus rapidement possible, et au plus tard deux ans après la fin de l’année au cours de laquelle le premier dépassement a été constaté.