Emissions industrielles : la Commission lance une consultation sur la révision de la directive IED et envisage d’étendre son périmètre d’application
Le 22 décembre 2020, la Commission européenne a lancé une consultation publique sur la révision de la directive dite IED (directive 2010/75/CE relative aux émissions industrielles – voir encadré ci-dessous). La date limite pour la remise des commentaires est le 23 mars 2021.
La Commission avait déjà mené du 24 mars au 21 avril 2020 une consultation auprès des parties prenantes (administrations, collectivités, ONG,…) sur la question et ce, sur la base d’une étude d’impact initiale (inception impact assessment).
La directive IED et son évaluation
La directive 2010/75/UE relative aux émissions industrielles (directive IED) est le principal instrument mis en place au niveau de l’UE pour maîtriser et atténuer les incidences des émissions industrielles sur l’environnement et la santé humaine. La directive IED réglemente quelque 50 000 grandes installations industrielles dans un large éventail de secteurs agro-industriels : centrales électriques ; raffineries ; production d’acier, de métaux non ferreux, de ciment, de chaux, de verre, de produits chimiques, de pâte à papier et de papier, de produits alimentaires et de boissons ; traitement et l’incinération des déchets ; élevage intensif de porcs et de volailles. La directive IED a pour objectif général de prévenir, de réduire et, dans la mesure du possible, d’éliminer les émissions dans l’air, l’eau et le sol dues aux activités industrielles.
La directive IED vise à faire en sorte que les émissions industrielles soient traitées via une approche intégrée et réduites au minimum. Les installations concernées doivent obtenir des autorisations délivrées par les autorités nationales sur la base de conditions fondées sur les meilleures techniques disponibles (MTD). Afin de garantir une approche comparable dans toute l’UE, des documents de référence sur les MTD (les “BREF”) sectoriels sont élaborés dans le cadre d’un processus participatif associant toutes les parties prenantes. Ainsi, une évaluation technico-économique est réalisée au niveau de l’UE par un groupe de travail technique composé de représentants de la Commission, des États membres, de l’industrie et de la société civile. Les chapitres sur les conclusions relatives aux MTD de chaque BREF sont adoptés en tant qu’actes d’exécution de la Commission servant de base pour fixer les conditions d’autorisation.
En 2019-2020, la directive IED a fait l’objet d’une évaluation par la Commission au regard de cinq critères : efficacité, efficience, pertinence, cohérence et valeur ajoutée européenne (lire notre article sur le sujet). En s’appuyant sur plusieurs études, la Commission a publié le 23 septembre 2020 un rapport d’évaluation (sous forme de document de travail [réf. SWD(2020) 181 final] voir rapport intégral en anglais et synthèse en français). Selon ce rapport, la directive IED a permis de réduire efficacement les incidences environnementales ainsi que les distorsions de concurrence au sein de l’UE. Le processus collaboratif de production des BREF et de recensement des MTD a bien fonctionné et il est reconnu comme modèle de gouvernance collaborative. La mise en œuvre de la directive a également conduit à une réduction notable des émissions de polluants dans l’air. Par ailleurs, l’évaluation a recensé un certain nombre de domaines dans lesquels le fonctionnement de la directive semble ne pas être aussi satisfaisant que prévu (par exemple, techniques émergentes, obligations juridiques découlant de la directive [qui a remplacé sept directives précédentes], émissions de gaz à effet de serre/décarbonation, disponibilité des données [mise à disposition non obligatoire des données par les industries], mise en œuvre des conclusions MTD dans les autorisations,…).
Enfin, dans sa communication relative au pacte vert pour l’Europe (Green Deal), publiée le 11 décembre 2019, la Commission a indiqué qu’elle allait réexaminer les mesures prises par l’UE pour réduire les émissions polluantes des grandes installations industrielles (directive IED). Elle examinera notamment le champ d’application sectoriel de la législation et les moyens de rendre cette dernière pleinement compatible avec les politiques en matière de climat, d’énergie et d’économie circulaire.
Les travaux sur l’étude d’impact de la révision de la directive IED ont déjà débuté et l’étude d’impact initiale a été publiée en mars 2020.
Enjeux visés par la révision de la directive IED
L’étude d’impact initiale indique que l’évaluation de la directive IED a fait ressortir plusieurs domaines où il pourrait être nécessaire d’améliorer le cadre législatif pour mieux contribuer à la réalisation des objectifs climat et qualité de l’air de l’UE, parmi lesquels :
- l’extension du périmètre d’application de la directive IED à des secteurs industriels qui produisent de fortes émissions mais actuellement en dehors du champ d’application actuel de la directive IED et pour lesquels la directive IED pourrait être un instrument politique approprié ;
- la comparabilité de l’intégration, par les Etats membres, des obligations découlant de la directive IED (dont les conclusions MTD) dans les autorisations d’exploitation et la vérification ;
- l’élaboration des conclusions MTD ;
- l’accès public à l’information, la participation publique à la prise de décision et l’accès public à la justice ;
- l’interaction avec les efforts de décarbonation par le secteur industriel ;
- la cohérence avec d’autres actes législatifs de l’UE.
Objectifs et options politiques
Selon la Commission, la structure générale du dispositif mis en place par la directive IED semble bien fonctionner. Toutefois, certaines pistes d’amélioration ont été identifiées pour renforcer la performance de la directive IED. La Commission examinera et élaborera des options politiques pour les aspects suivants :
- scénario de référence : statu quo ;
- intégration de nouveaux secteurs : par exemple, les élevages bovins, les exploitations mixtes, les industries extractives et les installations relevant des secteurs actuellement visés mais qui se trouvent légèrement en dessous des seuils fixés par la directive en vigueur ;
- mise en œuvre : amélioration de la cohérence de la mise en œuvre, par les Etats membres, des obligations de la directive IED ;
- BREF : amélioration du processus de leur élaboration ;
- accès à l’information, participation à la prise de décision et accès à la justice : identification des faiblesses et examen des options pour y remédier ;
- interaction avec la décarbonation de l’industrie : les activités industrielles réglementées par la directive IED devront en grande partie être décarbonées au cours des 30 prochaines années. Ce processus devrait également permettre d’apporter des améliorations à l’égard des autres aspects environnementaux (réduction des polluants,…). La Commission examinera les options susceptibles de soutenir cette transition ;
- cohérence avec d’autres actes législatifs : certains domaines ont été identifiés où la directive IED pourrait mieux soutenir d’autres actes législatifs. Les possibilités les options pour ce faire seront examinés, y compris une meilleure cohérence avec le règlement E-PRTR (règlement (CE) 166/2006).
Les options et les mesures politiques associées seront approfondies dans le cadre du processus d’élaboration de l’étude d’impact.
Prochaines étapes
La Commission prévoit de présenter une proposition de directive au 4e trimestre 2021, accompagnée d’un plan de mise en œuvre.
En savoir plus :
– la consultation (d’où peut être téléchargée l’étude d’impact initiale),
– la page du site de la DG Environnement dédiée aux émissions industrielles (directive IED),
– la page du site de la DG Environnement dédiée à l’évaluation et à la révision de la directive IED,
– le bureau européen de l’IPPC (qui centralise et publie les BREF).