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L’Accord de Paris 5 ans après : un Sommet ambition climat 2020 pour donner une nouvelle impulsion à l’action mondiale

  • Réf. : 2020_12_a07
  • Publié le: 11 décembre 2020
  • Date de mise à jour: 14 décembre 2020
  • International

Le Secrétaire Général de l’ONU (Antonio Guterres), la Présidence britannique de la COP-26 et la France co-organisent, en partenariat avec la Présidence de la COP-25 (Chili) et l’Italie, un sommet virtuel sur l’ambition climat 2020 (Climate Ambition Summit 2020) le 12 décembre 2020. Cette date n’a pas été choisie par hasard : elle marque le 5e anniversaire de l’adoption de l’Accord de Paris (pour un résumé du contenu de l’Accord de Paris, voir l’encadré en fin d’article). L’objet du Sommet ambition climat 2020 est d’engager une nouvelle dynamique pour relever le niveau d’ambition des Parties à l’Accord de Paris, et de réunir des représentants de haut niveau des Gouvernements nationaux pour soutenir le processus multilatéral dans le cadre de la CCNUCC.

 

L’occasion de nouvelles annonces

Plus spécifiquement, le Sommet constitue une plate-forme pour permettre aux dirigeants et aux acteurs non-étatiques d’annoncer de nouveaux engagements et actions au titre des trois piliers de l’Accord de Paris : atténuation (réduction des émissions et absorption des émissions par les puits) ; adaptation ; soutien [financement, transfert de technologies et renforcement des capacités]).

Dans un message vidéo à l’ensemble des pays de l’ONU, le 29 octobre 2020, le Président de la COP-26, Alok Sharma, Ministre britannique du Commerce, de l’Energie et de l’Industrie, avait appelé les Parties à faire des annonces ambitieuses, lors du Sommet, sur les deuxièmes contributions nationales (dites NDC-2), les stratégies bas-carbone 2050, des engagements en matière de financement climat pour en venir à l’aide des pays vulnérables, et des plans d’adaptation. Ainsi, seuls les dirigeants des Etats qui seront en mesure d’annoncer de nouveaux engagements renforcés auront droit à la parole à la tribune du Sommet. Les interventions pré-enregistrées d’environ 80 Chefs d’Etat et de Gouvernement ont été retenues pour l’événement. Selon la liste provisoire de ces intervenants, parmi ceux retenus figurent la Chine, l’Inde, l’UE, le Royaume-Uni, le Canada, le Japon, la Corée du Sud, le Chili, la Colombie, plusieurs Etats africains (Rwanda, Ethiopie, Gabon, Kenya,…), ainsi qu’une quinzaine de petits Etats insulaires. Parmi les pays non retenus : Australie, Russie, Brésil, Afrique du Sud, Nouvelle-Zélande, Arabie saoudite, Etats-Unis (le Président élu, Joe Biden, ne peut faire d’interventions formelles avant sa prise de fonctions officielle le 20 janvier 2021). 

 

Le Secrétaire Général de l’ONU, Antonio Guterres, qui a consenti des efforts diplomatiques sans relâche pour que l’action climat reste une priorité sur la scène internationale, a déclaré, lors d’un discours sur l’état de la planète prononcé le 2 décembre 2020 à l’Université de Columbia, New York, que « l’objectif prioritaire pour les Nations Unies en 2021 est de construire une véritable coalition mondiale en faveur de la neutralité carbone » et que « l’année 2021 peut être un saut quantique vers la neutralité carbone« .

 

Par ailleurs, il a réitéré son plaidoyer pour une ambition renforcée aux horizons 2030 et 2050 : « Chaque pays, ville, institution financière et entreprise devrait adopter des plans visant à assurer la transition vers un niveau de zéro émission nette d’ici 2050 – et j’encourage les principaux [pays] émetteurs à montrer la voie en prenant dès maintenant des mesures décisives pour s’engager sur la bonne voie et réaliser cette vision, ce qui signifie de réduire [collectivement] les émissions mondiales de 45% d’ici 2030 par rapport aux niveaux de 2010. Et cela doit se traduire clairement dans les [NDC] ». C’est la deuxième fois qu’Antonio Guterres préconise cet objectif global. En effet, en juillet 2019, en amont du Sommet Action Climat qu’il avait convoqué le 23 septembre 2019 à New York, il avait écrit une lettre aux dirigeants de chaque Etat en leur demandant de venir à New York présenter des projets concrets et réalistes pour réviser à la hausse l’ambition de leur NDC d’ici 2020 afin de les rendre compatibles avec le rapport spécial du Giec sur le réchauffement à +1,5°C en vue de réduire collectivement les émissions mondiales de GES de 45% d’ici 2030 (base 2010), et de viser à atteindre un objectif de neutralité climatique d’ici 2050.

 

Le Royaume-Uni, pays hôte de la COP-26, a placé la barre haut pour le Sommet action climat 2020, en annonçant neuf jours auparavant un nouvel objectif de réduction ambitieux pour 2030 (voir encadré ci-dessous).

 

Une nouvelle dynamique vers un renforcement des engagements climat 2030 et 2050

Ces dernier mois, plusieurs pays, dont des grands émetteurs, ont annoncé de nouveaux objectifs de réduction des émissions de GES, essentiellement pour 2050 (neutralité carbone ou zéro émission nette), mais certains pour 2030. Tour d’horizon rapide de ces annonces :

  • Chine (22 septembre 2020) : le Président Xi Jinping a annoncé que la Chine « renforcera sa NDC, en adoptant des mesures politiques plus robustes. Nous visons à atteindre le pic des émissions de CO2 avant 2030 [et non plus « autour de 2030 »] et atteindre la neutralité carbone avant 2060 »  (lire notre brève sur le sujet;
  • Afrique du Sud (23 septembre 2020) : dans sa stratégie bas carbone 2050 soumise à la CCNUCC conformément à l’Accord de Paris (article 4), le Gouvernement sudafricain présente sa vision et sa trajectoire de croissance bas-carbone pour atteindre à terme une économie à zéro émission nette en 2050, sans pour autant fixer un objectif concret en ce sens. Il s’agit plutôt d’un objectif indicatif (aspiration) ;
  • Japon (26 septembre 2020) : le Premier Ministre du Japon, Yoshihide Suga, a déclaré que son pays se fixait pour objectif d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 (lire notre brève sur le sujet);
  • Corée du Sud (28 septembre 2020) : deux jours après le Japon, le Président de la Corée du Sud, Jae-in Moon, a annoncé, dans un discours au Parlement, que son pays s’engageait dans une démarche pour atteindre la neutralité carbone en 2050 (lire notre brève sur le sujet);
  • Etats-Unis: le Président élu, Joe Biden, s’engage, dans son programme électoral (Plan climat et justice environnementale) sur un objectif de zéro émission nette en 2050 (lire notre article sur le sujet);
  • UE : la Commission a présenté le 4 mars 2020 (lire notre article sur le sujet) une proposition de règlement fixant l’objectif de neutralité climatique (plus contraignant que la neutralité carbone car il englobe tous les GES réglementés), complété, le 17 septembre 2020, par une modification de cette proposition initiale, modification qui vise à renforcer l’objectif de réduction de 2030 (au moins -40%, base 1990), en le faisant passer à au moins -55% (lire notre article sur le sujet). Cette proposition est en cours de discussion par les deux co-législateurs (Parlement européen et Conseil). Un accord a été trouvé sur le volet 2050 en octobre 2020 (lire notre article sur le sujet) et, après d’intenses négociations, le 11 décembre 2020 sur le volet 2030 (lire notre article sur le sujet) ;
  • Canada (19 novembre 2020) : le Premier Ministre canadien, Justin Trudeau, a présenté un projet de loi visant à fixer un objectif fédéral de neutralité climatique en 2050 et des objectifs quinquennaux intermédiaires à partir de 2030 pour y parvenir. Ce processus de révision quinquennale qui serait juridiquement contraignant, comporterait l’obligation pour le Gouvernement fédéral d’établir un plan d’actions (politiques et mesures) pour mettre en oeuvre chaque objectif quinquennal et de rendre compte régulièrement sur les progrès réalisés pour atteindre ces objectifs ;
  • Royaume-Uni (3 décembre 2020): Boris Johnson, Premier Ministre du pays qui accueillera la COP-26 du 1er au 12 novembre 2021, a annoncé un nouvel objectif de réduction pour 2030 : au moins -68% par rapport à 1990. L’objectif national de réduction actuel du pays est de -57% (base 1990) fixé dans le cadre de son 5e budget carbone 2028-2032. Le Gouvernement britannique avait déjà fixé l’objectif de neutralité climatique en 2050 dans une modification, en 2019, à la loi sur le changement climatique (Climate Change Act) de 2008 (lire notre article « Brexit : quelles conséquences pour la politique climat-énergie de l’UE et au-delà ?« , publié le 31 janvier 2020). Cet objectif proposé est conforme aux recommandations de l’organisme consultatif indépendant qui conseille le Gouvernement en matière de politiques et mesures sur le climat, la Commission sur le changement climatique (Climate Change Committee ou CCC). Ces recommandations ont été publiées le même jour que l’annonce du Premier Ministre, soit le 3 décembre 2020. Le communiqué du Premier Ministre indique que le Royaume-Uni soumettra sa 2e NDC le 12 décembre 2020 à la CCNUCC. Le pays a soumis, conjointement avec les 27 autres Etats membres de l’UE, sa première NDC le 5 octobre 2016. Pour sa NDC-2, le Royaume-Uni le soumettra à titre individuel, puisqu’il a quitté l’UE au 31 janvier 2020 et que la période de transition s’achève le 31 décembre 2020. En se fixant ce nouvel objectif, le Royaume-Uni se rapproche du niveau d’ambition très ambitieux affiché par le Danemark dont le Parlement national a adopté une loi sur le climat le 6 décembre 2019 qui définit un objectif de réduction de 70% des émissions de GES en 2030 (base 1990) et établit un mécanisme de révision quinquennale visant à renforcer progressivement le niveau d’ambition nationale.

A noter enfin que plusieurs autres grands émetteurs sont restés discrets à l’approche du Sommet action climat 2020 : Australie, Inde, Russie, Brésil.

 

Malgré ce nouvel élan d’ambition de ces grands émetteurs en matière d’engagements de réduction à long terme, il reste à le refléter dans leurs objectifs à court terme (2030).

 

Un sommet à la veille de la mise en œuvre du régime de Paris

La journée anniversaire intervient, d’une part, juste avant le début de la mise en œuvre effective du régime de Paris (1er janvier 2021) et donc de ses mécanismes, règles et procédures et, d’autre part en amont de la 26e Conférence des Parties (COP-26) à la CCNUCC (qui devait avoir lieu du 9 au 20 novembre 2020 mais qui a été reportée d’un an en raison du Covid-19. Elle aura lieu du 1er au 12 novembre 2021, toujours à Glasgow, Ecosse). Le Sommet action climat 2020 est donc en théorie la dernière occasion formelle pour engager un rehaussement de l’ambition individuelle et collective avant ces échéances. Pour cette raison, le Sommet est qualifié d’un « tremplin pour Glasgow » par certains experts (source : IISD, décembre 2020). Le succès du Sommet dépendra des engagements concrets surtout pour 2030 qui seront annoncés par les grands pays émetteurs.

 

Lire notre article sur les enjeux de la COP-26 (voir encadré).

Lire notre article  » Alors que la COP-26 aurait dû démarrer aujourd’hui, où en sont les négociations climat de la CCNUCC et l’ambition des Parties ? »

 

Les récents engagements vers la neutralité carbone permettent de se rapprocher de l’objectif de +2°C d’après Climate Action Tracker

Le 1er décembre 2020, l’organisme de réflexion Climate Action Tracker a publié un rapport (en anglais) intitulé Paris Agreement turning point Wave of net zero targets reduces warming estimate to 2.1˚C in 2100 All eyes on 2030 targets [« Une étape charnière pour l’Accord de Paris : une vague d’objectifs zéro émission nette ramène le réchauffement à +2,1°C en 2100. Tous les regards se tournent vers les objectifs 2030 »]. Selon l’organisme, en prenant en compte les annonces récentes de certains pays visant la neutralité carbone, selon un scénario « optimiste » de mise en œuvre effective des politiques ambitieuses annoncées, le réchauffement attendrait, en 2100, +2,1°C (et donc serait très proche d’atteindre l’objectif de +2°C). A l’inverse, la continuation des politiques et mesures actuellement en place ménerait à un réchauffement entre +2,7°C et +3,1°C.

Climate Action Tracker considère que le nouvel objectif de neutralité carbone de la Chine contribuerait a lui seul à une réduction du réchauffement, en 2100, de 0,2 à 0,3°C. Celui des Etats-Unis (engagement de J. Biden) contribuerait à hauteur de 0,1°C.

 

 

En savoir plus :

 

L’Accord de Paris en bref

L’Accord de Paris a été adopté par les 197 Parties à la CCNUCC le 12 décembre 2015 lors de la COP-21 à Paris et ce, en application de la CCNUCC (article 7, comme le Protocole de Kyoto). C’est le premier instrument juridique international qui lie tous les pays, tant les pays industrialisés que les pays en développement, dans un nouveau régime commun et unifié post-2020 visant la réduction des émissions de GES. Ce nouveau régime viendra se substituer à celui du Protocole de Kyoto dont la 2e période se termine le 31 décembre 2020.

Lire notre dossier de fond «  De la COP-21 à la COP-22 et au-delà…- Résultats, bilan et perspectives de 21e Conférence des Parties à la Convention Climat et feuille de route vers 2020″

Objectifs à long terme

L’Accord de Paris fixe plusieurs objectifs à long terme :

  • température (2) : limiter la hausse de température moyenne de la planète nettement en-dessous de 2°C (d’ici 2100) par rapport aux niveaux pré-industriels, et viser si possible 1,5°C ;
  • réduction des émissions (art.4) : parvenir à un pic des émissions « dans les meilleurs délais» et réaliser des réductions rapidement par la suite pour parvenir à un équilibre entre les émissions anthropiques de GES et les absorptions par les puits au cours de la 2e moitié du 21e siècle [neutralité climatique].

Contributions nationales (Nationally Determined Contributions ou NDC) (art.4)

Les NDC sont la base du régime multilatéral climat post-2020. Dans le cadre d’une approche ascendante (bottom-up), toutes les Parties doivent engager des efforts ambitieux en vue d’atteindre les objectifs de 2°C, voire de 1,5°C, via des NDC. les NDC doivent être établies, communiquées et actualisées tous les cinq ans. Chaque nouvelle NDC devrait représenter une progression en termes d’ambition par rapport à la précédente. Ce mécanisme de révision quinquennale à la hausse des NDC est juridiquement contraignant. Les Parties furent invitées à soumettre leur première NDC lorsqu’elles ont ratifié l’Accord (160 soumises à ce jour sur 188 Parties) et les NDC-2 doivent être soumises d’ici fin 2020 (16 soumises à ce jour, sur 188 Parties), d’où l’importance de ce Sommet du 12 décembre 2020, surtout en l’absence de la COP-26 cette année.

Cadre de transparence renforcé (art.13) :

L’Accord de Paris établit un dispositif MRV unique mais différencié pour suivre, rapporter, évaluer et vérifier l’action climat des Parties : émissions de GES, politiques et mesures climat mises en œuvre, progrès vers la réalisation de leurs objectifs de réduction, soutien financier fourni et reçu. Il s’appliquera aux pays industrialisés en 2023 et aux pays en développement en 2025.

Bilan mondial (Global stocktake ou GST) (art.14)

Un bilan mondial de la mise en œuvre de l’Accord sera réalisé en 2023, puis tous les cinq ans par la suite, pour évaluer les progrès collectifs accomplis dans la réalisation des objectifs à long terme de l’accord (cf. articles 2 et 4).

D’autres articles définissent des dispositions relatives aux mécanismes de marché (art.6), à l’adaptation (art.7), au financement (art.9), au comité pour la mise en œuvre de l’Accord et le respect de ses dispositions (art.15). L’organe de prise de décision de l’Accord de Paris se nomme la CMA (réunion des Parties à l’Accord de Paris).

Entrée en vigueur et adoption des règles de mise en oeuvre

Suite à une mobilisation politique et diplomatique inédite au niveau mondial en 2016, après avoir atteint le double seuil d’au moins 55 ratifications de Parties représentant au moins 55% des émissions mondiales de GES (lire notre article sur le sujet), l’Accord de Paris est entré en vigueur le 4 novembre 2016, soit plus de trois ans avant l’échéance initialement escomptée (2020).

Enfin, sur la période 2016-2018, des négociations ont été menées au sein de la CMA pour élaborer les règles de mise en œuvre de l’Accord (manuel d’application ou Rulebook) sur les différents volets de l’Accord. Lors la COP-24 (Katowice, Pologne, fin 2018), les Parties à la CMA sont parvenues à un accord sur la quasi-totalité de ces volets, à l’exception surtout de l’article 6 (mécanismes de marché) (lire notre dossier de fond sur le sujet). Les Parties n’ont pu dégager de consensus sur les modalités techniques très complexes et à forts enjeux économiques de cet article. Le même scénario s’est reproduit à la COP-25 (fin 2019) (lire notre article sur le sujet). L’enjeu principal de la COP-26 est donc la finalisation des règles de mise en œuvre de l’article 6 : le régime de l’Accord de Paris débutera au 1er janvier 2021 sans que ces  règles soient finalisées.

 

 

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