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Emissions de GES : écart entre l’ambition 2030, 2050 et la science (Emissions Gap Report 2020 du PNUE)

  • Réf. : 2020_12_a06
  • Publié le: 11 décembre 2020
  • Date de mise à jour: 11 décembre 2020
  • International

Même avec la mise en œuvre intégrale des NDC, selon les projections du Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE), les émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES) en 2030 ne seraient compatibles ni avec l’objectif de +1,5°C et ni même avec l’objectif de +2°C, par rapport aux niveaux préindustriels. Les émissions doivent baisser de 22% en 2030 par rapport à 2019 pour engager une trajectoire d’émissions compatible avec l’objectif de +2°C et de 52% pour l’objectif de +1,5°C.

 

Le PNUE a publié le 9 décembre 2020 la 11e édition de son rapport annuel (Emissions Gap Report) qui évalue l’écart entre :

  • le niveau de réduction collective des émissions de GES en 2030 nécessaire pour être compatible avec les objectifs de +2°C et de +1,5°C et,
  • les projections d’émissions mondiales de GES de tous les pays de la planète, basées sur leurs engagements de réduction pour 2025-2030, inscrits dans leurs contributions nationales (NDC) [soumises au titre de l’Accord de Paris]. Ces engagements sont inconditionnels [prévus quoi qu’il arrive] et/ou conditionnels [conditionnés à un soutien des pays industrialisés (financement, renforcement des capacités, transfert de technologies)], sans pour autant être contraignants [cf. article 4 de l’Accord de Paris].

 

Niveau d’émissions actuel

Les émissions de GES ont augmenté de 1,3% par an (hors UTCATF [utilisation des terres, changement d’affectation des terres et forêt]) au cours de la période 2010-2019 et selon les données préliminaires, la hausse entre 2018 et 2019 serait de +1,1%. En 2019, les émissions totales mondiales de GES ont atteint le niveau record de 52,4 Gt CO2e hors UTCATF et 59,1 Gt CO2e avec UTCATF.

 

Au cours de la dernière décennie, les quatre principaux émetteurs (Chine, Etats-Unis, UE-28 et Inde) ont contribué à hauteur de 55% des émissions totales de GES hors UTCATF. Les sept principaux émetteurs (ces quatre émetteurs + Russie, Japon, transport aérien et maritime international) y ont contribué à hauteur de 65%. Quant aux pays du G20, leur contribution est de 78%. Le PNUE note un certain ralentissement de la croissance des émissions mondiales de GES dans les pays de l’OCDE alors que celles des pays hors OCDE sont en hausse.

 

L’impact du Covid-19 sur les émissions de GES en 2020

Le PNUE souligne que les projections des impacts du Covid-19 et des mesures de relance sur les émissions de GES d’ici 2030 sont toujours peu nombreuses et entourées de fortes incertitudes. Cependant, le Gap Report 2020 fournit quelques projections exploratoires basées sur les études disponibles.

 

Selon le PNUE, les émissions de CO2 pourraient diminuer de 7% en 2020 par rapport aux niveaux de 2019 suite à la pandémie du Covid-19 ainsi qu’au ralentissement des activités économiques et aux mesures de confinement mises en place à travers le monde pour endiguer la propagation du coronavirus. Le PNUE table sur une baisse plus faible des émissions de GES hors CO2 en 2020 puisque celles-ci seront probablement moins affectées par le Covid-19.

 

L’impact du ralentissement général de l’économie en raison de la pandémie de Covid-19 et des mesures de relance devraient réduire les émissions mondiales de GES d’environ 2 à 4 Gt CO2e d’ici 2030 par rapport au scénario avec politiques existantes pré-Covid-19. Cela suppose une forte baisse à court terme des émissions de CO2, après quoi les émissions suivront les tendances de croissance pré-2020 (effet rebond).

 

Les émissions mondiales de GES devraient connaître une forte baisse d’ici 2030 uniquement si la relance économique post-Covid-19 est utilisée comme une opportunité pour la transition vers une forte décarbonisation. Cela pourrait conduire à un niveau d’émissions mondiales de GES de 44 Gt CO2e d’ici 2030, soit une réduction de 15 Gt CO2e (c’est-à-dire de 25% environ) d’ici 2030 par rapport au scénario avec politiques existantes pré-Covid-19.

 

Scénario sans NDC

[Projections d’émissions mondiales en prenant en compte les politiques climat actuelles adoptées mais hors engagements de réduction des NDC]

 

Comparées au scénario de référence (64 Gt CO2e en 2030), les trajectoires projetées sur la base des mesures existantes devraient permettre de réduire les émissions mondiales de GES d’environ 5 Gt CO2e en 2030 pour atteindre 59 Gt CO2e. Cette réduction de 5 Gt CO2e est supérieure à celle projetée dans le rapport de 2019 [qui était de 4 Gt CO2e], ce qui implique une légère amélioration des progrès constatés en 2019 (par rapport à 2018) dans la mise en œuvre des politiques existantes. A noter néanmoins que cette réduction de 5 Gt CO2e est inférieure à celle projetée dans les rapports 2018 et 2017 [qui était de 6 t CO2e].

 

Or, le niveau à ne pas dépasser en 2030 pour ramener les émissions sur une trajectoire compatible avec l’objectif de +2°C est estimé à 41 Gt CO2e [comme dans le rapport de 2019]. L’écart est donc de 18 Gt CO2e. Pour l’objectif de +1,5°C, le niveau à ne pas dépasser en 2030 serait de 25 Gt CO2e, soit un écart de 34 Gt CO2e.

 

Scénario avec NDC

Même avec les NDC, en 2030, les émissions mondiales de GES devraient être comprises entre 53 Gt CO2e [mise en œuvre intégrale des objectifs inconditionnels et conditionnels] et 56 Gt CO2e [mise en œuvre uniquement des objectifs inconditionnels], soit une réduction comprise entre 3 et 6 Gt CO2e par rapport au scénario sans NDC en 2030.

 

Cohérence avec les données du GIEC

La fourchette de 53-56 Gt CO2e précitée est cohérente avec les projections du Giec [Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat] dans le résumé pour décideurs de son rapport spécial +1,5°C publié le 8 octobre 2018 (lire notre article et notre dossier sur le sujet) [Impacts du réchauffement à +1,5°C] : 52-58 Gt CO2e en 2030 sur la base du niveau d’ambition des premières NDC. 

 

L’écart entre l’ambition et la science

L’écart entre l’ambition des NDC et le niveau de réduction collective nécessaire pour une trajectoire compatible avec l’objectif de 2°C serait alors de 12 à 15 Gt CO2e ; pour une trajectoire compatible avec l’objectif de 1,5°C, l’écart serait de 29 à 32 Gt CO2e. Le PNUE souligne qu’à la mi-novembre 2020, aucun des grands pays émetteurs n’avait soumis de nouvelles NDC ou des NDC mises à jour comportant des objectifs de réduction renforcés pour 2030. C’est pour cette raison que le PNUE estime que, collectivement, les mises à jour 2019 des objectifs devraient conduire à une réduction de moins de 1% des émissions mondiales de GES en 2030. Les écarts précités, estimés pour 2019 (dans ce rapport 2020), demeurent très proches de ceux estimés pour 2018 (rapport 2019)(1).

 

Sur la base de ces écarts observés dans le rapport 2020 du PNUE, les émissions mondiales de GES doivent donc baisser de 22% en 2030 par rapport à 2019 pour engager une trajectoire d’émissions compatible avec l’objectif de +2°C et de 52% pour l’objectif de +1,5°C.

 

Les engagements [inconditionnels + conditionnels] pris par les Parties dans le cadre de leurs NDC, qui constituent le fondement de l’Accord de Paris, ne représentent qu’environ un tiers des réductions d’émissions de GES nécessaires à l’horizon 2030 pour respecter l’objectif de +2°C et seulement près d’un sixième pour respecter l’objectif de +1,5°C. En d’autres termes, il faudrait donc respectivement multiplier par trois le niveau d’ambition inscrit dans les NDC pour respecter l’objectif de +2°C et au moins par cinq pour respecter l’objectif de +1,5°C.

En outre, ces estimations se basent sur l’hypothèse que les pays mettraient en œuvre les engagements de réduction inscrits dans leurs NDC, ce qui est loin d’être acquis à ce stade.

 

Evolution des émissions mondiales de GES selon des scénarios avec et sans NDC
par rapport aux objectifs de +2°C et de +1,5°C

Source : PNUE, Emissions Gap Report 2020

 

 

Hausse des températures

La mise en œuvre des NDC actuelles entraînerait une augmentation des températures à l’horizon 2100 de 3°C [mise en œuvre intégrale des engagements] à +3,2°C [mise en œuvre des engagements inconditionnels seulement]. Ces projections sont identiques à celles des rapports 2019, 2018 et 2017. Selon le PNUE, la mise en oeuvre des objectifs de neutralité carbone en 2050 récemment annoncés par plusieurs grands émetteurs (UE, Japon, Corée du Sud, Chine [à l’horizon 2060]) pourraient faire baisser cette augmentation d’environ +0,5°C à condition que les engagements inscrits dans les NDC et les politiques et mesures de mise en œuvre correspondantes soient rendus compatibles avec ces objectifs de neutralité carbone. En revanche, le scénario des politiques actuelles pré-Covid-19 se traduirait par un niveau d’émissions de GES plus élevées d’ici 2030, ce qui, si ces politiques ne sont pas renforcées, conduirait à une hausse des températures moyennes mondiales de +3,5°C d’ici 2100.

 

Les mesures de confinement du Covid-19 ont permis de réduire fortement les émissions mondiales de GES en 2020. Cependant, selon les estimations du PNUE, si ces mesures ne sont pas suivies de plans de relance qui favoriseront une transition bas-carbone, cette baisse ponctuelle des émissions mondiales de GES ne devrait conduire qu’à une diminution de +0,01°C de la hausse des températures moyennes mondiales d’ici 2050, qui d’ici là aura sans doute dépassé +1,5°C.

 

Conclusions

Le PNUE est formel : « Un renforcement spectaculaire du niveau d’ambition est nécessaire pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris. Les pays doivent collectivement tripler le niveau d’ambition de leurs NDC pour se mettre sur une trajectoire compatible avec l’objectif de +2°C, et ils doivent faire plus que quintupler ce niveau pour se mettre sur une trajectoire compatible avec l’objectif de +1,5°C« .

 

Le nombre croissant de pays qui se fixent un objectif de neutralité carbone vers le milieu du 21e siècle est l’avancée la plus importante et la plus positive en matière de politiques climat en 2020. Cependant, avertit le PNUE, pour rester réalisables et crédibles, ces engagements doivent être inscrits dans les NDC et se traduire d’urgence par des politiques et mesures robustes à court terme (2030).

 

Par ailleurs, le PNUE pointe tout particulièrement les pays du G20 pour leur manque d’ambition : les progrès des pays membres du G20 ont été limités en ce qui concerne les soumissions officielles à la CCNUCC en 2020 des stratégies bas-carbone 2050 et des NDC nouvelles ou mises à jour. A la mi-novembre 2020, neuf membres du G20 (Canada, UE, France, Allemagne, Japon, Mexique, Afrique du Sud, Royaume-Uni et États-Unis) avaient soumis une stratégie bas-carbone 2050 à la CCNUCC (voir liste des pays). Aucun membre du G20 n’a officiellement soumis des objectifs de réduction dans une nouvelle NDC ou une NDC mise à jour (voir liste des NDC nouvelles et NDC mises à jour).

 

Le PNUE relève un autre écart, cette fois non pas entre la science et l’ambition, mais entre l’ambition 2030 et l’ambition 2050 : bien que les annonces récentes d’engagements de neutralité carbone à l’horizon 2050 par plusieurs pays soient très encourageantes, cela met en exergue l’important écart entre le niveau d’ambition de ces objectifs et le niveau d’ambition insuffisant des NDC actuelles pour l’horizon 2030. Pour accomplir des progrès considérables, d’ici 2030, vers la réalisation des objectifs de l’Accord de Paris, deux actions doivent d’urgence être mises en œuvre, selon le PNUE : d’une part, davantage de pays doivent élaborer et soumettre des stratégies bas-carbone 2050 qui soient compatibles avec les objectifs de l’Accord de Paris, et d’autre part, des NDC nouvelles ou des NDC mises à jour qui soient compatibles avec les objectifs de neutralité carbone en 2050 doivent être élaborées et soumises à la CCNUCC. A ces deux actions, il faudrait ajouter une troisième : mettre en œuvre ces stratégies et NDC.

 

(1) A titre de comparaison, les écarts estimés par le PNUE pour 2018 (rapport 2019 – lire notre article sur le sujet) étaient de 13 à 15 Gt CO2e (+2°C) et de 29 à 31 Gt CO2e (+1,5°C), pour 2017 (rapport 2018 –lire notre article sur le sujet) : de 13 à 16 Gt CO2e (+2°C) et de 29 à 32 Gt CO2e (+1,5°C), et pour 2016 (rapport 2017 –lire notre article sur le sujet) : de 10,8 à 13,2 Gt CO2e (+2°C) et de 16 à 19 Gt CO2e (+1,5°C)

 

N.B. Le Royaume-Uni s’est retiré de l’UE au 1er février 2020 mais applique le droit de l’UE jusqu’à la fin de la période de transition, à savoir le 31 décembre 2020. Puisque la période de référence couverte par le nouveau Gap Report du PNUE est 1990-2019, le Royaume-Uni était encore un Etat membre à part entière de l’UE et donc le terme UE-28 utilisé dans cet article comprend le Royaume-Uni. Lorsqu’il est fait référence à la période post-31 janvier 2020, il convient donc d’utiliser le terme UE-27 + Royaume-Uni.

 

Voir pages du site du PNUE consacrées au rapport, communiqué en français et en anglais, synthèse en français et en anglais, messages clés (en français), rapport intégral (en anglais), questions/réponses.

 

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