Conseil National de l’Air (CNA) : renforcement des ZFE-m, pesticides, rapport de la Cour des Comptes, PNSE-4, PREPA et actions du CNA
Le Conseil National de l’Air s’est réuni le 18 novembre 2020 en visio-conférence, sous la présidence de Jean-Luc Fugit (député du Rhône et Président du CNA depuis juin 2018) et en présence de Mme la Ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili. Tour d’horizon des principaux sujets traités.
Le Conseil National de l’Air (CNA)
Le CNA, créé en 1997 (par le décret n°97-432 du 29 avril dont les dispositions ont ensuite été intégrées dans le Code de l’Environnement (articles D.221-16 à D.221-21), est un organe de concertation, de consultation et de proposition dans le domaine de la lutte contre la pollution de l’air et de la surveillance de la qualité de l’air. Le CNA est composé de 50 membres : représentants des administrations, établissements publics, élus, personnalités qualifiées (dont le Président du Citepa, Jean-Guy Bartaire), industriels et ONG. Le CNA peut soit être saisi pour avis par le MTE, soit être consulté sur des projets de textes législatifs et réglementaires, soit examiner, à son initiative, toute question pertinente.
Mme la Ministre a remercié le CNA et son Président pour les travaux menés. La qualité de l’air reste un enjeu sanitaire important et les efforts pour l’améliorer sont à poursuivre car il y encore des zones géographiques en dépassement. Les zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m – voir plus loin) sont l’une des réponses. Il y en aura 11 en France en 2021, contre quatre en 2019. Le renforcement des ZFE-m est prévu avec notamment un projet de mettre en place une ZFE-m dans les agglomérations de plus de 150 000 habitants en 2024. Les supports techniques de l’ADEME pour aider les collectivités se poursuivront. Le sujet des foyers ouverts utilisant du bois est à nouveau examiné, ceux-ci représentant une part non négligeable des émissions. Les foyers non-performants restent un enjeu également pour l’amélioration de la qualité de l’air. Le projet de PNSE-4 vise des actions et politiques sectorielles pour un environnement plus favorable à la santé, au sens d’une seule santé (ce plan est en consultation publique jusqu’au 10 décembre 2020).
Renforcement des zones à faibles émissions mobilités (ZFE-m)
En réponse aux contentieux européens sur les dépassements des valeurs limites de concentration du NO2 et des PM10 fixés par la directive 2008/50/CE concernant la qualité de l’air ambiante, la Ministre de la Transition écologique a donc annoncé, en lien avec le Ministre délégué aux Transports, un renforcement des ZFE-m (voir encadré ci-dessous) et ce, afin de réduire les émissions de polluants provenant du trafic routier dans les principales métropoles françaises.
Les zones à faibles émissions mobilité
L’article 86 de la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités ou LOM (lire notre article sur le sujet) rend désormais obligatoire l’instauration au 31 décembre 2020 d’une zone à faibles émissions mobilité – ZFE-m – (anciennement nommée zone à circulation restreinte – ZCR [prévues par la loi n°2015-992 sur la transition énergétique (article 48) et mises en application par le décret n°2016-847 – lire notre article sur le sujet]) pour les collectivités locales qui dépassent de manière régulière sur leur territoire les normes de la qualité de l’air définies par l’article L. 221-1 du Code de l’Environnement. L’article 86 de la LOM prévoit par ailleurs que l’instauration d’une ZFE-m est également obligatoire, avant le 31 décembre 2022, lorsque les normes de qualité de l’air mentionnées au même article L. 221-1 ne sont pas respectées de manière régulière (au regard de critères définis par décret [c’est ce décret qui fait l’objet du présent article]), sur le territoire de la commune ou de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre compétent et que « les transports terrestres sont à l’origine d’une part prépondérante des dépassements« . En clair, l’article 86 de la LOM accorde un délai supplémentaire de deux ans à ces zones pour la création d’une ZFE-m.
Une ZFE-m est un territoire dans lequel est instaurée une interdiction d’accès, sur des plages horaires et des jours déterminés, pour certaines catégories et classes de véhicules qui ne répondent pas à certaines normes d’émissions et donc qui ont un impact nocif sur la santé des résidents de l’ensemble du territoire. L’identification des véhicules s’appuie sur les certificats qualité de l’air sous forme de vignettes nommées Crit’Air (lire notre article sur le sujet).
Le décret n°2020-1138 du 16 septembre 2020 (JO du 16 septembre 2020 – lire notre brève sur le sujet) fixe les critères de mise en place d’une ZFE-m. Concrètement, le décret définit les critères relatifs au non-respect de manière régulière des normes de la qualité de l’air donnant lieu à une obligation d’instauration d’une ZFE-m.
Quatre villes françaises ont déjà mis en place une ZFE (Paris [lire notre article sur le sujet], la métropole du Grand Paris, Lyon et Grenoble [lire notre article sur le sujet]). Pour Paris et Grenoble, il s’agit d’une ancienne zone à circulation restreinte (ZCR), devenue une ZFE avec la loi d’orientation des mobilités.
Dans un communiqué conjoint publié le 17 septembre 2020, la Ministre de la Transition écologique et le Ministre délégué chargé des Transports ont annoncé qu’en application du nouveau décret, sept nouvelles ZFE-m devront obligatoirement être mises en place d’ici 2021 : Métropole d’Aix-Marseille-Provence, Métropole Nice-Côte d’Azur, Métropole Toulon-Provence-Méditerranée, Toulouse-Métropole, Montpellier-Méditerranée Métropole, Eurométropole de Strasbourg, Métropole Rouen-Normandie.
Le Gouvernement envisage désormais d’imposer un calendrier de restriction pour ces premières 11 ZFE-m dès lors que les dépassements des valeurs limites de concentration persistent dans ces zones et qu’elles ne sont donc pas sur une trajectoire leur permettant de respecter ces normes européennes de qualité de l’air :
- interdiction des vignettes Crit’air 5 au 1er janvier 2023,
- interdiction des vignettes Crit’air 4 au 1er janvier 2024,
- Interdiction des vignettes Crit’air 3 au 1er janvier 2025.
Lire notre brève sur les textes réglementaires établissant le dispositif Crit’Air.
Les collectivités territoriales resteront libres de fixer des règles plus strictes en fonction de leurs spécificités locales.
Par ailleurs, dans le cadre de la future loi dite Convention Citoyenne pour le Climat (lire notre article sur le sujet), la Ministre a précisé que l’Etat amplifiera son action en faveur d’une meilleure qualité de l’air en étendant le dispositif ZFE-m. Ainsi, le Gouvernement envisage de rendre obligatoires les ZFE-m dans les agglomérations de plus de 150 000 habitants (à l’exclusion des DOM) d’ici le 31 décembre 2024, soit 35 nouveaux territoires visés. L’objectif de cette nouvelle mesure est d’anticiper le durcissement des normes de qualités de l’air attendu au niveau européen dans les prochaines années (révision de la directive 2008/50/CE – lire notre article sur le sujet), révision qui visera un alignement plus étroit des normes européennes avec les valeurs guides sur la qualité de l’air établies par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), datant de 2005 et également en cours de révision.
Pour faciliter la création de ces ZFE-m et au regard des nombreuses communes impliquées, cette compétence sera désormais confiée au président d’intercommunalité afin de simplifier le processus administratif et de garantir des mesures de circulation homogènes à l’échelle de chaque ZFE-m. Il s’agira d’établir des dispositions législatives pour le transfert des compétences et prérogatives du maire en matière de ZFE-m au président de l’EPCI en créant un pouvoir de police ad hoc.
Enfin, l’Etat entend accélérer les travaux relatifs aux contrôles automatisés pour faciliter l’exercice du pouvoir de police, c’est-à-dire le travail de contrôle des collectivités locales. L’objectif est de permettre à terme la mise en place de contrôles automatisés pour les ZFE-m.
Pesticides et particules ultrafines (PUF)
Les dispositifs de surveillance ont été présentés pour les pesticides (lire notre article sur le sujet) et les PUF (les PM0,1, particules dont le diamètre est inférieur à 0,1 µm, c’est-à-dire que leur taille se situe entre celle d’un virus et celle d’une cellule – lire notre brève sur le sujet). Pour les pesticides, le Laboratoire Central de Surveillance de la Qualité de l’Air (LCSQA) a exposé ses propositions de suivi selon plusieurs scénarios. Pour les PUF, une stratégie est en cours d’élaboration par le LCSQA.
Programme national de réduction des émissions de polluants atmosphériques (PREPA)
Le CNA a dressé un bilan des actions mises en œuvre en 2019-2020 dans les différents secteurs visés et des progrès accomplis dans la réalisation des objectifs fixés par le PREPA (lire notre article sur le sujet). On retiendra notamment l’avancée sur les ZFE-m ; le coup de pouce vélo ; les progrès réalisés dans la mise en place d’une zone de réduction des émissions de SOx (SECA) provenant des navires en Méditerranée avec une soumission prévue en 2022 à l’Organisation Maritime Internationale (OMI) ; la poursuite de l’électrification à quai (notamment avec l’aide du plan de relance) ; les 15 fonds Air Bois en finalisation avec des primes cumulables avec « ma prime renov » et le dispositif des certificats d’économies d’énergie ; l’interdiction des incinérateurs de jardin ; et la loi économie circulaire (loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire).
Le programme d’actions à mener en 2021 a également été présenté. Parmi les actions prévues :
- la réévaluation de l’impact sanitaire de la qualité de l’air en France par l’ANSES,
- le déploiement de la loi de programmation de mobilités (dite LOM – lire notre article sur le sujet) dans les territoires visés par les deux contentieux européens (lire notre article sur le contentieux relatif au dépassement des valeurs limites de concentration du NO2 et notre article sur le contentieux relatif au dépassement des valeurs limites de concentration des PM10),
- la poursuite de la prise en compte de la qualité de l’air dans les diverses démarches du type Plans climat air énergie territoriaux (PCAET),
- la concrétisation des propositions de la Convention Citoyenne pour le Climat (CCC) portant sur l’amélioration de la qualité de l’air.
Le futur 4e Plan national Santé-Environnement (PNSE-4)
Le CNA a présenté le projet de PNSE-4 (lire notre brève sur le sujet).
Le nouveau rapport de la Cour des Comptes
Le CNA a mené un débat sur le rapport de la Cour des Comptes, publié le 23 septembre 2020, présentant les résultats de son enquête sur les politiques de lutte contre la pollution de l’air (lire notre article sur le sujet).
Le CNA souhaite formuler des propositions sur la base du rapport de la Cour des Comptes et de priorisation de ces actions. Le CNA travaille en effet pour renforcer l’action. Un groupe de travail va être créé et des propositions seront élaborées pour le prochain CNA en janvier 2021.
Voir communiqué du MTE.
Voir aussi le Guide d’accompagnement de la mise en œuvre d’une ZFE-m – Zone à faibles émissions – mobilité, MTE, novembre 2020.