Nouveau rapport du HCC sur l’empreinte carbone de la France
Le 6 octobre 2020, le Haut Conseil pour le Climat (HCC) a publié un rapport sur intitulé « Maîtriser l’empreinte carbone de la France ». Il se focalise sur les émissions de gaz à effet de serre (GES) dites « importées », c’est-à-dire émises ailleurs qu’en France mais associées à la consommation des Français. Le HCC y présente d’abord un volet méthodologique, et propose de mieux déterminer cette empreinte. Le rapport se penche ensuite sur les raisons de l’évolution des émissions importées, et propose des stratégies politiques pour limiter l’empreinte carbone des produits importés en France.
La saisine du gouvernement pour ajouter l’empreinte carbone aux budgets carbone de la SNBC
Ce nouveau rapport du HCC a été produit en réponse à une saisine du HCC par le Gouvernement dans le cadre de l’examen de la loi énergie-climat à l’Assemblée nationale. Cette saisine indique que :« […] les parlementaires ont souhaité que les prochaines stratégies nationales bas-carbone (SNBC) incluent des plafonds d’émissions indicatifs portant sur l’empreinte carbone de la France […] (lire notre article sur le sujet). Afin d’être en capacité d’établir une trajectoire de réduction de l’empreinte carbone […], le gouvernement demande au Haut Conseil pour le Climat une étude méthodologique approfondie pour mieux déterminer l’empreinte carbone des produits importés en France, […] [et] appréhender les leviers existant pour réduire cette empreinte carbone ». En effet, l’article 8 de la loi énergie et climat (loi n°2019-1147 du 8 novembre 2019 et publié au JO le 9), indique :« [Le décret fixant la stratégie bas-carbone] indique également un plafond indicatif des émissions de gaz à effet de serre dénommé “empreinte carbone de la France”, [pour les] stratégies bas-carbone publiées après le 1er janvier 2022. ». Cet indicateur s’ajoute aussi au suivi d’un nouveau budget carbone indicatif spécifique au transport international.
Calcul de l’empreinte carbone
Le HCC s’appuie notamment sur l’indicateur déjà calculé par le SDES (lire notre article sur le sujet), et qui est déjà utilisé comme nouvel indicateur de richesse (alternatif au PIB, d’après l’approche développée en 2015 avec loi dite « Sas ») et comme indicateur complémentaire dans le cadre de la SNBC (« Au-delà de l’objectif de neutralité carbone de la France (échelle territoriale), la stratégie nationale bas-carbone vise également une réduction globale de l’empreinte carbone des Français. »).
Le HCC compare la méthode utilisée par le SDES (basée sur des Tableaux Entrées-Sorties) à celle d’autres travaux (OFCE en France [lire notre article sur le sujet], mobilisant la base de données Exiobase ; Royaume-Uni, Suède, Allemagne). Le HCC en conclue que si l’approche méthodologique du SDES est la bonne, elle reste moins fiable pour estimer les émissions des pays en dehors de l’UE, et principalement la Chine, deuxième partenaire commercial de la France.
L’éclairage du Citepa
L’approche empreinte et l’inventaire national : quelles différences ?
On distingue deux approches pour comptabiliser les émissions de gaz à effet de serre (GES) imputables à un pays. L’empreinte carbone est différente de l’approche utilisée pour élaborer les inventaires nationaux d’émission de gaz à effet de serre (GES) réalisés par le Citepa pour le MTES. Alors que l’approche inventaire se focalise sur les émissions dites territoriales (approche production : émissions ayant lieu sur le territorial national), l’empreinte carbone, elle, intègre toutes les émissions (rejetées en France et à l’étranger) induites par la consommation en France, de produits fabriqués en France et à l’étranger.
Les émissions territoriales, telles que calculées dans l’inventaire national par le Citepa, connaissent une diminution relative depuis les années 2000, passant d’environ 550 Mt CO2e à 445 Mt CO2e en 2018. Le calcul actuel de l’empreinte carbone, à l’inverse, montre une augmentation des émissions, passant d’environ 700 Mt CO2e dans les années 2000 à 749 Mt CO2e en 2018.
Lire notre analyse sur la comparaison entre les deux approches, leur méthodologie, leur contexte et leur complémentarité. Extrait du Rapport Secten édition 2020.
Mis de côté ces considérations méthodologiques, le HCC met en avant :
- le fait qu’à 11,5 tonnes de CO2e par habitant, l’empreinte carbone de la France, composée des émissions importées et des émissions de la production intérieure hors exportations, est environ 70% plus élevée que ses émissions territoriales ;
- le fait que la baisse des émissions territoriales masque une croissance forte des émissions importées (qui sont passées de 3,6 à 6,4 t CO2e/hab (+78%) entre 1995 et 2018.
Recommandations politiques du HCC
Pour répondre à la saisine, HCC propose un objectif quantifié pour 2023, pour l’établissement d’un plafond indicatif de réduction de l’empreinte. Le HCC calcule à parti d’une trajectoire compatible avec un objectif +1,5°C, ce qui implique une réduction, pour 2050, de l’empreinte carbone de 80% par rapport à 2005 (et des émissions importées seules de 65%).
Pour cela, et conformément aux consignes de la saisine, le HCC relève quatre leviers sur lesquels le gouvernement peut s’appuyer pour mettre en œuvre une telle réduction :
- Les entreprises, via le levier de la commande publique ; via des stratégies de décarbonation des émissions importées filière par filière ; et via la mise en place d’un score carbone des produits ;
- Les ménages, via l’amélioration de l’information de l’impact carbone (et notamment via un score carbone des produits)
- La diplomatie au sein de l’UE, via l’évaluation de l’empreinte carbone lors des négociations de traités de libre- échange (comme le Mercosur) ; et via l’ajustement carbone aux frontières
- La diplomatie internationale, via le renforcement des engagements des Etats au sein de l’Accord de Paris et via la mise en œuvre de la stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée.
En savoir plus
Voir communiqué, résumé et rapport complet du HCC.
L’éclairage du Citepa
Pourquoi les émissions importées ne sont-elles pas couvertes par les engagements climats internationaux ?
Le principe d’un inventaire des émissions de GES ayant lieu sur le territoire national répond à un besoin de comptabilisation, par les États eux-mêmes, de l’impact de leurs activités sur le climat. Pour calculer finement les émissions de GES, il est nécessaire d’avoir accès à des sources de données précises sur chaque activité, et de bien connaître les différentes sources d’émissions présentes sur son territoire. Comptabiliser toutes les émissions ayant lieu sur son territoire, quelle que soit la raison finale de ces émissions (ex : production de biens exportés), permet aussi une approche claire et simple, sans nécessité d’hypothèses supplémentaires.
Cette comptabilisation nationale a été formalisée dans le cadre des enceintes internationales sur le climat, en particulier la Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC, 1992), Convention « mère » du Protocole de Kyoto et de l’Accord de Paris. Les Parties à la CCNUCC, au Protocole de Kyoto, et désormais à l’Accord de Paris, doivent élaborer leurs inventaires nationaux d’émission de GES en s’appuyant sur les lignes directrices du Giec. Celles-ci indiquent (pp. 7-8) : « Les inventaires nationaux doivent inclure les émissions et les absorptions de gaz ayant lieu sur le territoire national (y compris les territoires administrés) et les territoires outre-mer sur lesquels le pays exerce sa juridiction. […] Conformément aux principes des émissions nationales, la méthodologie du Giec, prend en compte la totalité des émissions de gaz à effet de serre liées à la combustion dans les pays dans lesquels ces émissions se produisent ».
L’approche inventaire répond à des exigences internationales de rapportage et permet de comparer facilement sur une même base les émissions de GES des pays entre eux sans risque de double-compte.
Le HCC
Présidé par la climatologue franco-canadienne Corinne Le Quéré, le HCC est une autorité d’évaluation indépendante composée de 13 membres, spécialistes des sciences du climat, de l’économie, de l’agronomie et de la transition énergétique. Il a été formellement institué par la loi dite énergie-climat (loi n°2019-1147 du 8 novembre 2019, cf. article 10). Voir tous les membres (pour plus de détails sur la genèse du HCC, lire notre article sur le sujet).
Placé auprès du Premier Ministre, le HCC est chargé d’apporter un éclairage sur la politique climat du Gouvernement. Ainsi, le HCC doit rendre chaque année un rapport sur le respect de la trajectoire de baisse des émissions de gaz à effet de serre (GES), et formuler des recommandations et des propositions pour améliorer l’action de la France.