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Retour sur les propositions de la Convention Citoyenne pour le Climat (CCC) et leurs suites

  • Réf. : 2020_07_a06
  • Publié le: 28 juillet 2020
  • Date de mise à jour: 31 août 2020
  • France

Après neuf mois de travaux, le 21 juin 2020, la Convention citoyenne pour le climat (CCC) (voir encadré) a remis au gouvernement son rapport et 149 propositions. Le Président de la République s’était engagé, le 25 avril 2019, ainsi que le 10 janvier 2020, à les reprendre « sans filtre », mais a néanmoins, lors d’un discours devant la CCC le 29 juin 2020, indiqué qu’il écartait d’emblée trois « jokers » (la taxe de 4% sur les dividendes des grandes entreprises, la modification du préambule de la Constitution pour y intégrer l’exigence de préservation de l’environnement, la réduction à 110 km/h de la vitesse maximale sur autoroute). Analyse du Citepa sur les sources d’émissions visées par ces propositions et sur les suites possibles.

 

Contexte

La Convention citoyenne pour le climat s’est installée et a démarré ses travaux les 4, 5 et 6 octobre 2019. Lors de son discours le 25 avril 2019 annonçant les mesures adoptées par le Gouvernement suite au grand débat (organisé en réponse à la crise des gilets jaunes), le Président de la République a indiqué la mise en œuvre d’un changement de méthode pour accélérer la transition écologique, dont la création d’un Conseil de défense écologique et d’une Convention citoyenne pour le climat. Cette méthode de travail constitue une première, très débattue, en France. Les démarches similaires dans le monde sont rares, on peut citer l’Irlande (via des assemblées citoyennes). L’enjeu de cette démarche politique est immense puisqu’il pourrait s’agir de permettre à une assemblée citoyenne (comme le CESE) d’apporter des modifications à la Constitution, en supplément du Sénat et de l’Assemblée Nationale. Lire notre article sur l’installation de la Convention citoyenne sur le Climat

 

Vue globale des propositions par secteur émetteur de gaz à effet de serre

Le Citepa a reclassé les 149 propositions par secteur afin de mieux analyser ces propositions au regard des enjeux d’émissions de gaz à effet de serre. Une proposition peut être associée à un ou plusieurs de ces secteurs, ou bien à aucun. Ce classement réalisé par le Citepa est purement indicatif. Il vient compléter l’exercice d’évaluation (« gradation ») des objectifs (un objectif regroupe plusieurs propositions) proposé dans le rapport lui-même, de 1 à 3 étoiles.

 

A noter que deux leviers de la lutte contre le changement climatique ont été écartés de la mission de la CCC ou très minorés : l’énergie nucléaire et une taxe carbone étendue

 

L’éclairage du Citepa

Quid de la taxe carbone ?

La création de la Convention citoyenne pour le climat fait partie des mesures annoncées par le Gouvernement suite au grand débat organisé en réponse au mouvement de contestation des “gilets jaunes” de l’automne-hiver 2018 et de leur remise en cause de la fiscalité écologique, la taxe carbone en tête (voir encadré ci-dessous). Compte tenu de ce sujet devenu trop sensible, le sujet de la taxe carbone a été cantonné à un futur ajustement aux frontières et la CCC propose un moratoire de cinq ans.

La CCC n’évoque que marginalement l’idée d’une taxe carbone :

  • D’abord au sein de la proposition pt9.1 (« ajustement carbone aux frontières de l’UE (en fonction de l’empreinte carbone) et prise en compte les enjeux de redistribution pour éviter de peser sur les ménages les moins favorisés »). Cette proposition insiste donc sur l’idée que toute taxe carbone devrait prendre en compte ces effets économiques sur les ménages. Cette proposition reprend les conclusions d’une étude OFCE-Ademe de janvier 2020 dont nous avions fait une synthèse.
  • Ensuite, dans la partie « Synthèse sur le financement » du rapport final, en proposant « un moratoire sur l’évolution de la taxe carbone pendant cinq ans, le temps que les ménages soient informés de l’urgence climatique et aient les moyens de changer leurs habitudes (au-delà de ce délai, la question devra été réétudiée en fonction du contexte économique et social) ». Le sujet est donc repoussé à une date indéterminée.

Un sujet renvoyé à l’UE – qui devrait statuer à l’unanimité

Dans son discours, le Président indique que « des sujets comme la mise en place de la taxe carbone aux frontières du continent ou le verdissement de la politique agricole commune relèvent quant à eux de l’échelon européen ». il renvoie donc ce sujet non pas à la voie réglementaire ou législative nationale mais à des discussions au sein de l’UE.

Or, en matière fiscale, le Conseil de l’UE statue à l’unanimité et non pas à la majorité qualifiée. En effet, le Conseil doit statuer à l’unanimité sur les propositions fiscales, conformément à la procédure législative spéciale (articles 113 et 115 du Traité sur le fonctionnement de l’UE, dit TFUE). Par ailleurs, l’article 192 (paragraphe 2, 1er alinéa) et l’article 194 (paragraphe 3) du TFUE prévoient également que les dispositions et mesures, essentiellement de nature fiscale, dans le domaine de l’environnement et de l’énergie doivent être arrêtées par le Conseil statuant à l’unanimité (avec simple consultation du Parlement européen) conformément à la procédure législative spéciale.

Cela signifie donc que chaque Etat membre détient un droit de veto, ce qui rend très difficile toute décision dans ce domaine considéré comme sensible. La stagnation des travaux de révision de la directive 2003/96/CE sur la taxation de l’énergie (lire notre article sur le sujet) illustre parfaitement ce problème.

A noter que la fiscalité est le dernier domaine d’action de l’UE où le processus de prise de décision repose exclusivement sur l’unanimité (source : Commission européenne, communication du 15 janvier 2019, Vers un processus décisionnel plus efficace et plus démocratique en matière de politique fiscale dans l’UE [COM(2019) 8 final]).

 

Mise en œuvre et suivi : quelles suites à ces propositions ?

Suites proposées par le Président

Lors de son discours le 29 juin 2020, le Président a indiqué plusieurs suites possibles à ces propositions :

  • Certaines propositions doivent être affinées, modifiées (par exemple pour l’introduction du crime d’écocide).
  • Les propositions qui sont bien abouties et qui relèvent de la politique nationale seront transmises à l’Assemblée nationale pour examen parlementaire et pour les transformer en propositions législatives.
  • Les propositions qui relèvent du champ d’action européen feront l’objet de discussions au sein des instances européennes et auprès des partenaires privilégiés.
  • Les propositions qui relèvent du champ d’action international feront l’objet d’actions diplomatiques et de discussions au sein des instances internationales.
  • Les propositions qui resteraient bloquées, par exemple à l’étape parlementaire, pourraient finalement faire l’objet d’un référendum, en 2021, pour que la population tranche sur certains points.

Le Président a indiqué qu’il souhaitait que le travail de la CCC ne s’arrête pas à ces propositions mais se poursuive de sorte que les 150 citoyens puissent être les garants de la mise en œuvre effective des actions proposées. Certaines des 146 propositions, en particulier toutes celles qui relèvent du champ réglementaire, seront abordées lors d’un prochain Conseil de défense écologique (lire notre article sur le sujet) d’ici fin juillet 2020. D’autres seront intégrées au plan de relance qui sera économique, écologique et social et sera soumis au Parlement à la fin de l’été 2020. Ensuite un projet de loi spécifique sera présenté à la fin de l’été 2020. Il intégrera l’ensemble des propositions de mesures qui relèvent du champ législatif qui seront finalisées dans les prochaines semaines ; et y compris celles qui méritent encore d’être affinées ou complétées. Le Gouvernement et le Parlement y travailleront et les membres de la CCC seront associés dans le cadre du suivi. Le Chef de l’Etat a proposé que soient mis en place les groupes de travail sur les propositions pour associer les membres de la CCC aux transformations en lois, en règles concrètes par les parlementaires et le Gouvernement.

Certaines propositions dépendent aussi des collectivités territoriales. Pour augmenter le nombre de parkings relais, interdire les véhicules émetteurs dans les centres-villes, il faut dialoguer avec les maires et les élus locaux. Le Président de la République propose donc que le Gouvernement réunisse les associations d’élus pour discuter de l’ensemble de ces propositions, de leur mise en œuvre et pouvoir ainsi intégrer le résultat de ces échanges dans les modifications législatives nécessaires qui seront ainsi intégrées à ce projet de loi.

Enfin, le Président de la République a précisé qu’il souhaite que le Gouvernement fasse le point avec la CCC chaque mois sur le suivi de leurs propositions. Dans ce cadre, le 20 juillet 2020, le Premier Ministre a reçu 14 membres de la CCC pour travailler sur la mise en œuvre de leurs propositions et sur la mise en place des groupes de travail.

 

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