Quelle situation des émissions de polluants et de gaz à effet de serre depuis le déconfinement ?
Le Citepa vous avait précédemment proposé des synthèses sur les différentes publications, scientifiques et politiques, portant sur les effets des mesures de lutte contre la crise du Covid-19 et les émissions de polluants atmosphériques et de gaz à effet de serre (GES), en France, en Europe et dans le monde. Voir nos articles précédents : mars 2020 (polluants et GES) ; avril 2020 (GES) ; avril 2020 (polluants) ; modélisation de l’impact du confinement sur les émissions de polluants, avril 2020 ; mai 2020 (polluants) ; estimations de l’AIE sur les émissions mondiales de GES, mai 2020 ; mai 2020 (GES). Comment ont évolué les émissions depuis fin mai 2020, et la reprise progressive de certaines activités ?
Pollution de l’air
D’après un communiqué d’Airparif du 10 juin 2020, la reprise progressive du trafic routier en Ile-de-France du 11 au 30 mai a conduit à une hausse des émissions de NOx et de particules (PM10 et PM2.5) atteignant 80% des émissions pré-confinement, voire 90% sur le périphérique. Les concentrations de NO2, de -25% pendant le confinement, sont remontées à -15% sur les trois premières semaines de déconfinement ; les concentrations en particules PM10 et PM2.5 sont quant à elles revenues à un niveau habituel.
Une étude du CREA (Centre de recherche sur l’énergie et la qualité de l’air) publiée le 24 juin, a comparé l’évolution des concentrations de NO2, corrigées des effets météo, dans plusieurs grandes villes européennes, pendant et après les périodes de confinement. Les émissions de NOx, en zone urbaine, sont en majorité dues aux véhicules. Il apparait que c’est à Paris que le rebond (différentiel entre la situation post-confinement et la moyenne des trente jours de confinement durant lesquelles les niveaux étaient les plus bas) a été le plus fort (+ 118%), suivie de Bruxelles (+ 88%). Cela ne signifie pas que les émissions de NOx sont plus fortes qu’avant : ce rebond très fort à Paris est lié au fait que la baisse des concentrations pendant le confinement y avait été particulièrement forte (-60% par rapport à la même période de 2017, 2018 et 2019, en corrigeant les conditions météorologiques). Comme le souligne le CREA, en d’autres termes, cela met en lumière le potentiel de réduction des émissions de polluants dans le secteur des transports. A l’inverse, d’autres villes comme Oslo ou Budapest aurait retrouvé un niveau de concentration post-crise plus important qu’avant. Enfin, dans d’autres grandes métropoles, le rebond est moins marqué à (+ 49% à Madrid ; + 34% à Londres ; + 34% à Munich… et + 4% seulement à Berlin). Par ailleurs, au-delà des évolutions en relatif, il faut noter que les concentrations en NO2 restent plus importantes à Bruxelles, Milan et Munich qu’à Paris.
Climat
En Ile-de-France, Airparif note dans son communiqué que les émissions de CO2, tout comme les émissions de NOx, sont revenues à 80% de leur niveau habituel pendant la période de déconfinement (du 11 au 30 mai 2020).
Notre article du 27 mai 2020 faisait le point sur les principales études à retenir sur la quantification de l’impact sur les émissions de GES, en France et dans le monde, et notamment :
- Le Quéré C. et al. (2020) Temporary reduction in daily global CO2 emissions during the COVID-19 forced confinement. Nature Climate Change, volume 10, pages 647–653, lire en ligne. Cet article montrait que, jusqu’à début avril 2020, les émissions mondiales journalières de CO2 ont été réduite de -17% [fourchette d’estimation : -11% à -25%] par rapport au niveau de 2019. L’impact sur le total émis en 2020dépendra de la durée des mesures de confinement : l’évolution 2019-2020 pourrait donc être de -4% à -7%.
- Liu Z., P. Ciais et al. (2020, en revue) COVID-19 causes record decline in global CO2 emissions, lire en ligne. Selon cet article, la crise aurait eu pour effet une diminution de -5,8% des émissions de CO2e par rapport à 2019 (estimation depuis mise à jour à -7,3% en incluant le mois d’avril, soit 886 Mt CO2e évités [c’est-à-dire l’équivalent d’un peu plus que les émissions totales de l’Allemagne en 2018, 858 Mt CO2e, source : CCNUCC, 2019]).
Dans une analyse publiée le 20 mai 2020 dans Nature, C. Le Quéré et al. proposent une synthèse de ces deux publications. Le graphique ci-dessous présente les projections montrant un retour attendu à des niveaux d’émissions post-crise d’ici la fin de l’année 2020.
Par ailleurs, les estimations publiées par Liu Z., Ciais P. et al. (2020) ont été mises en ligne sous forme de graphiques interactifs, qui sera mis à jour régulièrement, sur le site Carbon Monitor. Ce site présente une estimation (basée sur des indicateurs) des émissions journalières de CO2 par secteur et par pays. D’après ces estimations, on voit qu’en France le niveau des émissions de CO2, en mai 2020, continue d’être plus bas qu’à la même période en 2019.
Evolution des émissions mensuelles de CO2 (Mt CO2/mois) en France
D’après les données rassemblées par Ciais et al. 2020 sur le site Carbon Monitor
Source : Carbon Monitor, données pour la France, 2020.
D’après des estimations de Carbon Brief, publiées le 29 juin 2020, basées, elles aussi, sur divers indicateurs, les émissions de CO2 en Chine, après avoir connu une baisse temporaire de -25% pendant la période de confinement, seraient reparties à la hausse en mai pour atteindre un niveau plus haut qu’en mai 2019. En particulier, les émissions du charbon et de la production de ciment seraient à l’origine de la rapidité de ce rebond, qui ne serait cependant pas forcément représentatif du reste de l’année 2020 – les incertitudes sur l’évolution de l’économie, du secteur industriel et des énergies étant fortes.