Adoption formelle de la 2e Stratégie nationale bas-carbone et des trois prochains budgets carbone
La 2e Stratégie nationale bas carbone (SNBC – voir encadré ci-dessous) a été formellement adoptée par le décret n°2020-457 du 21 avril 2020 (JO du 23). Ce décret fixe également les trois prochains budgets carbone pour les périodes 2019-2023, 2024-2028 et 2029-2033.
De la SNBC-1 à la SNBC-2
Prévue par la loi sur la transition énergétique (LTE, article 173), la SNBC constitue la feuille de route de la France pour atteindre ses objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) (-40% en 2030 [base 1990] et neutralité carbone en 2050, cf. art. 1er de la LTE). A cette fin, elle définit les orientations et les mesures concrètes à mettre en œuvre dans les politiques publiques, sectorielles et territoriales. Elle fixe à court et à moyen terme des budgets-carbone (plafonds d’émissions de GES à ne pas dépasser au niveau national sur des périodes de cinq ans) pour définir la trajectoire de baisse des émissions à suivre.
La première SNBC a été établie par le décret n°2015-1491 et publiée le 18 novembre 2015 (lire notre article sur ce sujet). Elle fixait les trois premiers budgets carbone (2015-2018, 2019-2023 et 2024-2028). Le MTES avait mené une consultation publique préliminaire entre le 13 novembre et le 17 décembre 2017 sur la révision de la SNBC.
Le 20 janvier 2020, le MTES a lancé la consultation publique (lire notre article sur le sujet) sur le projet de décret définissant la SNBC révisée (dite SNBC-2), révisant les budgets carbone pour les périodes 2019-2023 et 2024-2028 et fixant un quatrième budget carbone pour la période 2029-2033, le projet de SNBC-2 (lire notre article sur ce sujet) et le projet de résumé de la SNBC-2. Le 30 mars 2020, le MTES a publié les résultats de cette consultation publique sur la SNBC-2 et les budgets carbone (lire notre article sur le sujet).
Principe de la SNBC-2
La SNBC-2 met en œuvre l’objectif du Gouvernement présenté le 6 juillet 2017 dans le Plan climat (lire notre article sur le sujet) et inscrite dans la loi énergie-climat (loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 – lire notre article sur le sujet) d’accélérer la mise en œuvre de l’Accord de Paris en fixant pour cap d’atteindre l’objectif de la neutralité carbone (c’est-à-dire que toutes les émissions anthropiques soient compensées par des absorptions [dans la biomasse forestières, les sols… mais aussi via des procédés artificiels de captage du CO2] d’ici 2050 pour la France.
Sur la base d’une trajectoire prospective à 2050, la SNBC-2 définit des objectifs nationaux de réduction des émissions de GES à court et à moyen terme via les budgets carbone. Le MTES souligne que la SNBC-2 est cohérente avec les engagements de la France pris auprès de l’UE et dans le cadre de l’Accord de Paris, et les engagements nationaux. Elle définit des orientations de politique publique pour mettre en œuvre la transition vers une économie bas-carbone sobre en consommation de matière et d’énergie, et circulaire dans tous les secteurs d’activités.
Source : MTES, synthèse de la SNBC-2 (p.3).
Scénario avec mesures supplémentaires
La SNBC s’appuie sur un scénario élaboré au cours d’un exercice de projection commun à la Programmation Pluriannuelle de l’Energie (PPE – lire notre article sur le sujet). Ce scénario s’appuie sur des mesures de politiques publiques supplémentaires (scénario dit avec mesures supplémentaires, AMS) par rapport à celles existant aujourd’hui (scénario dit avec mesures existantes, AME). Ces mesures supplémentaires permettraient à la France de respecter ses objectifs climatiques et énergétiques à court, moyen et long-terme.
Concrètement, la SNBC-2 prévoit, dans son scénario AMS, que les émissions de GES atteignent un niveau de 80 Mt CO2e (hors UTCATF) en 2050 (contre 546 Mt CO2e en 1990 et 458 Mt CO 2e en 2015). Sans pour autant le fixer explicitement comme objectif national de réduction, la SNBC-2 impliquerait donc une réduction non plus par 4 d’ici 2050 (facteur 4), mais par 6,8 (soit -85%, base 1990). Atteindre la neutralité carbone implique donc de compenser ces émissions par des puits de carbone, générant des absorptions annuelles au moins équivalentes (-80 Mt CO2e/an).
Solde du premier budget carbone
Le bilan provisoire du solde du premier budget-carbone 2015-2018 indique un dépassement estimé à 65 Mt CO2e sur l’ensemble de la période, soit 3,7% du premier budget, soit un surplus moyen d’environ 16 Mt CO2e par an (c’est-à-dire 3,5% des émissions totales de GES de la France en 2017 (452 Mt CO2e), hors UTCATF [source : Citepa, inventaire national Secten, p.8]). Les émissions de GES n’ont décru que de 1% par an en moyenne entre 2015 et 2018, alors que le scénario SNBC 2015 projetait une diminution de 2,2% par an en moyenne sur cette période.
Les nouveaux budgets carbone
Le nouveau décret révise les budgets carbone pour les périodes 2019-2023 (2e budget) et 2024-2028 (3e budget) (en remplacement des budgets initialement fixés par la première SNBC et le décret n°2015-1491 pour ces mêmes périodes) et fixe un quatrième budget carbone pour la période 2029-2033. L’élaboration de ces budgets se base sur les données officielles d’émissions de GES de la France, calculées par le Citepa (cf. inventaire national Secten).
Source : Citepa d’après SNBC-2.
Comme on le voit sur ces graphiques, les budgets des périodes 2019-2023 et 2024-2028 ont été revus entre ceux définis initialement par la SNBC-1 en 2015, et ceux fixés par la SNBC-2. Le budget 2019-2023 pour tous les GES s’élevait à 398 Mt CO2e/an dans la SNBC-1 et s’élève désormais à 422 Mt CO2e/an – soit 24 Mt CO2e de plus. L’effort de réduction est donc abaissé pour cette période. En revanche, pour la période 2024-2028, le nouveau budget (359 Mt CO2e/an) est similaire à celui de la SNBC-1 (357 Mt CO2e/an). Cela signifie que l’effort supplémentaire de réduction entre les deux périodes intervient plus tard mais doit prendre un rythme plus rapide dans la SNBC-2 que dans la SNBC-1. Autrement dit, si l’ambition à court terme a été revue, l’ambition de moyen terme (2030) et long terme (2050) quant à elle est bien conservée.
Le MTES souligne en effet que le rythme de diminution des émissions de GES prévu par les budgets carbone de la SNBC-2 est plus ambitieux que celui fixé par les budgets de la stratégie adoptée en 2015. En effet, la réduction prévue en 2015 entre le premier budget et le troisième étant de près de 20% (de 442 à 358 Mt CO2e), alors que cette diminution est proche de 30% entre le deuxième et le quatrième budget carbone. Selon le MTES, ceci vient souligner les efforts additionnels attendus dans tous les secteurs pour respecter les engagements nationaux, européens et internationaux de la France et atteindre la neutralité carbone en 2050.
Par ailleurs, les budgets carbone se répartissent aussi, de manière indicative, par secteur d’activités (industrie, énergie, transports, bâtiments (résidentiel-tertiaire), déchets, agriculture, UTCATF). L’analyse des budgets sectoriels sera traitée prochainement par Citepa avec des données plus récentes (Secten éd. 2020), incluant une pré-estimation de 2019.
Les orientations de la SNBC-2
La SNBC-2 formule des orientations de politiques publiques concernant :
- la gouvernance de la mise en œuvre de la stratégie aux échelles nationale et territoriale,
- des enjeux transversaux tels que l’économie, la recherche, l’éducation, l’emploi,
- chaque secteur d’activité : transports, résidentiel-tertiaire, agriculture, forêt, industrie, production d’énergie, traitement centralisé des déchets.
Suivi, évaluation et révision de la SNBC-2
La SNBC-2 précise les modalités de son suivi, de son évaluation et de sa révision.
Suivi : le suivi de la SNBC-2 repose sur un ensemble d’indicateurs, composé :
- d’indicateurs de résultats directement comparables aux objectifs nationaux et illustrant les résultats de la SNBC-2 dans son ensemble,
- d’indicateurs de contexte aidant à la mise en perspective des résultats,
- d’indicateurs relatifs à la mise en œuvre de chaque orientation transversale et sectorielle (indicateurs pilotes),
- d’indicateurs du niveau d’intégration des orientations de la stratégie dans les politiques publiques,
- d’indicateurs environnementaux complémentaires proposés dans le cadre de l’évaluation environnementale stratégique.
Les indicateurs de résultats sont actualisés chaque année suite à la parution des inventaires nationaux d’émissions de GES réalisés par le Citepa. Ce suivi annuel permet d’appréhender progressivement le respect du budget carbone de la période en cours. Un suivi complet de l’ensemble des indicateurs est réalisé a minima tous les deux ans à compter de l’adoption de la stratégie et de ses futures révisions. L’ensemble des parties prenantes est associé au suivi de la SNBC-2.
Evaluation et révision : tous les cinq ans, la SNBC fait l’objet d’un cycle complet de révision. Il comprend, à partir du prochain cycle de révision, l’adoption d’une loi quinquennale fixant les objectifs et priorités d’actions en matière d’énergie et de climat après débat parlementaire, la révision du scénario de référence de la SNBC et la définition d’un nouveau budget carbone, la révision de la SNBC et de ses orientations (étapes auxquelles les parties prenantes sont également associées) et la réalisation de consultations réglementaires. La révision de la SNBC permet notamment l’adaptation du scénario de référence aux évolutions, notamment des connaissances (techniques, scientifiques, économiques, sociales et géopolitiques). Cette révision s’appuie sur une évaluation rétrospective de la mise en œuvre de la SNBC. Elle porte sur le respect des tranches annuelles indicatives du budget carbone de la période en cours, le respect des trajectoires du scénario de référence de la SNBC et le niveau d’intégration des orientations dans les politiques publiques. Cette évaluation permet d’identifier les éventuels écarts à la trajectoire et aux objectifs fixés et d’analyser leurs causes.
En savoir plus
- décret no 2020-457,
- version intégrale de la SNBC-2,
- synthèse de la SNBC-2,
- plaquette du MTES : la SNBC-2 en 10 points,
- communiqué du MTES,
- voir la page du site du MTES consacrée à la SNBC.