Emissions de GES de l’UE : vers un rehaussement de l’objectif de 40% de réduction pour 2030 ?
Le 18 mars 2020, la Commission européenne a publié une étude d’impact initiale (inception impact assessment) sur l’opportunité de rehausser le niveau d’ambition de l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) pour 2030, actuellement en vigueur (-40% par rapport au niveau de 1990). Cette étude d’impact initiale est destinée aux parties prenantes (entreprises du secteur public et privé, autorités et agences nationales, collectivités territoriales,…) auxquelles la Commission demande leur avis (période de consultation du 18 mars au 15 avril 2020).
Le 31 mars 2020, la Commission a également lancé une consultation publique sur le sujet (jusqu’au 23 juin 2020).
Contexte : les objectifs de réduction des émissions de GES de l’UE pour 2030 et 2050
Objectif de réduction des émissions de GES pour 2030
Le Conseil européen des 23-24 octobre 2014 avait approuvé les objectifs climat-énergie à l’horizon 2030 (lire notre dossier de fond sur le sujet) proposés par la Commission européenne le 22 janvier 2014 (lire notre article sur le sujet) :
- réduction d’au moins 40% des émissions de gaz à effet de serre (GES) (base 1990) [objectif contraignant].
- part d’au moins 27% d’énergies renouvelables dans la consommation finale brute d’énergie [objectif contraignant],
- réduction de la consommation d’énergie primaire d’au moins 27% [par rapport au scénario tendanciel pour 2030, objectif indicatif].
Le 28 novembre 2018, l’ancienne Commission (présidée alors par Jean-Claude Juncker) avait publié, sous forme de stratégie, sa vision pour parvenir à la neutralité climatique d’ici 2050 (lire notre article sur ce sujet). Cette stratégie indiquait que la Commission n’avait pas l’intention, à ce stade-là, de réviser à la hausse l’ambition des objectifs climat-énergie fixés pour 2030 (et ce malgré le fait que l’ancien Commissaire européen à l’action climat (Miguel Arias Cañete) ait souligné à plusieurs reprises en 2019 que l’UE pourrait passer à un objectif de réduction de GES d’un peu plus de 45%). Néanmoins, la volonté de rehausser cet objectif a de nouveau été formulée en 2019 par le Parlement européen, qui a préconisé un objectif de réduction de 55% dans une résolution non contraignante adoptée le 14 mars 2019.
Dans son programme pour l’Europe, qu’a présenté la nouvelle Présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen (lire notre article sur cette élection), le 16 juillet 2019 (lire notre article sur le sujet), celle-ci a mis l’accent sur le renforcement du niveau d’ambition de l’objectif climat 2030 actuel : elle souhaite ainsi faire passer cet objectif à 50% et d’ici 2021, elle présentera un plan visant à accroître cet objectif à 55%, plan qui sera basé sur des études d’impact socio-économiques et environnementales.
Cette ambition a été inscrite dans le Pacte Vert pour l’Europe (European Green Deal). Dans le communication sur ce Pacte Vert, publiée le 11 décembre 2019 (lire notre dossier de fond sur le sujet), la Commission a en effet indiqué que, d’ici l’été 2020, la Commission présenterait un plan assorti d’une analyse d’impact de façon à porter l’objectif de -40% à au moins 50% et tendre vers 55% par rapport aux niveaux de 1990.
Le 3 mars 2020, les Ministres de l’Environnement et/ou du Climat de 12 Etats membres (Autriche, Danemark, Espagne, Finlande, France, Italie, Lettonie, Luxembourg, Pays-Bas, Portugal, Slovénie, Suède) avaient adressé une lettre au Vice-Président de la Commission, Frans Timmermans, lui demandant de présenter ce plan d’ici juin 2020 au plus tard.
Objectif de réduction des émissions de GES pour 2050
La réalisation de l’objectif de réduction de -40% (voire -55%) pour 2030 est importante pour permettre à l’UE de se mettre le plus rapidement possible sur une trajectoire de réduction d’émissions compatible avec les objectifs climat à l’horizon 2050.
Dans un premier temps, cet objectif à long terme (2050) de l’UE avait été fixé par le Conseil Environnement du 14 octobre 2010 (conformément aux préconisations du Giec [Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat]) : une réduction de 80 à 95% des émissions de GES de l’UE d’ici 2050 (base 1990). Le Conseil européen extraordinaire du 4 février 2011 consacré à l’énergie avait réaffirmé cet objectif à long terme. La feuille de route climat 2050 de l’UE, publiée par la Commission en 2011 (lire notre article sur ce sujet) mais jamais adoptée formellement par les Vingt-huit en raison du veto de la Pologne, s’appuyait sur cet objectif.
Après la publication par la Commission, le 28 novembre 2018, de la nouvelle stratégie pour parvenir à la neutralité climatique d’ici 2050 (voir plus haut), la nouvelle Présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, avait annoncé, le 16 juillet 2019 qu’un des principaux objectifs de la nouvelle Commission consistait à faire de l’Europe, d’ici à 2050, le premier continent climatiquement neutre (lire notre article sur ce sujet). Lors du Conseil européen des 12-13 décembre 2019, les Chefs d’Etat et de Gouvernement des Vingt-huit, sauf celui de la Pologne, ont approuvé l’objectif de neutralité carbone pour l’UE en 2050 (voir leurs conclusions adoptées). Dans cette optique, la Commission européenne a présenté, le 4 mars 2020, une proposition de règlement, dite « loi européenne sur le climat pour l’Europe« , fixant l’objectif de neutralité climatique à l’horizon 2050 (objectif juridiquement contraignant). Cette proposition vise à inscrire formellement en droit européen cet objectif.
Le problème
Dans son étude d’impact initial, la Commission souligne que, sur la base des objectifs actuels en matière de climat-énergie pour 2030 et de la mise en œuvre intégrale de la législation européenne concernée, l’UE réduirait ses émissions de GES d’environ 45% d’ici 2030 par rapport au niveau de 1990. La poursuite de ces politiques et mesures ne conduirait d’ici 2050 qu’à une réduction d’environ 60% et par conséquent non pas à la neutralité climatique (zéro émission nette).
Selon l’exécutif européen, en l’absence d’actions climat plus ambitieuses pour 2030, il faudrait que l’UE élimine la moitié de ses émissions totales de GES de 1990 (qui s’élevaient à 5 654 Mt CO2e hors UTCATF [source : AEE, 29/05/2019]) en seulement deux décennies, sur la période 2030-2050 donc (c’est-à-dire obtenir une réduction de 2 827 Mt CO2e sur 20 ans, soit 141,35 Mt CO2e/an, soit 2,5% du niveau de 1990 par an) afin d’atteindre la neutralité climatique en 2050. Ce rythme de réduction des émissions annuelles de GES est bien plus rapide que les réductions obtenues jusque-là et constitue un défi de transition énergétique inédit. L’initiative vise donc à évaluer comment parvenir à une trajectoire de réduction plus équilibrée sur la période 2020-2050 et ainsi à répartir dans le temps l’effort de transition vers la neutralité climatique en 2050.
Le renforcement du niveau d’ambition climat de l’UE à l’horizon 2030 conduirait ainsi à une trajectoire de réduction plus progressive et une répartition plus progressive des efforts entre aujourd’hui et 2050. Il impliquerait néanmoins un fort accroissement de l’ambition à court terme, ce qui signifierait un délai limité pour l’élaboration et la mise en œuvre de mesures supplémentaires et pour que les acteurs économiques puissent s’y ajuster.
Objectifs et options politiques
Le but de cette initiative est donc de proposer un objectif renforcé de réduction des émissions de GES à l’horizon 2030 afin de préparer l’UE à la transition vers la neutralité climatique d’ici 2050. Cela passera notamment par une modification du futur règlement fixant l’objectif de neutralité climatique en 2050, proposition présentée par la Commission le 4 mars 2020 (lire notre article sur le sujet). La Commission évaluera les impacts économiques, sociaux et environnementaux de cette initiative qui esquissera l’architecture générale des mesures politiques visant les différents secteurs émetteurs pour atteindre l’objectif climat révisé, y compris une analyse préliminaire de la législation sur les énergies renouvelables (directive 2009/28/UE sur les énergies renouvelables (refondue par la directive (UE) 2018/2001) et l’efficacité énergétique (directive 2012/27/UE modifiée par la directive (UE) 2018/2002). Cette analyse alimentera un réexamen de cette législation et, là où cela s’avère nécessaire, une révision des objectifs et des dispositions législatives. Une analyse de l’ambition des Plans nationaux énergie et climat (NECP) alimentera également cette évaluation.
Plus particulièrement, l’initiative évaluera entre autres :
- le type et le calendrier des actions de réduction nécessaires au-delà du secteur énergétique (transport, agriculture, forêt, industrie, traitement des déchets) ;
- l’articulation du renforcement de l’objectif climat 2030 avec la trajectoire de réduction au-delà de 2030 conduisant à la neutralité climatique en 2050,
- comment l’UE peut accroître les absorptions du CO2 dans le temps, y compris via les puits naturels, et le rôle de la biomasse ;
- le rythme et l’ampleur des investissements nécessaires.
La date limite de remise des commentaires est fixée au 15 avril 2020. La Commission prévoit de présenter une communication au troisième trimestre 2021.
Voir page dédiée à la consultation publique (en anglais) sur le site de la Commission où l’étude d’impact initiale peut être téléchargée.