Secteurs hors SEQE : tendances et projections d’émissions de GES (analyse AEE)
Le 10 mars 2020, l’Agence européenne pour l’environnement (AEE) a publié une note d’analyse (Briefing) présentant une mise à jour des tendances et projections d’émissions de gaz à effet de serre (GES) ainsi que les politiques et mesures adoptées ou prévues dans les Etats membres de l’UE dans les secteurs dits hors SEQE (système d’échange de quotas d’émission de GES de l’UE), c’est-à-dire les secteurs dont les émissions sont diffuses : transports, résidentiel-tertiaire, agriculture, traitement des déchets et petites industries. La législation de l’UE a fixé des objectifs de réduction des émissions de GES provenant spécifiquement des secteurs hors SEQE (voir encadré ci-dessous).
Secteurs hors SEQE : les objectifs et la législation pour 2013-2020 et 2021-2030
Paquet climat-énergie 2013-2020
Le Conseil européen des 8-9 mars 2007 a approuvé les objectifs climat-énergie à l’horizon 2020 proposés par la Commission européenne le 10 janvier 2007 (objectifs dits les 3 x 20), dont un objectif contraignant de réduction de 20% des émissions de GES (base 1990) : réparti entre -21% pour les secteurs du système d’échange de quotas d’émission (SEQE) et -10% pour les secteurs hors SEQE (base 2005). L’ensemble du Paquet climat-énergie 2007 s’est traduit en six actes législatifs fixant des mesures pour mettre en œuvre les objectifs précités, dont la décision dite ESD [Effort-Sharing Decision] : décision 406/2009/CE relative à l’effort à fournir par les États membres pour réduire leurs émissions de GES jusqu’en 2020. Cette décision a réparti l’objectif global de réduction de -10% pour les secteurs hors SEQE entre les Etats membres, en leur assignant des objectifs nationaux contraignants, allant de -20% (Danemark, Irlande et Luxembourg) à +20% (Bulgarie) (-14% pour la France).
Paquet climat-énergie 2021-2030
Le Conseil européen des 23-24 octobre 2014 a approuvé les objectifs climat-énergie à l’horizon 2030 proposés par la Commission européenne le 22 janvier 2014 :
- réduction d’au moins 40% des émissions de gaz à effet de serre (GES) (base 1990) [objectif contraignant].
- part d’au moins 27% d’énergies renouvelables dans la consommation finale brute d’énergie [objectif contraignant],
- réduction de la consommation d’énergie primaire d’au moins 27% [par rapport au scénario tendanciel pour 2030, objectif indicatif].
L’objectif GES précité se décline en deux volets :
- -43% (base 2005) pour les secteurs visés par le SEQE,
- -30% (base 2005) pour les secteurs hors SEQE.
Pour mettre en œuvre ces objectifs, plusieurs actes législatifs ont été adoptés en 2018 et 2019, dont le règlement dit ESR [Effort-Sharing Regulation] visant les secteurs hors SEQE : règlement (UE) 2018/842 relatif aux réductions annuelles contraignantes des émissions de GES de ces secteurs par les Etats membres sur la période 2021-2030. Il fixe des objectifs de réduction minimaux contraignants pour chaque Etat membre (UE-28) pour 2030 (base 2005) dans les secteurs hors SEQE [cf. annexe I. France : -37%]. Ces objectifs vont de 0% (stabilisation) pour la Bulgarie à -40% pour la Suède et le Luxembourg. La France se voit assigner un objectif de -37%, soit le sixième objectif le plus élevé parmi les Vingt-huit.
Ce règlement ne s’applique pas au secteur dit UTCATF (utilisation des terres, changement d’affectation des terres et forêt), qui est couvert par le Protocole de Kyoto et qui sera couvert, à partir de 2021, par le règlement (UE) 2018/841 relatif à la prise en compte des émissions et des absorptions de GES résultant du secteur UTCATF.
Etant donné le retrait du Royaume-Uni de l’UE (effectif depuis le 31 janvier 2020, toutefois avec une période de transition allant jusqu’au 31 décembre 2020), ce règlement est amené à être modifié pour opérer une nouvelle répartition de l’effort parmi les Vingt-sept pour compenser la perte de la part du Royaume-Uni (lire notre article sur les conséquences du Brexit pour la politique climat-énergie de l’UE). Cela dépendra sans doute de l’issue des négociations en cours entre l’UE et le Royaume-Uni sur leur future relation post-Brexit.
L’AEE montre dans sa note d’analyse qu’en 2018, les émissions de GES des secteurs hors SEQE dans l’UE-27 + le Royaume-Uni étaient de 10,8% (309 Mt CO2e) inférieures aux niveaux de 2005, soit un niveau de réduction au-delà de son objectif de réduction pour 2020 (-10%, base 2005 – voir encadré ci-dessus). Cette légère baisse en 2018 intervient après trois années de hausse consécutives (2015, 2016 et 2017).
Entre 2005 et 2018, le secteur qui a connu la réduction d’émissions de GES la plus importante était le résidentiel-tertiaire (chauffage, climatisation, réfrigération) (155 Mt CO2e, soit 50% de la réduction totale réalisée par les secteurs hors SEQE sur cette période), suivi du traitement des déchets (66 MtCO2e) et des petites industries (61 Mt CO2e). Cependant, les secteurs des transports et de l’agriculture ont apporté de faibles contributions (respectivement 25 Mt CO2e [8% du total] et 2 Mt CO2e [1% du total]).
L’AEE souligne que la réduction totale réalisée jusqu’ici dans les secteurs hors SEQE ne représente qu’un tiers de la réduction nécessaire d’ici 2030 pour atteindre l’objectif de -30% assigné à ces secteurs (cf. paquet climat-énergie 2030 – voir encadré ci-dessus). L’AEE est formelle dans sa conclusion : à compter de 2018, le rythme annuel de réduction au niveau de l’UE doit quasiment doubler afin d’atteindre les objectifs de réduction fixés par l’ESR.
La note de l’AEE analyse également en détail chacun des principaux secteurs hors SEQE, faisant ressortir les tendances d’émission et les politiques climat nationales visant à réduire ces émissions.
Voir communiqué et note d’analyse de l’AEE.