Journal de la COP-25 | Jour 12 : les négociations toujours bloquées – pas d’accord sur l’article 6 ou l’ambition
Vendredi 13 décembre a été marqué par une plénière informelle pour faire le point des avancées, convoquée par la Présidente de la COP-25, Carolina Schmidt. Elle a indiqué les grandes lignes de la suite des travaux sur les sujets restés toujours en suspens. Elle a proposé que les négociations se poursuivent dans deux axes (« pistes »). Le premier axe est centré sur l’article 6 (mécanismes de marché) et le deuxième axe est composé de trois sujets : (1) les principales décisions de la COP (1/CP.25) et de la CMA (1/CMA.2), (2) le mécanisme international de Varsovie sur les pertes et dommages, et (3) les mesures de riposte.
A 6h samedi 14 décembre, les négociations, sous forme de consultations informelles, sont toujours bloquées sur les sujets en suspens, au premier rang desquels l’article 6 et les éléments de texte sur le besoin de renforcer l’ambition (dans la principale décision de la COP). Selon Climate Home News, les positions tranchées de plusieurs Parties ont conduit à un blocage politique dans cette dernière ligne droite des négociations et peu de progrès a été enregistré vendredi 13 décembre. Ces derniers jours des négociations ont notamment vu resurgir les fortes divergences de points de vue entre les grands émetteurs (Chine, Inde, Etats-Unis, Australie,…) et les petits Etats insulaires (qui sont les plus vulnérables aux impacts du réchauffement climatique et qui y ont pourtant contribué le moins). Le Ministre de l’Environnement et de l’Energie du Costa Rica, Carlos Manuel Rodríguez a même ouvertement tancé l’Australie, le Brésil et les Etats-Unis, leur reprochant d’avoir bloqué les avancées en raison de leurs positions inacceptables, ce qui illustre l’ambiance tendue des négociations dans leur dernière ligne droite.
Il a souligné que ces positions tranchées ne sont pas compatibles avec « l’esprit de Paris » et avec l’objectif d’intégrité environnementale au cœur de l’Accord de Paris et notamment de son article 6.
Article 6
Les Parties ne parviennent pas à un consensus sur les modalités techniques très complexes de l’article 6, notamment sur deux questions à forts enjeux financiers :
- la méthode de comptabilisation des réductions d’émissions obtenues par la mise en œuvre de projets (crédits d’émissions) pour éviter que ces réductions ne soient comptées à la fois par le pays qui finance le projet et par le pays bénéficiaire du projet (double-comptage) : à cette fin, un dispositif d’ajustements correspondants dans leurs inventaires est prévu,
- la transition du mécanisme existant (mécanisme pour un développement propre ou MDP), établi par le Protocole de Kyoto (article 12) vers le MDD : les crédits d’émission (dits URCE) issus de la mise en œuvre des projets MDP devraient-ils être transférés vers le nouveau mécanisme ou purement et simplement annulés ?
Les négociations sont dans l’impasse, notamment à cause de l’opposition du Brésil, pays forestier disposant d’importants puits de carbone et de l’Australie, pays disposant de grandes quantités d’URCE issues des projets MDP mis en place. De l’autre côté, plusieurs pays (l’UE et les petits Etats insulaires pour ne citer qu’eux) insistent sur l’importance de l’intégrité environnementale, l’efficacité et l’équité du nouveau mécanisme MDD. Le transfert des crédits URCE vers le MDD aurait pour conséquence d’inonder le marché de crédits URCE, porterait atteinte à l’intégrité environnementale du nouveau mécanisme, voire de l’Accord de Paris lui-même, et réduirait considérablement son efficacité à réaliser des réductions réelles d’émissions de GES.
Un groupe de 10 pays, sous l’égide du Costa Rica, a publié une déclaration définissant les « principes de San José » pour un niveau d’ambition élevé et l’intégrité des marchés carbone. Ces principes, élaborés lors de la réunion pré-COP en octobre 2019 (lire notre article sur ce sujet), visent à garantir la robustesse de l’Accord de Paris et des réductions réelles d’émissions de GES. Ce groupe appelé « groupe non-conventionnel » est composé de 10 pays (Costa Rica, Suisse, Belize, Colombie, Uruguay, Pérou, Iles Marshall, Vanuatu, Luxembourg, Iles Cook).
Voir analyse de Climate Analytics sur les enjeux du transfert des crédits d’émission du MDP vers le MDD. Voir aussi dossier détaillé de Carbon Brief sur l’article 6.
Ambition
L’autre pierre d’achoppement majeure est la question de l’ambition qui doit être ancrée dans la principale décision issue de la COP-25 (décision 1/CP.25) et dans celle issue de la CMA-2 (1/CMA.2). Les pays qui font partie de la Coalition pour une haute ambition (High Ambition Coalition ou HAC – lire notre article sur les groupes de négociation) soulignent que la formulation du texte dans la dernière version des projets de décisions (lire notre article sur le sujet) est faible et n’appellent pas clairement les pays à relever le niveau d’ambition de leurs contributions nationales (NDC) d’ici fin 2020 conformément à l’article 4 de l’Accord de Paris et à la décision qui l’accompagnait (décision 1/CP.21). Les pays de la HAC font pression sur les grands émetteurs pour qu’ils renforcent leurs engagements de réduction des émissions de GES et pour que les deux principales décisions de la COP et de la CMA contiennent explicitement un appel en ce sens. L’UE soutient cette demande de la HAC mais d’autres Parties, les grands émetteurs émergents (Brésil, Chine et Inde,… ) en tête, ont refusé jusqu’ici de s’engager à renforcer leurs NDC, insistant sur la nécessité pour les pays à l’annexe I (pays industrialisés) de respecter leurs engagements de réduction pré-2020, tant en termes de réduction des émissions (lire notre dossier sur ce sujet), que de soutien financier (objectif de 100 milliards de $/an d’ici 2020 fixé à Copenhague en 2009).
Une plénière informelle pour faire le point des avancées est prévue à 9h samedi 14 décembre (heure française). Voir le webcast ici.