Journal de la COP-25 | Jour 10 : pression des grands pays émergents sur les pays industrialisés quant à leur ambition pré-2020
Pour le déroulement global et les enjeux de la Conférence de Madrid sur le Climat, lire notre article sur le sujet.
Rappel des trois organes de prise de décision formelle encore en session à la Conférence de Madrid
- Conférence des Parties (COP) à la Convention Climat (CCNUCC),
- Réunion des Parties (CMP) au Protocole de Kyoto,
- Réunion des Parties à l’Accord de Paris (CMA).
La journée du mercredi 11 décembre a été marquée par la deuxième partie du segment ministériel (High Level Segment) qui a réuni les Ministres de l’Environnement, du Climat ou de l’Energie de 57 pays, ainsi que des hauts fonctionnaires de 32 pays. Ces Ministres et hauts fonctionnaires ont prononcé des allocutions nationales. Voir la page dédiée au segment ministériel sur le site de la CCNUCC. Les allocutions seront mises en ligne ici. Au total, sur les deux jours du segment ministériel (lire notre article sur la première journée du segment ministériel), des représentants de haut niveau de 168 pays sur 196 (86%) ont participé à la Conférence de Madrid. Voir liste d’orateurs pour mercredi 11 décembre.
Par ailleurs, deux événements de haut niveau (avec participation des Ministres) ont eu lieu, l’un sur l’urgence climatique et l’autre sur l’action climat mondiale.
Pour ce qui est des négociations sur les sujets restés en suspens faute de consensus, elles se déroulent sous le pilotage de la Présidence chilienne de la COP ou à huit clos. Très peu d’informations sont disponibles pour l’instant sur l’avancée de ces négociations durant cette 10e journée.
Bilan ministériel de la mise en œuvre et de l’ambition pré-2020
Après le bilan technique de la mise en œuvre et de l’ambition pré-2020 des Parties (et notamment des pays industrialisés) qui a eu lieu le 4 décembre dernier (lire notre article sur le sujet), le bilan de haut niveau a eu lieu mercredi 11 décembre, avec la participation des Ministres et des chefs de délégation. La session était découpée en deux parties, la première partie consacrée aux efforts de réduction des émissions de GES des Parties jusqu’en 2020 et la deuxième partie consacrée à la mise à disposition (par les pays industrialisés) de soutien financier aux pays en développement pour la mise en œuvre d’actions climat jusqu’en 2020, ainsi qu’aux possibilités de renforcer ces actions et efforts. Voir programme du bilan ministériel et note de cadrage.
La Présidente de la COP 25, Carolina Schmidt (Ministre de l’Environnement du Chili), a souligné l’importance de la confiance entre les Parties pour améliorer la mise en œuvre de l’Accord de Paris. Elle a affirmé son intention, en tant que Présidente de la COP, d’œuvrer pour une reconnaissance appropriée des avancées et des lacunes en matière d’ambition pendant cette COP. Elle a annoncé que 73 pays ont indiqué leur intention de soumettre une NDC renforcée (pour la liste des pays, voir annexe I du communiqué de la Présidence). Seulement quatre de ces pays sont des Parties à l’annexe I de la CCNUCC [pays industrialisés] : Bélarus, Norvège, Suisse et Ukraine, les 69 autres étant des pays en développement, dont la plupart sont des petits Etats insulaires, parmi lesquels beaucoup font partie du groupe de négociation AOSIS [Alliance des petits Etats insulaires – lire notre article sur les groupes de négociation à la COP]. A noter que ce chiffre a augmenté depuis le Sommet Action Climat du 23 septembre 2019 à New York, où le nombre de pays qui avaient annoncé s’engager dans cette démarche était de 59 (voir communiqué de la Présidence). Aucun des pays grands émetteurs (Chine, Inde, Australie, Japon, Etats-Unis,…) n’a indiqué sa volonté de renforcer son ambition climat.
La Présidente de la COP-25 a également annoncé que 73 Parties, 14 régions, 786 entreprises et 16 investisseurs prévoient de se fixer un objectif de neutralité carbone à l’horizon 2050 (pour la liste des pays, voir annexe II du communiqué de la Présidence).
Dans une déclaration publiée mercredi 11 décembre, les quatre pays du groupe BASIC (Brésil, Afrique du Sud, Inde et Chine) ont appelé à la mise en place d’un programme de travail dans le cadre du SBI pour évaluer les progrès pré-2020 afin de combler les lacunes. Ils exhortent également les pays industrialisés à respecter leurs engagements de soutien en matière de financement, de développement et de transfert de technologies et de renforcement des capacités pour les pays en développement. Ils constatent un manque de progrès dans la mise en œuvre des engagements pré-2020 des pays industrialisés (atténuation, adaptation et soutien) et ils soulignent que ce déséquilibre doit être redressé pour que la COP-25 soit une réussite. Ils insistent par ailleurs sur le fait que les pays industrialisés doivent respecter leurs engagements pour la période pré-2020 afin de construire la confiance réciproque et l’ambition au cours de la période post-2020. Les lacunes pré-2020 à l’égard de l’atténuation, de l’adaptation, des moyens de mise en œuvre (soutien en matière de financement, de développement et de transfert de technologies et de renforcement des capacités) et du rapportage par les pays industrialisés doivent être évaluées et comblées sans transfert d’aucun « fardeau » vers les pays en développement.
Pour les quatre pays du groupe BASIC, le programme pré-2020 sera achevé lorsque les lacunes pré-2020 auront été comblées et non pas au terme de la COP-25. Enfin, ils sont formels : « la mise en œuvre ambitieuse des engagements des pays industrialisés en termes de soutien constitue une condition préalable à toute discussion sur le renforcement des engagements actuels des pays en développement ». La balle est donc désormais dans le camp des pays industrialisés mais aucun d’entre eux semble disposé à aller de l’avant sur cette question du pré-2020.
Selon Climate Home News, l’Alliance des petits Etats insulaires (AOSIS), le groupe des pays les moins avancés (PMA) et les pays d’Amérique latine ne soutiennent pas la proposition de lancement d’un tel programme de travail.
Antonio Guterres annonce un nouveau sommet spécial action climat en 2020
A noter que le Secrétaire-Général de l’ONU, Antonio Guterres, a présenté mercredi 11 décembre un rapport synthétisant les engagements annoncés lors du Sommet Action Climat du 23 septembre 2019 à New York (lire notre premier article sur ce sujet et notre 2e article sur ce sujet). Il a également annoncé qu’il va convoquer un deuxième sommet spécial sur le climat en septembre 2020 avec comme objectif premier d’inciter les pays, et notamment les grands émetteurs à annoncer de nouveaux engagements de réduction des émissions de GES plus ambitieux pour leur prochaine NDC, à soumettre d’ici fin 2020. Le sommet fera également le point sur les progrès réalisés par les pays pour réduire leurs émissions. Antonio Guterres espère ainsi faire pression sur les retardataires pour qu’ils renforcent leur NDC avant l’échéance de fin 2020. L’envoyé spécial de l’ONU pour le Sommet Action Climat, Luis Alfonso de Alba (nommé par Antonio Guterres le 9 novembre 2018), a souligné que le focus de l’ONU pour l’année 2020 est d’amener les pays grands émetteurs à renforcer leur NDC (voir priorités de l’ONU pour 2020 en matière de climat).
Colère de la société civile
Enfin, la Conférence a vu monter la colère de la société civile qui a perturbé les négociations avec une manifestation importante et un « sit-in » sans précédent dans le processus de la CCNUCC. Les manifestants ont appelé les pays développés à « se montrer à la hauteur » et à « payer » [fournir davantage de soutien financier aux pays en développement]. En réponse à la tiédeur du bilan de la mise en œuvre et de l’ambition pré-2020 et sachant qu’il ne reste que 19 jours de la période « pré-2020 », certains observateurs ont appelé au lancement d’un programme de travail identifiant les lacunes de la mise en œuvre des engagements pré-2020.
Source de ces informations : 10e bulletin quotidien de l’Institut International du Développement Durable (IISD) qui revient en détail sur la journée du 11 déc. 2019.