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Le GIEC publie le résumé pour décideurs de son nouveau rapport spécial ‘Climat et terres’

  • Réf. : 2019_09_a8
  • Publié le: 8 août 2019
  • Date de mise à jour: 10 octobre 2019
  • International

Le 8 août 2019, au terme de sa 50e session [2-6 août 2019 à Genève], le GIEC [Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat], a publié le résumé pour les décideurs (Summary for policy makers ou SPM) d’un nouveau rapport spécial : les liens entre le changement climatique, la désertification, la dégradation des terres, la gestion durable des terres, la sécurité alimentaire, et les flux de gaz à effet de serre [GES] dans les écosystèmes terrestres. Ce document de 42 pages a été approuvé mot par mot par les représentants des Gouvernements des 195 pays membres du GIEC. Le SPM ainsi que le rapport spécial intégral [version finale du projet de rapport avant intégration des modifications apportées au SPM lors de cette session] fournit une évaluation actualisée de l’état actuel des connaissances sur le sujet.

Contexte

Lors de sa 43e session [11-13 avril 2016 à Nairobi (Kenya)(14)], le GIEC a décidé de préparer trois rapports spéciaux au cours de son 6e cycle d’évaluation [le 6e rapport d’évaluation du GIEC va être publié en 2021-2022]. Un rapport spécial du GIEC est consacré à une thématique spécifique. Le premier de la série des trois rapports spéciaux portait sur le thème du réchauffement à +1,5°C et le SPM a été publié le 8 octobre 2018(15). Le 3e sera dédié aux océans et à la cryosphère [totalité des glaces terrestres] dont le SPM sera publié le 25 septembre 2019.

 

Que retenir sur les aspects liés aux GES ?

Etat des lieux

  • entre la période pré-industrielle [1850-1900] et la période 2006-2015, la température moyenne de l’air à la surface des terres émergées a augmenté presque deux fois plus que la température moyenne mondiale [terres émergées + océans]: hausses respectivement de +1,53°C et +0,87°C [paragraphes A2 et A2.1 du SPM] ;
  • sur la période 2007-2016, le secteur AFOLU [Agriculture + UTCATF (utilisation des terres et foresterie, ou FOLU: Forestry and Other Land Use)] a représenté 13% des émissions mondiales anthropiques de CO2, 44% de celles de CH4 et 82% de celles de N2 Au total, le secteur AFOLU a représenté 23% [soit 12 Gt CO2e/an] des émissions nettes anthropiques totales de GES [§ A3 et § A3.6] ;

Contexte : les émissions totales de GES (avec UTCATF)

En 2017, les émissions totales de GES s’élèvent :

– à 53,5 Gt CO2e dans le monde (source : ONU Environnement, Emissions Gap Report p.5, 27/11/2018),

– à 4,1 Gt CO2e dans l’UE (source : AEE, Inventaire GES p.viii, 22/07/2019)

– à 0,43 Gt CO2e en France (métropole et outre-mer) (Source : Citepa, Inventaire CCNUCC p.31, mars 2019)

 

  • le secteur AFOLU présente à la fois des émissions et des absorptions de GES, et il est difficile de bien distinguer les parts anthropique et naturelle de ces flux [§ A1.2 et § A3.1]; 

CO2

  • aucune tendance claire ne se dégage en matière d’émissions annuelles mondiales de CO2 du secteur UTCATF depuis 1990 (voir graphique ci-dessous, courbe (1)) [§ A3.1] ;
  • sur la période 2007-2016, le bilan net [bilan entre émissions et absorptions] des flux entre les terres et l’atmosphère est un puits net de ‑6 Gt CO2/an. Ce bilan total se décompose :
    • en un bilan net de +5,2 Gt CO2/an des flux de CO2 directement liés aux activités humaines [c’est-à-dire le secteur UTCATF], qu’il s’agisse d’émissions [déforestation,…] ou d’absorptions [boisement,…],
    • en des absorptions de -11,2 Gt CO2/an dues à la réponse naturelle des terres au changement climatique [hausse des concentrations de CO2 qui a un effet fertilisant sur les plantes, dépôts d’azote, augmentation de la durée de la saison de croissance] ;
[§ A3, § A3.1, § A3.2 et tableau SPM1]. L’importance de ces flux apparaît lorsqu’on les compare aux émissions mondiales hors UTCATF : 49,2 Gt CO2/an (source : ONU Environnement, Emissions Gap Report p.5, 27/11/2018).

Évolution des émissions mondiales de CO2 de l’UTCATF (1), de CH4 (2) et de N2O (3) de l’agriculture depuis 1961 (en GtCO2e/an). Source : GIEC, Summary for Policymakers (SPM) p.4

  • l’équilibre futur entre émissions et absorptions liées à la biomasse et au sol est très incertain. D’un côté, les émissions vont augmenter en réponse au changement climatique et avec le dégel du pergélisol. De l’autre, les absorptions pourraient croître avec l’effet fertilisant du CO2 et l’allon-gement de la durée de la saison de croissance sans pour autant compenser toute la hausse des émissions [§ A3.2];

CH4

  • sur la période 2007-2016, les émissions mondiales de CH4 du secteur AFOLU se sont élevées en moyenne à 162 Mt CH4/an [soit 4,5 GtCO2e/an] [§ A3.4];

N2O

  • sur la période 2007-2016, les émissions mondiales de N2O du secteur AFOLU (8,3 Mt N2O/an [soit 2,3 GtCO2e/an], dont 3 Mt N2O [soit 795 MtCO2e/an] provenant des terres cultivées) ont augmenté, notamment en raison d’une hausse des effluents d’élevage dans les prairies. Plus de la moitié des émissions de N2O mondiales de l’agriculture en 2014 sont dues à l’élevage en prairies [en France, elles sont davantage dues à l’épandage de fertilisants azotés minéraux et organiques sur les cultures] [§ A3.5];

Les émissions de l’AFOLU en France

Les émissions totales de GES en France métropolitaine hors UTCATF s’élèvent en 2017 à 452 Mt CO2e. Le secteur UTCATF représente par ailleurs un puits net de 36 Mt CO2e. Le secteur agriculture représente 19% de ce total, et 3% des émissions de CO2 uniquement, 70 % des émissions de CH4 et 87% des émissions de N2O. Pour plus de détails, consulter les chapitres Agriculture, UTCATF et le chapitre sur les GES de notre dernier rapport Secten.

 

Options d’atténuation

  • les sols et la biomasse ne stockent pas le CO2 indéfiniment : ils peuvent atteindre des stades de maturité ou de saturation où absorptions et émissions s’équilibrent. Les tourbières, par contre, peuvent absorber le CO2 pendant des siècles [§ B1.4];
  • le SPM chiffre le potentiel d’atténuation [par rapport aux projections tendancielles] des actions clés pour le secteur AFOLU d’ici 2050 [§ B5.3, § B6, § B6.3, figure SPM.3, tableaux 6.13, 6.14, 6.17 et 6.18 du chapitre 6 du rapport intégral] [à mettre en regard des 12 Gt CO2e/an émis par ce secteur], dont :
    • réduction de la déforestation et de la dégradation des forêts [potentiel de réduction de -0,4 à -5,8 Gt CO2e/an],
    • actions dans les systèmes de culture, d’élevage et agroforesterie [-2,3 à -9,6 Gt CO2e/an],
    • modification du régime alimentaire [-0,7 à -8 Gt CO2e/an],
    • boisement [afforestation] [-0,5 à -8,9Gt CO2e/an],
    • reboisement et restauration des forêts dégradées [-1,5 à -10,1Gt CO2e/an],
    • bioénergie + captage/stockage du CO2 [BECCS] [-0,4 à -11,3Gt CO2e/an],
    • réduction du gaspillage alimentaire [qui représente 8 à 10% des émissions totales de GES et 25 à 30% de la quantité de toute la nourriture produite] [§ B6.3] [-0,8 à -4,5 Gt CO2e/an];
    • autres actions [voir notamment tableaux 6.15, 6.16 et 6.18 du chapitre 6 du rapport intégral].
  • toutes les trajectoires modélisées limitant le réchauffement à +1,5°C ou bien en dessous de 2°C nécessitent la mise en œuvre de mesures d’atténuation dans le secteur AFOLU impliquant différentes combinaisons [(re)boisement, réduction de la déforestation, bioénergies,…] [§ B7].

Actions à court terme

  • réaliser rapidement des réductions d’émissions de GES dans tous les secteurs [au-delà du secteur AFOLU donc] réduirait les impacts négatifs du changement climatique sur les écosystèmes terrestres et l’ensemble de la filière agro-alimentaire [§ D3];
  • retarder la réduction des émissions de GES de tous les secteurs conduirait à des impacts irréversibles sur les écosystèmes, ce qui pourrait à plus long terme induire de fortes hausses supplémentaires d’émissions de GES issues des écosystèmes, accélérant ainsi encore plus le réchauffement climatique [§ D3.3].

Voir les pages du site du GIEC consacrées au rapport,

Voir communiqué de presse (en français) et plaquette,

Voir SPM, plaquette sur les faits clés et liste des auteurs du rapport.

Rédaction : Colas Robert, expert UTCATF au Citepa.

Merci à Nathalie de Noblet, climatologue du Giec pour sa relecture et les compléments d’informations qu’elle a apportés.

(14)Voir les actus 1  et 2. (15)Voir l’article.

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