Conseil européen : manque de consensus sur l’objectif de neutralité carbone pour 2050
Lors du Conseil européen des 20-21 juin 2019, les Chefs d’Etat et de Gouvernement des Vingt-huit ont débattu de l’action climat de l’UE, dont la mobilisation du financement climat [dans la perspective du Sommet Action Climat organisé à l’initiative du Secrétaire général des Nations Unies, le 23 septembre 2019 à New York]. Ils se sont notamment penchés sur les prochaines étapes des travaux d’élaboration de la stratégie européenne bas-carbone à l’horizon 2050 (voir notre article sur le sujet) (voir encadré ci-dessous).
Contexte
La Commission européenne a publié, le 28 novembre 2018, sa proposition de stratégie à faibles émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2050 pour l’UE. S’appuyant sur un scénario de référence et huit scénarios supplémentaires, la stratégie proposée présente une vision qui conduirait l’UE vers la neutralité en gaz à effet de serre (GES) en 2050. La Commission européenne a invité le Conseil européen [Chefs d’Etat et de Gouvernement], toutes les formations concernées du Conseil de l’UE [Ministres], et le Parlement européen à examiner et à approuver la stratégie. L’UE vise à adopter début 2020 la version définitive de la stratégie, qui sera soumise à la CCNUCC, conformément à l’Accord de Paris [article 4].
Dans leurs conclusions, les dirigeants de l’UE-28 invitent le Conseil et la Commission à faire avancer les travaux sur les conditions, les mesures et le cadre à mettre en place pour assurer la transition vers une UE neutre pour le climat, qui préservera la compétitivité européenne, sera juste et socialement équilibrée. Le Conseil européen affirme qu’il finalisera ses orientations avant fin 2019 en vue de l’adoption définitive de la stratégie bas-carbone 2050 début 2020.
Pas de consensus pour engager l’UE vers un objectif de neutralité carbone en 2050
Cependant, après plusieurs heures de négociations difficiles, les Vingt-huit ne sont pas parvenus sur un consensus pour s’engager sur l’objectif de neutralité en GES d’ici 2050 en raison de l’opposition de quatre Etats membres (EM) (la Pologne en tête, ainsi que la Hongrie, la République tchèque, rejointes dans un deuxième temps par l’Estonie). Malgré les tentatives de la France et de l’Allemagne de les rallier, ces quatre EM se sont vivement opposés à ce que cet objectif soit assorti d’une échéance précise.
Processus de prise de décision au Conseil européen
En général, le Conseil européen, qui n’exerce pas de fonction législative, se prononce (via des conclusions, des approbations d’autres textes politiques…) par consensus [accord de tous les EM même si certains approuvent tout en ayant des réserves]. Toutefois, pour certaines décisions plus formelles [prévues par le Traité sur l’UE et le Traité sur le fonctionnement de l’UE], il décide à la majorité qualifiée ou à l’unanimité (source : Conseil européen).
Faute de consensus, une coalition informelle
Suite à ce blocage, cette échéance est uniquement évoquée dans une note en bas de page dans les conclusions de la réunion (« Une large majorité d’Etats membres estiment que la neutralité climatique doit être réalisée d’ici à 2050« ). Malgré le manque de consensus des Vingt-huit, il convient de souligner que depuis le Conseil européen informel de Sibiu, Roumanie [9 mai 2019, consacré au programme stratégique de l’UE pour 2019-2024], le nombre d’EM soutenant la fixation d’un objectif de neutralité climatique assorti de l’échéance 2050 n’a cessé d’augmenter, en passant de huit à 24. A Sibiu, dans un document non officiel (« non paper« ) sur le climat pour l’avenir de l’Europe, préparé en amont du sommet, huit Etats membres [Belgique, Danemark, Espagne, France, Luxembourg, Pays-Bas, Portugal et Suède, mais pas l’Allemagne, l’Italie ou la Pologne] ont appelé l’UE à aller de l’avant : « afin d’apporter sa contribution à l’effort mondial […], l’UE devrait adopter une stratégie bas-carbone ambitieuse ayant l’objectif d’atteindre zéro émission nette d’ici 2050 au plus tard« . Ensuite, l’Allemagne, premier EM émetteur de GES, a rallié cette coalition informelle. Ainsi, le 13 mai 2019, lors du 10e Dialogue de Petersberg à Berlin, la chancelière allemande, Angela Merkel, a cautionné un objectif national de neutralité carbone pour 2050 : « l’objectif de l’Allemagne est de trouver la voie de la neutralité carbone en 2050« . Cette prise de position a envoyé un signal fort à l’UE dans le contexte des discussions sur la stratégie bas carbone 2050 de l’UE.
Après le Conseil européen des 20-21 juin 2019, le Président du Conseil européen, Donald Tusk, a indiqué que, même si un consensus n’était pas possible à ce moment-là, cette situation « pourrait évoluer puisqu’aucun pays n’a exclu la possibilité d’une décision positive dans les mois qui viennent« . Le Conseil européen devra donc attendre sa prochaine réunion [17-18 octobre 2019] pour reprendre ce dossier [sommet qui risque néanmoins d’être mobilisé par le Brexit à la veille de la sortie du Royaume-Uni, prévue au 31 octobre 2019]. Par conséquent, l’UE ira au Sommet Action Climat, le 23 septembre 2019, munie de sa proposition de stratégie mais sans échéance précise, ce qui risque d’affaiblir son rôle de moteur.