La Cour des comptes publie son audit de la directive « Qualité de l’air »
Le 11 septembre 2018, la Cour des comptes européenne (CCE) a publié un audit approfondi de la politique « Qualité de l’air » de l’UE, et notamment de la directive 2008/50/CE.
Contexte
La CCE avait annoncé le 10 février 2017 son intention de réaliser cet audit et a publié le 21 septembre 2017 une note présentant sa démarche dont le champ de l’audit .
L’audit de la CCE a examiné cinq questions :
- la directive 2008/50/CE a-t-elle été bien conçue pour lutter contre l’impact sanitaire de la pollution de l’air ?
- les états membres (EM) l’ont-ils mise en œuvre efficacement ?
- la Commission en a-t-elle contrôlé l’application et a-t-elle pris des mesures coercitives à cet égard ?
- la qualité de l’air a-t-elle été dûment prise en compte dans les autres politiques de l’UE et celle-ci y a-t-elle consacré suffisamment de fonds ?
- le public a-t-il été bien informé sur la qualité de l’air ?
Conclusions de l’audit
Les conclusions de la CCE sont formelles : l’action de l’UE visant à protéger la santé humaine contre la pollution atmosphérique (malgré son lourd coût humain et économique) n’a pas produit les effets escomptés :
- les normes de qualité de l’air de l’UE ont été fixées il y a près de 20 ans , et certaines sont à la fois nettement moins strictes que les lignes directrices de l’OMS (2005) et trop peu contraignantes au regard des données scientifiques les plus récentes sur les effets sanitaires de la pollution de l’air ;
- la qualité de l’air s’améliore, mais la plupart des EM ne respectent toujours pas les normes de l’UE et n’agissent pas avec une efficacité suffisante. Il est possible que la pollution atmosphérique soit sous-estimée, faute d’être mesurée là où il le faudrait. Les plans relatifs à la qualité de l’air (PQA) – un élément clé de la directive 2008/50/CE [article 23] – n’ont souvent pas produit les résultats escomptés ;
- le contrôle de l’action des EM par la Commission se heurte à des limites. Bien que la Commission ait engagé des poursuites à l’encontre de plusieurs EM [des mesures coercitives via des procédures d’infraction, les dépassements des valeurs limites de concentration (VLC) dans plusieurs EM restent fréquents ;
- certaines politiques de l’UE [climat/énergie, transports, industrie et agriculture], bien qu’elles aient des effets directs sur la qualité de l’air, ne tiennent pas encore suffisamment compte de cet enjeu.
- les informations sur la qualité de l’air mises à la disposition des citoyens manquaient parfois de clarté.
En conséquence, la CCE formule quatre recommandations à l’intention de la Commission européenne :
- agir plus efficacement d’ici 2020 pour améliorer la qualité de l’air :
- partager les bonnes pratiques des EM dans la mise en œuvre de leurs PQA,
- mieux gérer la procédure d’infraction afin de mettre un terme aux différends, ou d’en saisir la CJUE dans un délai plus court,
- favoriser la collaboration entre EM les plus touchés par la pollution atmosphérique transfrontalière ;
- procéder d’ici 2022 à une révision de la directive 2008/50/CE :
- envisager d’aligner les VLC et les valeurs cibles [PM, SO2,O3] sur les lignes directrices de l’OMS, de réduire le nombre de dépassements autorisés des VLC [PM, NO2, SO2, O3], et d’établir une VLC à court terme pour les PM2,5 (voir encadré ci-dessous), ainsi que des seuils d’alerte pour les PM,
- faire axer les PQA sur les résultats et exiger des EM un compte rendu annuel de leur mise en œuvre,
- avancer la date de transmission des données validées (actuellement fixée au 30 septembre de l’année n + 1) au 30 juin de l’année n + 1;
Normes de qualité de l’air : avis et rapport de l’ANSES
Une des six recommandations formulées le 23 mai 2017 par l’ANSES [Agence Nationale de Sécurité Sanitaire, Alimentation, Environnement, Travail] dans son avis et son rapport d’expertise sur les normes de qualité de l’air ambiant rejoint la 2e recommandation de la CCE (voir ci-dessous): proposer une valeur limite visant à prévenir les effets à court terme des PM2,5, s’appuyant sur la valeur guide de l’OMS.
- intégrer d’ici 2022 la qualité de l’air en tant qu’aspect prioritaire dans les politiques de l’UE, pour rendre les autres politiques susceptibles de nuire à la qualité de l’air plus compatibles avec l’objectif d’améliorer celle-ci ;
- améliorer d’ici 2022 la sensibilisation et l’information du public :
- publier des classements des zones de contrôle de la qualité de l’air indiquant les meilleurs et les pires résultats en comparaison de l’année précédente, et faire connaître les bonnes pratiques utilisées dans celles qui obtiennent les meilleurs résultats,
- développer un outil en ligne permettant aux citoyens de notifier les violations des VLC et de fournir à la Commission un retour d’information sur les questions liées aux actions des EM en matière de qualité de l’air,
- harmoniser les indices de qualité de l’air utilisés par les EM [en France, l’indice ATMO ].
M. Janusz Wojciechowski, responsable du rapport de la CCE, a déclaré: « La pollution atmosphérique est le principal facteur environnemental de risque pour la santé dans [l’UE]. Au cours des dernières décennies, les politiques de l’UE ont contribué à faire diminuer les émissions, mais la qualité de l’air ne s’est pas améliorée au même rythme« .
A noter enfin les nombreux travaux de la Commission en cours pour améliorer la situation : examen de la mise en œuvre de la législation environnement de l’UE dont la qualité de l’air lancé le 3 février 2017 , évaluation (fitness check) de la directive 2008/50/CE lancée à l’automne 2017 et dont les résultats sont attendus en 2019 , Dialogues Air Propre bilatéraux pour renforcer la collaboration avec les EM en vue de les aider à mettre en œuvre des actions de réduction de la pollution de l’air, Plan d’actions [lancé le 18 janvier 2018] pour aider les EM à se mettre en conformité avec la législation « environnement » de l’UE [dont la directive 2008/50/CE], et Forum Air Propre [directive 2016/2284].
Les coûts directs et indirects de la pollution de l’air
Lors de l’événement intitulé Le défi de l’air propre (Clean Air Challenge) qui a eu lieu le 9 octobre 2018 à Bruxelles, le vice-Président de la Commission européenne, Maroš Šefčovič, a rappelé les coûts annuels estimés pour la société de la pollution de l’air en termes de coûts directs [24 milliards €] et indirects [entre 330 et 940 milliards €].