Perspectives énergétiques mondiales en 2040
Le 16 novembre 2016, l’Agence Internationale de l’Energie (AIE) a publié son rapport annuel sur les perspectives énergétiques mondiales (World Energy Outlook ou WEO).
Le WEO : un document de référence
Le WEO est un recueil des données et informations les plus récentes sur les évolutions des politiques énergétiques aux niveaux mondial et national. Il fournit des projections à l’horizon 2040 en matière de demande, de production, de consommation d’énergie et d’émissions de CO2 [issues de la combustion des combustibles fossiles] par combustible, par continent.
Trois scénarios sont envisagés [ scénario central ( Politiques nouvelles ), scénario Politiques existantes et scénario 450 (ppm CO2e)] . Les chiffres cités ci-dessous se réfèrent au scénario central.
L’édition 2016 du WEO fournit en outre la première analyse complète des engagements inscrits dans toutes les (I)NDC [contributions nationales] soumises. Ils ont été examinés en détail et intégrés au scénario central.
Investissements : ces dernières années, les investissements affectés au secteur énergétique [qui s’élèvent à environ 1 800 milliards (Md) de $ US par an] ont été consacrés de plus en plus aux énergies moins émettrices de CO2 et de moins en moins aux secteurs pétrolier et gazier. Les subventions à la consommation des énergies fossiles sont passées de 500 Md $ en 2014 à 325 Md $ en 2015 (soit –35%), en partie du fait de la baisse des prix, mais également à la suite de réformes des politiques de subventions qui ont pris de l’envergure dans plusieurs pays.
Selon l’AIE, un total de 44 000 Md $ d’investissements cumulés seront nécessaires à l’approvisionnement énergétique mondial d’ici 2040. Seuls 20% seront consacrés aux énergies renouvelables (EnR) alors que la majorité (60%) sera toujours destinée à l’extraction et à l’approvisionnement en pétrole, gaz et charbon, ainsi qu’aux centrales électriques utilisant ces combustibles. 23 000 Md $ supplémentaires seront nécessaires à l’amélioration de l’efficacité énergétique. Cela représente une réallocation importante du capital par rapport à la période 2000-2015, pendant laquelle près de 70% des investissements totaux étaient destinés aux combustibles fossiles.
Demande en énergie : la demande mondiale en énergie devrait croître de 30% d’ici 2040, toutes sources confondues, mais ce sont les EnR qui devraient connaître la croissance la plus rapide. Le gaz naturel devrait être le combustible fossile le plus dynamique, avec une hausse de sa consommation de 50%. La demande de pétrole devrait continuer d’augmenter, certes moins vite, d’ici 2040 en raison des besoins du fret routier et maritime, de l’aviation et de la pétrochimie, secteurs dans lesquels les alternatives sont rares. Quant au charbon , après son expansion rapide ces dernières années, son utilisation aura tendance à se stabiliser. Les pays en développement [au premier rang desquels l’Inde, la Chine, le Moyen-Orient, l’Asie du Sud-Est, certaines régions d’Afrique et d’Amérique latine] seront les pays moteurs de la croissance de la demande mondiale en énergie jusqu’en 2040.
Electricité : elle représente une part toujours plus importante dans la croissance de la consommation finale d’énergie. Elle a compté pour un peu plus d’un quart de cette croissance au cours des 25 dernières années, part qui devrait passer à près de 40% de la consommation additionnelle à l’horizon 2040. Les pays hors OCDE seront à l’origine de plus de 85% de la hausse de la consommation d’électricité.
En Chine, la quasi-totalité de la croissance de la production d’électricité sera liée à d’autres sources que le charbon, dont la part dans le mix électrique devrait connaître une forte baisse, passant de près de 75% aujourd’hui à moins de 45% en 2040. En Inde, la part du charbon dans le mix électrique devrait passer de 75% à 55% en 2040, ce qui constitue un changement radical dans un pays qui verrait sa demande en électricité plus que tripler, par rapport à la Chine dont la demande devrait augmenter « seulement » de 85%.
Emissions de CO2 : l’AIE observe, entre 2000 et 2010, une augmentation moyenne des émissions mondiales de CO2 de 650 Mt/an. En tenant compte des efforts (cumulés) des (I)NDC [mise en œuvre intégrale des engagements nationaux inscrits] , cette hausse se poursuivrait mais se limiterait à 160 Mt CO 2 /an en moyenne au-delà de 2020. Or, depuis 2014, la hausse observée est plus faible (+50 Mt CO2 entre 2014 et 2015, +10 Mt CO2 entre 2015 et 2016) en raison d’une amélioration de 1,8% de l’intensité énergétique de l’économie mondiale, une tendance soutenue par un accroissement de l’efficacité énergétique, ainsi que par le développement de sources énergétiques moins émettrices de CO2 dans le monde entier, essentiellement les EnR [mais aussi le nucléaire] . De fait, l’AIE implique donc que la tendance devrait légèrement repartir à la hausse.
Hausses annuelles mondiales des émissions de CO 2
2000-2014 et projections post-2020 (en Mt)
Source : CITEPA d’après données AIE, 16/03/2016
L’AIE conclut cependant que ces efforts ne suffiront pas pour ramener les émissions de CO2 sur une trajectoire compatible avec l’objectif de 2°C : la trajectoire d’émissions projetées impliquerait une hausse des températures moyennes mondiales de 2,7°C en 2100. Les émissions mondiales de CO2 liées à l’énergie atteindront 36 Gt en 2040, soit une hausse de 11% par rapport au niveau de 2014 [32,4 Gt]. Il faut donc qu’un infléchissement majeur de cette trajectoire intervienne rapidement pour respecter l’objectif de 2°C, à commencer par un niveau maximal (pic) des émissions à atteindre au cours des prochaines années.