Les enjeux de la COP-22
La 22e Conférence des Parties à la Convention Climat (COP-22) se tiendra du 7 au 18 novembre 2016 à Marrakech (Maroc). C’est la 2 e fois que le Maroc accueille une COP à Marrakech [après la COP-7 en 2001] . Cette année, la COP-22 s’ouvre à un moment décisif dans l’histoire de la CCNUCC : trois jours après l’entrée en vigueur de l’Accord de Paris.
La 2e condition d’entrée en vigueur remplie le 5 octobre
Après la double ratification par la Chine et les Etats-Unis le 3 septembre, et les 31 ratifications supplémentaires le 21 septembre [lors de la réunion de haut niveau à New York] , l’Inde [ 4,1% des émissions mondiales de GES selon les données officielles de la CCNUCC et 3 e pays émetteur de GES aujourd’hui] a soumis son instrument de ratification le 2 octobre, suivie, le 5 octobre, du Canada [1,95%] et de l’UE ( voir paragraphe suivant ) .
Ainsi, sous l’impulsion de la Présidence slovaque, qui a convoqué un Conseil Environnement extraordinaire le 30 septembre, celui-ci a donné son accord de principe pour une ratification accélérée par l’UE. Le 4 octobre, après approbation de cette démarche par le Parlement européen , réuni en plénière, le Conseil a formellement adopté la décision autorisant la ratification par l’UE. Le lendemain, cette décision [publiée au JOUE L 282 le 19 oct. 2016] , ainsi que les instruments de ratification des sept Etats membres qui avaient alors achevé leur processus nationaux [ France , Hongrie, Autriche, Slovaquie, Allemagne, Malte et Portugal, soit 4,57% des émissions mondiales de GES] , ont été déposés auprès du Secrétaire-Général des Nations Unies.
L’ensemble de ces ratifications a porté, le 5 octobre, la part des émissions couvertes à 58,82% , remplissant ainsi la 2 e condition d’entrée en vigueur [au moins 55%] . Conformément à l’Accord de Paris ( article 21 ) , celui-ci entrera en vigueur 30 jours après, soit le 4 novembre 2016. L’UE a donc permis l’entrée en vigueur de l’Accord. Depuis, quatre autres Etats membres ont ratifié : Pologne , Suède , Grèce et Danemark .
Au 4 novembre, 97 Parties avaient ratifié l’Accord de Paris, représentant désormais 69,21% des émissions mondiales de GES.
Qui n’a pas ratifié ?
Huit pays relativement grands émetteurs :
- Russie [7,53%] , Japon [3,79%] (soit 11,32% à eux deux seuls),
- Australie [1,46%] , Turquie [1,24%] , Iran [1,3%] , Royaume-Uni [1,55%] , Italie [1,18%] , Espagne [0,87%] ,
Si l’on ajoutait les émissions de ces huit pays, le total couvert serait de 88,13% (105 Parties). Les 92 Parties restantes ne représentent donc que 13,39% des émissions.
Les autres pays n’ayant pas ratifié sont essentiellement :
- les 14 autres Etats membres de l’UE [petits émetteurs], Suisse et Liechtenstein,
- la plupart des pays du Moyen Orient [sauf l’Arabie saoudite et les Emirats Arabes Unis],
- les pays d’Asie centrale [Kazakhstan (0,84%),…],
- une grande partie des pays africains,
- une partie d’Amérique centrale et du Sud [Nicaragua, Venezuela,…].
L’enjeu principal de la COP-22 est l’élaboration des règles ( rulebook ) sur les volets clés de l’Accord [contributions nationales (NDC), transparence, financement, bilan mondial,…] pour le concrétiser et le rendre pleinement opérationnel. Ces règles sont les différentes modalités, procédures et lignes directrices (« MPG ») [prévues par la décision 1/CP.21 ] qui orienteront la mise en œuvre de l’Accord. Les Parties devront ainsi définir [via une décision de la COP] une feuille de route des futures négociations, assortie d’un calendrier précis.
Les autres enjeux sont l’Agenda des solutions, le financement pré- et post-2020 et le renforcement de l’ambition pré-2020 [via la mise en œuvre de l’Agenda de l’action climat mondiale élaboré par les deux « championnes du climat » (Laurence Tubiana et Hakima El Haite) et publié le 6 juin 2016] .
Première session de la CMA
L’Accord de Paris ( article 16.1 ) a créé un nouvel organe de prise de décision, la Réunion des Parties à l’Accord de Paris [dénommée la CMA] , dont la première session [CMA-1] aura lieu lors de la 1ère COP suivant la date d’entrée en vigueur de l’Accord de Paris [en l’occurrence lors de la COP-22].
La CMA est le seul organe autorisé à prendre les décisions techniques, procédurales et administratives relevant de l’Accord. A priori, seules les Parties ayant ratifié celui-ci pourront participer à la prise de décision au sein de la CMA, les autres Parties ne pouvant assister qu’en tant qu’observateurs ( article 16.2 ) . Cependant, lors de la 1ère session du groupe de travail de l’Accord de Paris [ APA-1 , 16-26 mai 2016] , un consensus s’est dégagé sur la nécessité de permettre à toutes les Parties de contribuer activement à l’élaboration des règles de l’Accord, y compris celles en cours de ratification ( » inclusiveness « ). La CMA-1 devra donc définir précisément les modalités de cette démarche inclusive .
Puisque l’entrée en vigueur de l’Accord était initialement envisagée à l’horizon 2020 , les importants travaux de préparation de la CMA-1, qui devaient se dérouler sur la période 2016-2019, sont loin d’être prêts [les MPG à élaborer par l’APA, puis à approuver par la COP et enfin à soumettre à la CMA-1 pour adoption définitive] . A ce jour, l’APA a tenu une seule session de négociation [APA-1] . Les négociations sur les MPG prévues par la décision 1/CP.21 n’en sont donc qu’à leur début.
Pour la poursuite des travaux, le Secrétariat de la CCNUCC a identifié deux options. La CMA pourrait :
- soit poursuivre le programme de travail avec l’aide de l’APA et des deux organes subsidiaires de la CCNUCC [SBSTA (Conseil scientifique et technologique) et SBI (mise en œuvre)] . Ceci nécessiterait une décision de la COP pour prolonger le mandat de l’APA [censé prendre fin à la CMA-1] ,
- soit suspendre sa 1ère session, en demandant à la COP de poursuivre le programme de travail, puis se réunir aux COP suivantes pour faire le point et adopter les décisions.
A Marrakech, la CMA devra définir la feuille de route pour la réalisation de ce travail et déterminer quel organe en sera responsable [CMA ou APA + SBSTA et SBI ( voir ci-dessus )].
Conséquences de l’entrée en vigueur de l’Accord
- ses institutions et mécanismes deviennent opérationnels,
- les dispositions assorties du verbe » shall » en anglais deviennent juridiquement contraignantes pour les Parties ayant ratifié l’Accord,
- les contributions nationales prévues [INDC] des Parties ayant ratifié se transforment en contributions nationales [NDC].
Le Secrétariat de la CCNUCC a mis en ligne l’ordre du jour provisoire de la CMA-1 qui se tiendra du 15 au 18 novembre.
- tableau de bord du suivi de la mise en œuvre des actions découlant de la décision1/CP.21 (mis à jour 26/10/2016)
World Resources Institute : note d’analyse sur l’importance de la CMA-1, 03/10/2016 (rédigé avant le franchissement des 55%).