COP-21 : le rôle de la France sera capital pour éviter un « Copenhague bis »
Alors que 147 Chefs d’Etat et de Gouvernement sont attendus pour donner le coup d’envoi de la COP [la plus importante depuis Copenhague (2009)], son succès dépend de sept principaux enjeux :
- niveau de contrainte et d’engagement : la France mise sur un accord juridiquement contraignant, ambitieux, durable et dyna-mique qui fixe un objectif de long terme (2050) compatible avec l’objectif de 2°C. Mais quelle forme [protocole?] et quels éléments de l’accord seront juridiquement contraignants [contributions nationales (INDC), mécanisme de contrôle du respect de l’accord…?] ? Quelle articulation entre les INDC et l’accord ? Le mécanisme d’examen [quinquennal?] imposera-t-il une révision à la hausse des engagements?
- équité et différenciation : comment récon-cilier les situations très différentes des 195 pays et le besoin d’un accord universel ? L’enjeu est de parvenir à un accord équitable qui reflète le principe des responsabilités communes mais différenciées et les capacités respectives, tout en tenant compte des diverses situations nationales [et surtout la réalité économique d’aujourd’hui des pays émer-gents et leur part dans les émissions mondiales];
- périmètre : l’atténuation et l’adaptation seront-elles mises sur un pied d’égalité ? Le transport aérien et maritime international sera-t-il intégré dans le régime post-2020 ? Selon quelles modalités les prendre en compte dans l’accord ? Et quid du secteur UTCF ?
- transparence : pour renforcer la confiance entre les Parties, il faut mettre en place un dispositif d’évaluation, de déclaration et de vérification (MRV) des émissions, des actions de réduction et des actions de financement;
- financement : il s’agira non seulement d’honorer l’objectif de 100 Md $ par an en 2020 mais de mobiliser un financement accru, à partir de sources tant publiques que privées, pour la période post-2020 et ce, dans un contexte de crise économique ;
- finance carbone : l’accord prévoira-t-il la possibilité de recourir aux mécanismes de marché (y compris l’échange de quotas d’émissions) et si oui sous quelles modalités ?
- acteurs non étatiques : comment articuler et comptabiliser l’action des villes, régions, entreprises, investisseurs, etc. avec celle des Etats dans le cadre de l’accord ?
Cette année, le processus de la CCNUCC arrive à une étape décisive : en tant que pays hôte, la France devra piloter habilement les négociations [tout en évitant le même sort qu’a subi le Danemark à Copenhague en 2009], en jouant un rôle de médiateur auprès de toutes les Parties pour dégager un consensus global, tout en étant à l’écoute des préoccupations nationales souvent divergentes.
Déroulement de Paris Climat 2015
Paris Climat 2015 s’articule autour d’une série de sessions de négociations [dont la COP-21] qui se déroulent en parallèle :
- la séquence des Chefs d’Etat : le 30 novembre, 147 Chefs d’Etat et de Gouvernement donneront le coup d’envoi de la COP-21. La Présidence française a préféré les inviter au début plutôt qu’à la fin pour donner une forte impulsion politique d’entrée de jeu et éviter le syndrome de Copenhague ;
- des sessions techniques au sein du Groupe de travail Plate-forme de Durban (ADP) sur le régime post-2020 [ADP-2-12, 29 nov.-5 déc.] ;
- des sessions techniques au sein des deux enceintes permanentes : la 21e Conférence des Parties [COP-21] à la Convention Climat (CCNUCC) et la 11e Réunion des Parties [CMP-11] au Protocole de Kyoto;
- des sessions techniques des organes subsidiaires de la CCNUCC [SBSTA (Conseil scientifique et technique) et SBI (mise en œuvre)];
- un segment de haut niveau rassemblant les Ministres du Climat, de l’Energie et/ou de l’Environnement des 196 Parties à la CCNUCC pour la prise de décision politique (7-8 déc.).
Dernières étapes précédant la COP-21
L’ADP-2-12 constitue l’ultime session de négociation prévue pour ce groupe. Ses deux Co-Présidents ont publié le 20 novembre 2015 une note de cadrage sur l’organisation des travaux à Paris. Suite à leur demande, les travaux débutent le 29 nov. [au lieu de la date initialement prévue du 1er déc].
Le projet d’accord et le projet de décision de la COP [adoptés au terme de la dernière session de l’ADP le 23 octobre 2015 [(ADP-2-11)] constituent le point de départ des négociations. Ces textes comportent plus de 1 500 options à trancher, ce qui montre l’ampleur du travail qui reste à réaliser à la COP-21 et surtout avant la session plénière de clôture de l’ADP, prévue le samedi 5 décembre à midi.
Débat autour de la nature contraignante de l’accord
John Kerry, Secrétaire d’Etat américain, a déclaré [au Financial Times le 11 nov.] qu’ « il n’y allait pas avoir d’objectifs de réduction juridiquement contraignants comme pour Kyoto », suscitant de vives réactions sur la nécessité d’un accord qui engage réellement les Parties [comme le souhaitent la France, l’UE, la Chine…]. Or, cette déclaration souligne non pas un refus absolu que l’accord engage les Parties mais souligne plutôt que sa nature juridique doit être bien étudiée pour ne pas entraîner le même échec que pour Kyoto, dont la nature juridique nécessitait une ratification par les Parties, que le Sénat américain avait refusé et refuserait encore aujourd’hui.
Lors de la réunion ministérielle préparatoire de la COP-21 (pré-COP – voir p.3), Laurent Fabius, a demandé au groupe de travail ADP de faire déboucher les négociations techniques de la première semaine sur un texte révisé et plus concis avant le samedi 5 décembre 2015 à midi [voir lien p.8] et ce, pour transmission aux Ministres. Ceux-ci doivent ensuite mener à bien la dernière ligne droite des négociations politiques en vue de l’adoption de l’accord et des décisions de la COP le vendredi 11 décembre 2015.