COP-21 : La Commission propose une vision du « Protocole de Paris » et l’INDC de l’UE
Le 25 février 2015, la Commission européenne a publié une communication [COM(2015) 81] exposant la vision de l’UE sur le futur accord climat qui devrait être conclu à la 21e Conférence des Parties (COP-21) à la Convention Climat (CCNUCC) [30 nov.-11 déc. 2015] : l’UE prône un accord juridiquement contraignant, robuste, transparent et dynamique, assorti d’engagements de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) ambitieux et équitables pris par toutes les Parties à la CCNUCC.
La communication traduit les décisions prises par les Chefs d’Etat et de Gouvernement lors du Conseil européen [23-24 octobre 2014] en objectif de réduction pour l’UE au titre du futur accord, soit sa contribution prévue déterminée au niveau national (INDC) conformément à la décision 1/CP.20 adoptée à la COP-20 [Lima, 14 déc. 2014].
La communication est accompagnée d’un plan d’actions relatif à la diplomatie en matière de climat »et d’un document de travail [SWD(2015) 17] qui expose en plus grand détail certains aspects de la vision de l’UE.
Le Protocole de Paris
La Commission propose que l’accord de 2015 prenne la forme d’un nouveau Protocole [post-Kyoto] à la CCNUCC qui doit :
- fixer un objectif global de réduction des émissions mondiales de GES d’au moins 60% d’ici 2050 (base 2010) [ce qui correspond à l’objectif 2050 de l’UE de -50% de réduction des émissions mondiales (base 1990)(1)] ;
- formuler des engagements de réduction ambitieux, équitables et juridiquement con-traignants pour toutes les Parties [y compris les pays émergents], tenant compte de l’évolution des responsabilités, des capacités [principes de la CCNUCC] et des différentes situations nationales [décision 1/CP.20];
- accroître la transparence pour être en mesure d’évaluer, via un ensemble commun de règles et procédures [MRV, revues des inventaires], si les objectifs de réduction ont été atteints ;
- encourager les investissements publics et privés favorisant le développement écono-mique à faibles émissions de GES.
Un programme de travail technique, prenant fin en 2017, devra établir les modalités, les processus et les institutions nécessaires pour atteindre ces objectifs [à l’instar des accords de Marrakech adoptés à la COP-7 (2001) en application du Protocole de Kyoto].
Pour adhérer à un tel Protocole, les Parties devront prendre un engagement de réduction, mais certaines auront accès à des ressources financières et techniques [critères d’éligibilité non précisés] pour soutenir la mise en œuvre du Protocole.
Ratification : la Commission plaide pour une ratification rapide du Protocole par tous les pays du G20 [environ 75% des émissions mondiales de GES], surtout l’UE [9%], les Etats-Unis [11%] et la Chine [25%] pour envoyer un signal politique fort.
Entrée en vigueur : le Protocole devrait entrer en vigueur dès que les pays représentant collectivement plus de 40 Gt CO2e [soit 80% des émissions mondiales actuelles] en 2015 auront déposé leur instrument de ratification.
Partage de l’effort mondial : pour être efficace et équitable, le Protocole devra réunir les conditions suivantes :
- une large couverture géographique: tous les pays à revenu moyen et élevé du groupe G20 devraient être en mesure de soumettre leur INDC au 31 mars 2015.
Toutes les Parties [hors les pays les moins avancés] devront souscrire à des engagements de réduction [énumérés dans une annexe au Protocole] relatifs à une année ou une période de référence historique, de préférence des objectifs absolus applicables à l’ensemble de l’économie, couplés à des budgets d’émissions. Ces objectifs devront être fixés d’ici 2025 pour les pays du G20 et les autres pays à revenu élevé (les autres pays émergents étant incités à le faire avant 2030) ;
- une couverture complète des secteurs et des émissions. Le Protocole devrait exiger des réductions dans tous les secteurs, dont l’AFOLU, mais aussi les transports aériens et maritimes internationaux, ainsi que les gaz fluorés. Pour réglementer d’ici fin 2016 ces trois secteurs, respec-tivement l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI), l’Organisation maritime internationale (OMI) et les Parties au Protocole de Montréal devraient agir.
Processus dynamique : réexamen régulier des objectifs
Le Protocole devrait établir un processus, applicable à toutes les Parties, prévoyant un réexamen tous les cinq ans et un renforcement des engagements de réduction pour que l’effort collectif soit compatible avec l’objectif de 2°C afin de relever le niveau d’ambition des engagements si besoin.
Pour favoriser la transparence et la clarté des engagements de réduction souscrits, les Parties devraient expliquer les progrès réalisés, et démontrer scientifiquement que leurs actions sont équitables et ambitieuses.
Surveillance, comptabilisation, notification, vérification
Le Protocole devra définir :
- un système commun, applicable à toutes les Parties, de transparence et de responsabilisation fixant des règles de surveillance, de notification, de vérification [MRV] et de comptabilisation des émissions ;
- un processus en vertu duquel chaque Partie sera tenue responsable du respect de ses objectifs [à l’instar du Comité d’observance établi au titre du Protocole de Kyoto].
Ce dispositif sera essentiel pour s’assurer que chaque Partie met en œuvre et respecte ses engagements, et garantir la confiance, l’ambition, la prévisibilité et la sécurité juridique. Il devrait être durable et souple pour couvrir un large éventail de types d’engagements.
Par ailleurs, les équipes d’experts indépendants devraient réaliser des audits réguliers. Le Protocole devrait également créer et définir le mandat d’un organisme spécialisé et indépendant chargé de faciliter la mise en œuvre et de répondre aux questions de conformité par rapport aux engagements de réduction des Parties, y compris les obligations en matière de MRV et de comptabilisation.
Enfin, les Parties devraient soumettre, au plus tard au moment de la ratification, la série la plus récente d’inventaires des émissions annuelles de GES couvrant la période 2010-2015.
De l’objectif 2030 à l’INDC de l’UE
L’INDC de l’UE proposée par la Commission [conformément aux exigences de communication d’information établies par la décision 1/CP.20], sous forme de tableau dans sa communication du 25 février 2015, se veut un modèle simple pour l’élaboration des autres INDC garantissant leur transparence et comparabilité.
L’objectif de réduction approuvé par le Conseil européen du 24 octobre 2014 d’au moins 40% d’ici 2030 (base 1990) est contrai-gnant, applicable à l’ensemble de l’économie, couvre tous les secteurs et toutes les sources d’émissions, dont l’agriculture, la forêt et autres utilisations des terres (AFOLU) [contrairement à l’objectif de réduction de 20% pour 2020 (base 1990)] . Cet objectif est à atteindre au moyen des mesures internes [sans contribution de crédits d’émission internationaux issus des mécanismes de flexibilité] et est compatible avec l’objectif 2050 de l’UE [au moins 80%, base 1990, établi dans la feuille de route 2050].
Selon la Commission, l’objectif 2030 permettra une réduction supplémentaire de l’intensité des émissions de l’UE d’environ 50%.
Prochaines étapes
La Commission européenne invite le Parlement européen et le Conseil à approuver dès que possible l’approche proposée qui servira de mandat de négociation de l’UE pour la COP-21.
La Commission organisera, au plus tard en novembre 2015, une conférence internationale pour améliorer la compréhension mutuelle des différentes INDC et l’adéquation de leur niveau d’ambition collectif et faciliter un échange de points de vue en amont de la COP-21.
Adoption formelle de l’INDC de l’UE
Le 6 mars 2015, les Ministres de l’Environnement des Vingt-huit, réunis au sein du Conseil Environnement, ont formellement adopté la proposition d’INDC de l’UE. Elle a été soumise le jour même au Secrétariat de la Convention Climat (CCNUCC) pour publication sur le portail web INDC (voir p.4). Chaque Etat membre (dont la France) devra aussi remettre sa propre INDC [de préférence avant fin mars 2015].
D’ici la mi-2015, la Commission compte présenter des propositions législatives au Parlement européen et au Conseil en vue de mettre en œuvre les grandes lignes de la politique climat-énergie 2030 de l’UE [approuvées au Conseil européen des 23-24 octobre 2014].
(1)Cf. Conclusions Conseil européen des 29-30/10/2009.