Sommet de New York : étape clé vers la COP-21
Le Sommet extraordinaire des dirigeants mondiaux sur le climat, convoqué par le Secrétaire Général des Nations Unies, Ban Ki-moon, le 23 septembre 2014 à New York, a vu naître plusieurs coalitions, alliances et autres partenariats internationaux autour de huit domaines d’action. Cette forte mobilisation collective des entreprises, des villes, des ONG et de la société civile constitue, d’après Ban Ki-moon, « une toute nouvelle approche coopérative planétaire vis-à-vis du changement climatique« . Retour sur les principales initiatives lancées.
Forêt
- plus de 150 partenaires (dont 28 Gouvernements [y compris de l’Indonésie et de la RD-Congo mais pas du Brésil qui a refusé d’y adhérer], 35 entreprises et 45 ONG) ont signé une Déclaration de New York sur les Forêts [texte politique non contraignant]. Les signataires s’engagent à réduire de moitié la déforestation mondiale d’ici 2020 et à s’efforcer d’y mettre fin à l’horizon 2030 [c’est la première fois que de telles échéances sont fixées]. Ils appellent aussi à la restauration d’ici 2030 d’au moins 350 millions d’hectares de forêts et de terres cultivées. L’atteinte de ces objectifs permettrait de réduire d’une fourchette de 4,5 à 8,8 Gt CO2 par an les émissions de CO2 d’ici 2030.
Agriculture
- 16 Gouvernements [dont la France] et 37 organisations et entreprises, ont annoncé qu’ils rejoindraient l’Alliance mondiale pour le climat et une agriculture intelligente, créée au Sommet. Cette alliance, dont les pays-membres représentent 16% des émissions mondiales de GES du secteur agricole, vise, entre autres, à aider les petits exploitants à réduire leurs émissions de GES.
Villes
- la création d’un nouveau « Pacte mondial des maires » (Global Mayors’ Compact) a été annoncée, rassemblant plus de 2 000 villes à travers le monde. [Il vient s’appuyer sur la Convention des Maires, créée en 2008 par la Commission européenne(1) qui regroupe 5 515 collectivités européennes (au 29/09/2014)]. Il s’agit d’une nouvelle plate-forme globale pour ces villes visant à coordonner leurs efforts et à harmoniser leurs modalités de surveillance et de déclaration des émissions de GES, leurs objectifs et leurs stratégies de réduction. Parmi les 2 000 villes membres, 228 ont déjà adopté des objectifs ou stratégies de réduction volontaires représentant 2,1 Gt CO2e d’émissions évitées par an. Les signataires du nouveau Pacte mondial s’engagent collectivement à réduire leurs émissions de GES de 454 Mt CO2e/an d’ici 2020. [cf. décision 1/CP.19, adoptée à la COP-19, qui reconnaît le rôle des villes dans l’action climat] .
Industrie
- lancement [dans le cadre de la Coalition Climat et Air Propre, CCAC ] du Partenariat Méthane, Pétrole et Gaz réunissant plusieurs compagnies pétrolières [aucune n’étant française à ce jour] et des Gouvernements des grands pays producteurs [Mexique, Nigéria, Norvège, Russie, Etats-Unis,…] pour réduire les émissions de CH4 issues de l’extraction et de la production;
- lancement de l’Initiative Climat Pétrole et Gaz, plate-forme visant à partager les meilleures pratiques du secteur, ainsi qu’à encourager et à coordonner des actions concrètes en matière d’énergies renouvelables, d’efficacité énergétique, de réduction du volume de gaz naturel torché, etc. Les partenaires de l’initiative [qui compte entre autres Total] devront régulièrement rendre compte de leurs efforts;
- lancement par plusieurs grandes entreprises [Deutsche Post, DHL, IKEA,…] d’un mécanisme de coordination en vue d’harmoniser et de renforcer leurs efforts en cours pour réduire les émissions de CO2 et de carbone suie issues du transport de marchandises. Le Plan d’actions mondial pour le fret vert vise à aider en ce sens plus de 20 pays et autant d’ONG, d’organisations multinationales et intergouvernementales.
Transports
- mise en place d’une Initiative Electro-Mobilité Urbaine visant à accroître le nombre de véhicules électriques dans les villes, avec l’objectif que ce nombre représente au moins 30% des véhicules neufs vendus par an d’ici 2030 [dont les bus et taxis];
- 110 autorités organisatrices de transports [dont la SNCF et la RATP] dans 39 pays ont pris plus de 350 engagements et actions dans le cadre de la Déclaration de l’Union Inter-nationale des Transports Publics (UITP) sur le Climat (Declaration on Climate Leadership). Ces engagements portent sur des actions de réduction des émissions de GES en zone urbaine (augmentation des lignes de métro, de bus, autopartage, vélopartage,…).
Efficacité énergétique
- 28 pays se sont déclarés prêts à rejoindre le Partenariat mondial pour les appareils et équipements efficaces rassemblant des organisations intergouvernementales, des ONG, des fabricants et des institutions financières pour aider les Gouvernements à renforcer les normes de performance;
- lancement d’une nouvelle initiative baptisée Efficacité bâtiments qui vise à aider les Gouvernements et les collectivités infranationales à accélérer l’adoption de politiques de performance énergétique des bâtiments.
Finance climat et signal-prix sur le carbone
- neuf pays ont annoncé des engagements financiers totalisant 1,3 milliard (Md) de $ pour abonder le Fonds vert pour le climat, dont la France qui s’est engagée à fournir la plus grande contribution (1 Md$) d’ici 2018 [cf. l’engagement des pays industrialisés à Copenhague, puis confirmé à Cancún de fournir 100 Md$ par an d’ici 2020 aux pays en développement];
- création d’une coalition d’investisseurs institutionnels, la Coalition Portefeuille Décarbonisation (PDC). Ceux-ci s’engagent à « décarboniser » 100 Md$ d’investissements d’ici la COP-21, ainsi qu’à évaluer et à déclarer l’empreinte carbone d’au moins 500 Md$ d’investissements de leur portefeuille;
- sous l’impulsion de la Banque Mondiale, 74 Gouvernements [dont la France mais pas les Etats-Unis], 12 Etats fédérés [dont sept des Etats-Unis], 11 villes et 1 044 entreprises et investisseurs ont déclaré leur soutien à la création d’un signal-prix carbone [Carbon pricing statement].
Analyse
Ces nombreuses initiatives ambitieuses s’inscrivent dans une approche ascendante (bottom-up), qui doit être complémentaire au processus onusien mené jusqu’ici au titre de la Convention Climat [approche descendante (top-down)]. Ces engagements volontaires, aussi ambitieux soient-ils, ne peuvent pas remplacer les politiques publiques et la responsabilité des Gouvernements. Or, parmi ces initiatives, il convient justement de remarquer l’absence de déclarations de nouveaux engagements nationaux concrets de réduction de la part des Chefs d’Etats ou de Gouvernement. Zhang Gaoli, Vice-Premier Ministre du premier pays émetteur de GES, la Chine, a néanmoins annoncé [lien] espérer atteindre « le plus rapidement possible » son niveau maximal d’émissions de GES, sans pour autant avancer d’échéance précise. Quant au Président Obama, il a déclaré, entre autres, [lien] que les Etats-Unis et la Chine, étant les plus grandes économies et les premiers pays émetteurs de GES du monde, « ont une responsabilité toute particulière et devraient donc « être les chefs de file » dans la mise en œuvre d’actions climat [jusqu’ici, c’est l’UE qui jouait ce rôle].
Quoi qu’il en soit, toutes ces annonces resteront sans effet si aucun dispositif de suivi n’est mis en place pour évaluer leur avancée concrète dans la perspective de la COP-21 à Paris.
(1)Voir ED n°166 p.IV.5.