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Le trifluorure d’azote (NF3) : rejoindra-t-il le panier de Kyoto ?

  • Réf. : 2008_12_a5
  • Publié le: 1 décembre 2008
  • Date de mise à jour: 16 mai 2019
  • International

L’Administration nationale d’aéronautique et d’espace (NASA) des Etats-Unis a annoncé le 23 octobre 2008 les résultats d’un programme de mesure atmosphérique du trifluorure d’azote (NF3voir encadré ci-dessous) mené pour son compte par une équipe de chercheurs de l’Institution Scripps d’Océanographie (SIO, Californie). Les résultats du programme de recherche ont été publiés le 31 octobre 2008 dans le journal scientifique de l’Union Géophysique Américaine (AGU) Geophysical Research Letters.

Le trifluorure d’azote (NF3)

Le NF3 est un gaz synthétique qui constitue un puissant gaz à effet de serre (GES) ayant un pouvoir de réchauffement global (PRG) 17 000 fois plus important que celui du CO2 (sur 100 ans) et ayant une durée de vie dans l’atmosphère de 740 ans (contre une centaine d’années pour le CO2) (source : GIEC, 2007).

Le NF3 est utilisé depuis moins de 10 ans comme agent nettoyant dans la fabrication des écrans à cristaux liquides, des surfaces des galettes de silicium (des éléments entrant dans la composition des cellules photovoltaïques) et des microcircuits intégrés. Le NF3 est en grande partie détruit pendant le processus de fabrication, ce qui limite les émissions atmosphériques. Ces dernières années, le NF3 a été utilisé dans le secteur industriel comme gaz de substitution aux PFC (eux-mêmes des GES très puissants et figurant dans le panier des six GES visés par le Protocole de Kyoto) puisque selon les estimations scientifiques jusque-là, au maximum, 2% des quantités de NF3 utilisées dans ces procédés industriels étaient rejetées à l’atmosphère.

Or, lors des négociations internationales en 1997 débouchant sur l’adoption du Protocole de Kyoto, les émissions de NF3 ayant été jugées faibles, ce GES n’avait pas été couvert par cet accord multilatéral de réduction des émissions de GES. Il ne figure pas dans le panier des six GES visés et il n’est pas pris en compte non plus dans l’obligation qui incombe aux Parties à la Convention Climat (
article 4.1) de soumettre chaque année au Secrétariat de celle-ci des inventaires nationaux d’émission de GES. La contribution du NF3 au réchauffement climatique était alors considérée négligeable. Absent du Protocole de Kyoto, le NF3 a donc jusqu’ici échappé à tout contrôle, d’où son surnom de « GES manquant ».

Methodologie

L’équipe de chercheurs de la SIO s’est appuyée sur des nouvelles techniques d’analyse pour mesurer, pour la première fois, la teneur en NF3 des échantillons d’air prélevés depuis 1978 sur plusieurs stations de mesure à travers le monde, et notamment celles du réseau AGAGE (Advanced Global Atmospheric Gases Experiment), créé dans les années 1970 et financé par la NASA.

Resultats

Avec les techniques de mesure précédentes, il avait été jusque-là impossible de détecter ou de relever les concentrations de NF3 dans l’atmosphère. Par conséquent, les observations documentant ces niveaux dans l’atmosphère faisaient défaut. Les quantités du NF3 présentes dans la troposphère avaient néanmoins été estimées à moins de 1 200 t en 2006. Les nouveaux résultats obtenus montrent que les quantités réelles en 2006 présentes dans la troposphère s’élevaient à 4 200 t. En 2008, le niveau a déjà atteint 5 380 t.

Les chercheurs ont découvert que les concentrations troposphériques du NF3sont passées d’environ 0,02 ppt (parts per trillion, soit 10-12) en 1978 à 0,454 ppt en juillet 2008, soit une augmentation d’un facteur 22 en 30 ans, c’est-à-dire une croissance quasi-exponentielle. Le rythme moyen de progression est de 0,053 ppt par an, soit environ 11% par an. L’analyse des échantillons a également montré des concentrations sensiblement plus élevées de NF3dans l’hémisphère Nord que dans l’hémisphère Sud. Le rythme de croissance des concentrations atmosphériques de NF3 actuellement observé correspond à des émissions mondiales d’environ 620 t/an aujourd’hui (contre environ 110 t/an en 1995), ou encore aux émissions d’environ 16% des quantités totales mondiales de ce gaz produites dans le monde (4 000 t/an).

La consommation et les émissions de NF3 en France

En France, la consommation de NF3 dans l’industrie des semiconducteurs est passée de 2 t en 1995 à 17 t en 2000 pour atteindre 49 t en 2005, soit une hausse d’un facteur 25 en 10 ans. Les émissions de NF3 de ce secteur sont restées plutôt stables (1,5 t en 1995, 1,15 t en 2000 et 1,8 t en 2005) du fait des très fortes réductions des émissions de NF3 dans l’industrie des semi-conducteurs en France. Les émissions de NF3 sont très limitées comparées à la consommation de ce GES dans cette branche industrielle (environ 3,7%). Pour les deux autres secteurs industriels utilisant le NF3 (voir 1er encadré), les données de consommation et d’émission ne sont pas disponibles (Source: SITELESC, 2007).

Ces premières valeurs de NF3 mesurées dans l’atmosphère montrent des concentrations actuelles sensiblement plus élevées que celles qui ont jusqu’ici été estimées sur la base des données de production industrielle limitées ainsi que sur la base des estimations de la destruction du NF3 dans les applications électroniques.

En 2006, il avait été estimé que les émissions mondiales de NF3 s’élevaient à 140 t par an, calcul basé sur 85% de la production annuelle (2 300 t) utilisés dans les applications électroniques donnant lieu à 2% d’émissions, et sur 15% de la production annuelle utilisés dans des applications conduisant à 30% d’émissions. A titre de comparaison, le niveau d’émissions moyen pour l’année 2006 estimé par l’équipe de chercheurs de la SIO est de 563 t par an, soit un niveau supérieur d’un facteur quatre aux estimations précédentes.

Principales conclusion

Selon les chercheurs de l’équipe de Scripps, étant donné la grande incertitude quant aux quantités de NF3 actuellement produites et vu les PRG élevés du NF3 et des PFC auxquels il se substitue dans les applications électroniques, la forte hausse des concentrations de NF3 dans l’atmosphère les conduit à recommander que le NF3 soit ajouté à la liste des substances dont la production est inventoriée et dont les émissions sont réglementées pendant la 2e période d’engagement au titre du Protocole de Kyoto (à compter de 2013). Cette recommandation avait déjà été formulée par d’autres chercheurs (M.J. Prather et J. Hsu) dans un article publié le 26 juin 2008 dans le journal Geophysical Research Letters.

Action internationale

Suite à une proposition du Groupe de travail Sécurité et Santé de l’Environnement (ESH) du Conseil Mondial des Semiconducteurs (WSC), les associations professionnelles de fabricants de semiconducteurs européennes (EECA), américaines (SIA), japonaises (EIAJ) et coréennes (KSIA), membres du WSC, ont mené des négociations débouchant sur la conclusion, le 23 avril 1999, d’un accord volontaire de réduction des émissions de gaz fluorés à effet de serre dans le secteur de la fabrication des semiconducteurs. Aux termes de l’accord, les quatre organismes signataires se sont engagés à réduire de 10% entre 1995 et 2010 les émissions agrégées absolues des PFC et assimilés (dont le NF3).. L’année de référence pour EECA, SIA et EIAJ est 1995, celui pour KSIA est 1997. L’objectif de réduction, assigné à chaque organisme professionnel, fait l’objet d’un suivi régulier. A cette fin, le WCS a mis en place un programme de déclaration des données d’émission pour les associations membres du WCS.

www.agu.org/pubs/crossref/2008/2008GL035913.shtml

 

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