Polluants organiques persistants
Définition
Le terme Polluants Organiques Persistants ou POP désigne un grand nombre de substances organiques non pas définies par leur nature chimique mais par quatre propriétés (Convention Stockholm 2019):
- elles sont persistantes et restent de longues années non dégradées (elles ne se dégradent que très lentement dans l’environnement, voire pas du tout ; elles sont capables de résister à la dégradation biologique, chimique et photolytique),
- elles sont bioaccumulables (lipophiles, elles s’accumulent, se bio-amplifient dans les tissus adipeux des organismes vivants ; elles se concentrent dans la chaine alimentaire),
- elles sont toxiques (nocives pour les écosystèmes, les animaux et l’homme, elles peuvent perturber le système immunitaire et reproductif et être cancérigènes),
- Elles deviennent largement distribuées dans l’environnement à la suite de processus naturels impliquant le sol, l’eau et, plus particulièrement, l’air. Elles peuvent être transportées très loin de leurs zones d’émission.
La plupart des POPs sont des composés organiques semi-volatils ou non-volatils. Ces POPs semi-volatils se trouvent à l’état gazeux ou particulaire selon les températures. Ils se déposent facilement sous forme particulaire lorsque la température est moins élevée et peuvent être réémis si la température devient plus élevée (seuil de température dépendant des substances).
Sources
Ces substances peuvent être émises intentionnellement ou non. De manière intentionnelle, elles sont émises en tant que pesticides (aldrine, chlordane, chlordécone, lindane, mirex, pentachlorobenzène, toxaphène…) ou lors de leur production pour des usages industriels (décabromodiphényl ether, hexachlorobutadiène, naphtalènes polychlorés…).
De manière non-intentionnelle, les POPs sont émis lors de la combustion à l’air libre des déchets et de la biomasse (y compris lors de feux de forêt), lors de l’incinération de déchets, lors de la combustion de tout combustibles (fossile, biomasse) et lors de processus industriels (comme le raffinage, la production de substances chimiques, de métaux, de textiles, de céramiques ou de briques). Les émissions sont plus fortes en cas de combustion incomplète.
POP pris en compte dans l’inventaire d’émission de la France
L’inventaire national estime les émissions de quatre principaux POP émis par l’industrie, la combustion et l’incinération des déchets, et visés par le Protocole d’Aarhus et la Convention de Stockholm. Ce sont les suivants :
- les polychlorobiphényles (PCB)
Les PCB sont des composés aromatiques organochlorés avec 12 atomes de carbone et entre 1 à 10 atomes de chlore (C12H10-xClx). Il existe 209 congénères, classés en deux catégories, de type dioxine (ou dioxine like) et les autres. Ils ont été utilisés pour leurs propriétés diélectriques. Ce sont aussi des produits de combustion.
- l’hexachlorobenzène (HCB)
Il s’agit d’un composé organique avec 6 atomes de carbone et 6 atomes de chlore, dérivé du benzène (C6Cl6). C’est un fongicide. Il est émis par des processus de combustion en même temps que les dioxines et furanes.
- les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP)
Les HAP sont un ensemble de composés organiques avec 2 à 7 cycles aromatiques, semi-volatils. Ils sont produits par les processus de combustion de différents combustibles et produits, ainsi que par les processus de raffinage du pétrole. Ils sont également présents à l’état naturel dans les combustibles fossiles charbon et pétrole.
La famille des HAP est très vaste. On distingue :
Les 4 HAP couverts par le Protocole d’Aarhus :
- le benzo(a)-pyrène (B[a]P),
- le benzo(b)fluoranthène (B[b]F),
- le benzo(k)fluoranthène (B[k]F),
- l’indéno(1,2,3-cd)pyrène (I[1,2,3-cd]P),
Les 4 autres substances réglementées par la France, dans le cadre des règlements sur les installations classées (ICPE) :
- le benzo(g,h,i)pérylène,
- le fluoranthène,
- le dibenzo(a,h)anthracène (DiB[a,h]A),
- le benzo(a)anthracène (B[a]A).
et enfin les autres HAP.
Dans le cadre du total national des émissions de HAP présenté dans le rapport SECTEN, seuls les 4 HAP pris en compte dans l’inventaire, conformément au périmètre de la CEE-NU, sont présentés. Comme le montre la spéciation réalisée dans l’étude complémentaire du rapport SECTEN 2017, si l’on considère les 8 HAP réglementés en France, le niveau des émissions de HAP est alors au moins 4 fois supérieur à celui des HAP pris en compte dans le Protocole d’Aarhus. Cette analyse sera mise à jour dans la prochaine édition du rapport SECTEN.
- les dioxines/furanes (PCDD-PCDF)
Les dioxines et les furanes sont des composés aromatiques polycycliques halogénés . On dénombre 75 congénères pour les dioxines ou polychlorodibenzodioxines et 135 pour les furanes ou polychlorodibenzofuranes. Ces substances sont principalement formées par la combustion à haute température des déchets et des combustibles. On les retrouve dans certains procédés chimiques (synthèse de produit chlorés), le blanchiment de la pâte à papier. La présence de chlore et d’un catalyseur comme le cuivre ou le fer est une condition de formation.
Effets sur la santé
Les POP ont, de façon générale, des effets toxiques sur les êtres vivants. Les diverses substances peuvent être cancérigènes et dégrader les systèmes immunitaires et reproductifs…. Les références suivantes donnent de bonnes synthèses sur la toxicologie des divers POPs :
- Le portail substances chimiques de l’INERIS fournit des grandeurs caractéristiques sur les substances chimiques dans les domaines suivants: Ecotoxicologie, Toxicologie, Données Technico-économiques. (exemple pour le BaP)
- L’INERIS met aussi à disposition un certain nombre de fiches, dans lesquelles il est possible de trouver les substances considérées ci-dessus.
- L’INRS est également une excellente source de données, par exemple sur les substances CMR.
- L’Organisation Mondiale de la Santé est également une source essentielle :
Suivi des concentrations
Suivi des POPs dans l’air ambiant
Les HAP font l’objet d’un suivi en termes de qualité de l’air selon la directive 2004/107/CE modifiée. Le B[a]P est mesuré ainsi qu’au minimum le B[a]A, B[b]F, B[j]F, B[k]F, I[1,2,3-cd]P, DiB[a,h]A.
Les autres POPs tels que les dioxines, peuvent faire l’objet de surveillance locale près des sites industriels ou de campagnes de mesures ponctuelles. Les concentrations de dioxines chlorées et bromées ont ainsi été mesurées en 2018 près de sources de pollutions diffuses (brûlage de câbles) (AIRPARIF 2018).
Des mesures de concentrations de POPs sont réalisées par l’observatoire national de Mesure et d’Evaluation en zone rurale de la pollution Atmosphérique à longue distance. 2 stations de fonds ruraux mesurent des POPs. Les données sont reportées chaque année à AirBase (the European Air quality dataBase), à l’EMEP et sont visualisables sur le site EBAS (http://ebas.nilu.no/) (MERA 2019).
Concentrations observées dans l’environnement
La figure suivante présente les concentrations de benzo(a)-pyrène mesurées en Europe. En 2016, ce sont encore 13 Etats membres qui mesurent des concentrations supérieures à la valeur limite européenne de 1 ng/m3, principalement en Europe centrale et de l’Est. La valeur recommandée par l’OMS de 0,12 ng/m3 est dépassée dans au moins une station de chaque Etat membre sauf aux Pays Bas et en Suède (AEE 2018).
Des travaux d’évaluation de la pollution transfrontière relative aux POP à l’échelle globale, régionale et nationale, sont menés par les centres de recherche EMEP (tels que le MSC-East et West (Meteorological synthesizing centres) (EMEP 2018). Les données d’inventaires des émissions de POP sont une source importante d’informations pour ces travaux mais encore associées à des incertitudes importantes. La modélisation est aussi largement utilisée avec des travaux pour réconcilier données observées (trop rares) et inventaires. La figure suivante présente par exemple, les concentrations de dioxines et furanes issues de cette modélisation à partir de données d’inventaires adaptées (comblant les lacunes ou les sous estimations selon les centres de recherche). Des concentrations élevées de dioxines (toutefois exprimées en femto gramme (fg), soit en billiardième de gramme) sont estimées en Italie du nord, au Royaume uni, en Europe centrale, Ukraine, Fédération russe.
Réduction des émissions
Compte tenu de leurs effets sur la santé et les écosystèmes, les POPs font l’objet de nombreuses réglementations à l’échelle européenne et française.
Au niveau international, il existe deux Conventions (voir aussi le chapitre Politique et Règlementation) visant à contrôler, réduire ou éliminer ces substances :
- Le Protocole d’Aarhus (ou « Protocole POP »), adopté le 25 juin 1998 dans le cadre de la Convention de Genève sur la pollution transfrontalière longue distance sous l’égide de la Commission Économique pour l’Europe des Nations unies (CEE-NU ou UNECE en anglais). Il est entré en vigueur le 23 octobre 2003 et a été amendé en 2009. Le Protocole interdit la production et l’utilisation de certains POP (aldrine, chlordane, chlordécone, dieldrine, endrine, hexabromobiphényle, mirex et toxaphène). D’autres substances ont été introduites en 2009 (hexa-chlorobutadiene, octabromodiphenyl ether, pentachloro-benzene, pentabromodiphenyl ether, perfluorooctane sulfonates, polychlorinated naphthalenes et les paraf-fines chorées à courte chaîne). D’autres doivent être éliminés ou substantiellement réduits (dichloro-diphényltrichloroéthane (DDT), heptachlore, biphényles polychlorés (PCB), hexachlorobenzène (HCB)). Il oblige également les Parties à réduire leurs émissions de dio-xines, furanes, hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) et hexachlorobenzène (HCB) en deçà de leurs niveaux de 1990. Pour l’incinération de déchets munici-paux, dangereux et médicaux, il établit des valeurs limites spécifiques.
- la Convention de Stockholm (ou « Convention POP ») a été adoptée le 22 mai 2001 dans le cadre du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) par 92 pays. Elle est entrée en vigueur le 17 mai 2004. En mai 2009 (lors de la COP-4), des amendements à la Convention ont ajouté 9 nouveaux POP et ces amendements sont entrés en vigueur le 26 août 2010. D’autres amendements sont intervenus depuis. La Convention de Stockholm prend en compte un nombre de POP beaucoup plus élevé que le Protocole d’Aarhus.
Les pesticides
Les émissions de pesticides dans l’air peuvent notamment avoir lieu pendant l’application par dérive aérienne de gouttelettes de pulvérisation ou en post-application par volatilisation depuis le sol ou la plante. Il existe encore peu de connaissances sur les résidus de pesticides dans l’air à l’échelle de la France entière même si les Associations Agrées de Surveillance de la Qualité de l’Air ont réalisé des campagnes de mesures.
Les émissions dans l’air de pesticides, ou produits phytopharmaceutiques, sont non encore inventoriés dans l’inventaire national des émissions. Comme il ne s’agit pas d’une obligation règlementaire, la priorité est donnée à l’amélioration de l’estimation des émissions des autres substances.
Néanmoins, des travaux préliminaires ont été menés notamment par l’ADEME. Ainsi que la synthèse de C. Guiral et al. de 2016, conclut que « si des facteurs d’émission ont pu être identifiés, ils présentent un niveau de validation faible et donc un potentiel d’utilisation en France avec les substances actives actuelles que l’on peut qualifier de faible. […] Quelques jeux de données sont disponibles mais en nombre limité. Il faudrait en produire d’autres pour mieux appréhender les processus, améliorer les modèles (et leur domaine d’application) et dégager des leviers d’action pour limiter les émissions de produits phytosanitaires vers l’atmosphère. »
Du point de vue de leurs concentrations dans l’air, la surveillance des résidus de pesticides dans l’air au niveau national est une priorité définie dans le cadre du plan d’action gouvernemental sur les produits phytopharma-ceutiques et du plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques (PREPA 2017). Saisie par les ministères en charge de l’agriculture, de l’écologie, de la santé et du travail, l’Anses a établi en octobre 2017 des recommandations sur la conduite et les modalités de mise en œuvre d’une campagne exploratoire en vue d’une telle surveillance (ANSES 2017). Au vu de ces recommandations, un partenariat a été mis en place entre l’Anses, l’Ineris et la Fédération Atmo France pour la définition et la réalisation de cette campagne. Cette campagne exploratoire, première du genre à l’échelle nationale, permettra de définir les modalités d’une stratégie pérenne nationale de surveillance des résidus de pesticides dans l’air ambiant (INERIS 2018). En effet, elle permettra d’évaluer l’exposition moyenne de la population générale aux pesticides dans l’air ambiant et évaluer la nécessité de mettre en œuvre une surveillance pérenne des pesticides dans cette matrice. Les résultats sont attendus en 2019.
ADEME 2016 – Guirial C. et aut. – 2016 – Synthèse bibliographique sur les émissions de produits phytopharmaceutiques dans l’air. Facteurs d’émissions, outils d’estimation des émissions, évaluations environnementales et perspectives de recherche. https://www.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/emissions-pesticides-air-2016_rapport_final_1.pdf AEE 2018 – Agence de l’environnement européenne – Air quality in Europe – 2018 report. N°12. ISBN 978-92-9213-989-6 AIRPARIF 2018 – Etude des dioxines chlorées et bromées dans l’air ambiant, à proximité de sources diffuses. 2018 ANSES 2017 – Avis de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, relatif à la « proposition de modalités pour une surveillance nationale des pesticides dans l’air ambiant. Saisine n° « 2014-SA-0200 » Convention Stockholm 2019 – Accès au site de la Convention http://www.pops.int/TheConvention/ThePOPs/tabid/673/Default.aspx EMEP 2018 – EMEP Status Report 3/2018 – Persistent Organic Pollutants: assessment of transboundary pollution on global, regional, and national scales INERIS, 2011. Données technico-économiques sur les substances chimiques en France : Les polychlorobiphényles (PCB), DRC-11-118962-11081A, 89 p. (http://rsde.ineris.fr/ ou http://www.ineris.fr/substances/fr/) INERIS 2018 – Site accédé en juin 2019 https://www.ineris.fr/fr/lancement-campagne-exploratoire-nationale-mesure-residus-pesticides-air MERA 2019 – https://www.lcsqa.org/fr/actualite/mera-observatoire-national-mesure-evaluation-zone-rurale-pollution-atmospherique-longue-di (site accédé en juin 2019) PREPA 2017 – Décret no 2017-949 du 10 mai 2017 fixant les objectifs nationaux de réduction des émissions de certains polluants atmosphériques en application de l’article L. 222-9 du code de l’environnement et Arrêté du 10 mai 2017 établissant le plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques