Les métaux lourds
Définition
Le terme métal lourd n’a pas de définition scientifique (Seigneur, 2018). On considère généralement que ce sont des éléments métalliques dont la masse volumique est supérieure à 5 g/cm3. Les métaux pour lesquels des mesures de contrôle et de réduction des émissions dans l’ensemble des compartiments air, eau, sols ont été mises en place aux niveaux international, européen et national, regroupent un ensemble de composés métalliques reconnus pour leurs effets toxiques. La Convention sur la pollution atmosphérique transfrontière à longue distance (Convention LRTAP) a été la première Convention à suivre les métaux dans l’environnement et à mettre en place un Protocole international visant à réduire les émissions de trois métaux lourds (cadmium (Cd), mercure (Hg), plomb (Pb)), (Aarhus 2012). Le rapportage des émissions dans l’atmosphère par les Parties est obligatoire pour ces trois métaux, et le rapportage de nombreux autres métaux est encouragé. La France rapporte l’ensemble des métaux demandés par la Convention LRTAP soit :
- arsenic (As),
- cadmium (Cd),
- chrome (Cr),
- cuivre (Cu),
- manganèse (Mn),
- mercure (Hg),
- nickel (Ni),
- plomb (Pb),
- sélénium (Se),
- zinc (Zn).
Ainsi, dans les métaux suivis en termes d’inventaires des émissions dans l’atmosphère, certains correspondent à la définition de « métal lourd » et d’autres non. Ainsi, le zinc ne peut être qualifié de métal lourd. Il fait partie des métaux contrôlés pour sa toxicité. L’arsenic n’est pas un métal mais un métalloïde (ayant des caractéristiques d’un métal mais aussi des caractéristiques opposées), reconnu très toxique.
Sources
Ces métaux sont présents à l’état de trace de façon naturelle dans les sols, selon leurs caractéristiques géologiques (concentration pédo-géochimique naturelle). Des processus de retombées naturelles d’origine volcanique par exemple, influencent aussi les concentrations. Les activités humaines (qu’elles soient domestiques, industrielles ou agricoles) influencent par ailleurs les concentrations par dépôts des poussières sur les sols et les eaux. L’érosion des sols contribue à remettre en suspension des métaux sous-forme particulaire ou gazeuse.
Effets
Effets sur la santé
Les métaux ont, de façon générale, des effets toxiques sur les êtres vivants, plus ou moins importants. Certains sont cependant des éléments indispensables pour les êtres vivants comme le cuivre, le sélénium, le zinc. Le Cadmium, le mercure et le plomb n’ont pas de telles fonctions et sont toxiques à très faibles doses. Au-delà d’une certaine concentration, la plupart des métaux deviennent toxiques. Certains métaux peuvent être cancérigènes (arsenic par exemple) et dégrader les systèmes immunitaires et reproductifs (mercure par exemple). Il est à noter que les impacts santé sont différents selon la forme chimique sous laquelle le métal se retrouve dans l’environnement. L’impact dépend de leurs concentrations, de leur biodisponibilité et de leur capacité à entrer dans la chaîne alimentaire.
Les références suivantes donnent de bonnes synthèses sur la toxicologie des divers métaux et leurs composés organiques ou inorganiques :
- Le portail substances chimiques de l’INERIS fournit des grandeurs caractéristiques sur les substances chimiques dans les domaines suivants : Ecotoxicologie, Toxicologie, Données Technico-économiques. Par exemple pour le mercure :
https://substances.ineris.fr/fr/substance/1183
- L’INERIS met aussi à disposition un certain nombre de fiches, dans lesquelles il est possible de trouver les substances considérées ci-dessus.
https://substances.ineris.fr/fr/page/21#fictox.
- L’Organisation Mondiale de la Santé est également une source essentielle, pour certains composés : http://www.euro.who.int/fr/publications/abstracts/health-risks-of-heavy-metals-from-long-range-transboundary-air-pollution-2007
- L’INRS et les fiches toxicologiques :
http://www.inrs.fr/publications/bdd/fichetox.html
Effets sur l’environnement
Les métaux ne se dégradent pas mais ils sont présents dans l’environnement sous diverses formes chimiques. Certains peuvent atteindre la chaîne alimentaire, se concentrer, comme le mercure par exemple, et conduire à des voies de contamination par ingestion outre l’inhalation.
Réglementation
En raison de leur toxicité, les métaux lourds sont réglementés mais il n’y a pas de liste homogène tous milieux confondus (notamment dans l’eau et l’air).
Au niveau international, les métaux les plus toxiques sont réglementés : mercure (Hg), plomb (Pb) et cadmium (Cd).
- Sur le plan international, la Convention de Minamata est un traité international visant à protéger la santé humaine et l’environnement contre les effets néfastes du mercure. La Convention rassemble 128 Parties. La Convention de Minamata est entrée en vigueur le 16 août 2017. En juin 2019, 110 Parties l’ont ratifiée (Minamata 2019). La France est Partie prenante de cette Convention.
- Dans le cadre de la Convention LRTAP, sous l’égide de la Commission Économique pour l’Europe des Nations Unies (CEE-NU ou UNECE en anglais), le Protocole sur les métaux lourds (ou Protocole d’Aarhus) a été adopté en 1998. Il cible le cadmium, le plomb et le mercure. Les Parties doivent réduire leurs émissions de ces trois métaux en dessous de leurs niveaux de 1990. Le Protocole vise à réduire les émissions provenant de sources industrielles (industrie sidérurgique, industrie des non ferreux, etc.), de la combustion de combustibles (production d’électricité, transport routier) et d’incinération des déchets… Il fixe des valeurs limites pour les émissions provenant de sources fixes et identifie les meilleures techniques disponibles (BAT) pour ces sources. Il introduit également des mesures pour réduire les émissions de métaux provenant de produits (batteries, appareils de mesure (thermomètres, manomètres, baromètres), lampes fluorescentes, amalgames dentaires, pesticides et peintures, etc.)). Le Protocole a été amendé en 2012 pour introduire de nouvelles prescriptions mais les amendements ne sont pas encore en vigueur (AARHUS 2012).
D’autres Conventions internationales ciblent également les métaux lourds, notamment le mercure, mais dans le compartiment eau : la Convention d’Helsinki de 1992, visant la protection de la mer Baltique, la Convention OSPAR pour la protection du milieu marin de l’Atlantique du Nord de 1992.
En France, les arrêtés relatifs aux installations classées pour l’environnement, tels que l’arrêté du 2 février 1998 modifié et les arrêtés relatifs aux installations de combustion limitent les émissions de nombreux métaux en fixant des Valeurs Limites d’Emissions (VLE) à ne pas dépasser. Les métaux suivants sont concernés : antimoine (Sb), arsenic (As), cadmium (Cd), chrome (Cr), cobalt (Co), cuivre (Cu), étain (Sn), manganèse (Mn), mercure (Hg), nickel (Ni), plomb (Pb), sélénium (Se), tellure (Te), thallium (Tl), vanadium (V) et zinc (Zn), (Arrêté 1998).
Les inventaires d’émissions nationaux réalisés pour satisfaire les exigences de rapportage de la CEE-NU et de la Commission européenne.
Suivi des métaux dans l’air ambiant
Les métaux lourds réglementés en termes de qualité de l’air et faisant l’objet d’un suivi en termes de concentrations dans l’air ambiant, selon la directive 2004/107/CE modifiée, sont les suivants : le mercure, le plomb, le cadmium et l’arsenic. Les autres métaux, peuvent faire l’objet de surveillance locale près des sites industriels ou de campagnes de mesures ponctuelles.
Des mesures de concentrations de métaux sont aussi réalisées par l’observatoire national de Mesure et d’Evaluation en zone rurale de la pollution Atmosphérique à longue distance. Cinq stations de fonds rurales mesurent les quatre métaux ci-dessus. Les données sont reportées chaque année à AirBase (the European Air quality dataBase), à l’EMEP et sont visualisables sur le site EBAS (http://ebas.nilu.no/) (MERA 2019). La référence (AAS 2016), présente la mesure de métaux réalisée dans la zone EMEP.
Concentrations observées dans l’environnement
Les problèmes de pollution de l’air causés par les métaux As, Cd, Pb et Ni, en termes d’air ambiant, sont très localisés. L’Agence de l’Environnement Européenne (AEE 2018) ne relève que peu de concentrations au-dessus des valeurs cibles. Ainsi pour l’arsenic, sur les 678 stations de 28 pays, des dépassements de la valeur cible (6 ng/m3) sont mesurés dans sept stations, à la fois sur des sites industriels et en site urbains de fonds (5 sites en Belgique et 2 en Pologne). Pour le cadmium, sur 698 stations, des dépassements de la valeur cible (5 ng/m3) sont observés à trois stations, en zones suburbaines et industrielles (2 sites en Belgique,) ou en site de fond urbain (1 site en Slovénie). Pour le Ni, sur 679 stations, des dépassements de la valeur cible de 20 ng/m3 sont observés à 2 stations au Royaume-Uni, 1 en Norvège, 1 en France et 1 en Italie. À l’exception d’une station de fond urbaine au Royaume-Uni, les quatre autres stations sont des stations industrielles.
La figure suivante présente les concentrations d’Arsenic mesurées en Europe.
Selon les travaux EMEP, le transport des métaux lourds à longue distance est démontré. Ainsi 60 à 100 % des émissions de Pb et de Cd des pays sont déposés à l’extérieur du pays. Pour le mercure, c’est entre 80 et 100 %. En France, 50% des dépôts de plomb, par exemple, sont d’origine extérieure au territoire (AAS 2016).
AARHUS 2012. Protocole à la Convention sur la pollution atmosphérique transfrontière à longue distance, de 1979, relatif aux métaux lourds. http://www.unece.org/fileadmin/DAM/env/lrtap/full%20text/1998.Heavy.Metals.f.pdf AAS 2016. Aas W. and alls. EMEP Co-operative Programme for Monitoring and Evaluation of the Long-range Transmission of Air Pollutants in Europe. Heavy metals and POP measurements, 2016 AEE 2018 – Agence de l’environnement européenne – Air quality in Europe – 2018 report. N°12. ISBN 978-92-9213-989-6 Arrêté 1998. Arrêté du 02/02/98 relatif aux prélèvements et à la consommation d’eau ainsi qu’aux émissions de toute nature des installations classées pour la protection de l’environnement soumises à autorisation https://aida.ineris.fr/consultation_document/5657 MERA 2019 – https://www.lcsqa.org/fr/actualite/mera-observatoire-national-mesure-evaluation-zone-rurale-pollution-atmospherique-longue-di (site accédé en juin 2019) MINAMATA 2019 – Site de la Convention de Minamata accédé le 5 juillet 2019. http://www.mercuryconvention.org/Accueil/tabid/5576/language/fr-CH/Default.aspx SEIGNEUR 2018 – Seigneur Ch. – Pollution atmosphérique. Concepts, théorie et applications – Edition Belin 2018. Dans la suite des analyses, les fiches ont été consultées : INERIS 2010a. La Rocca b. et autres. Arsenic et ses dérivés inorganiques. INERIS 2010b. Vincent JM. et autres. Mercure et ses dérivés INERIS 2014. Bisson M. et autres. Cadmium et ses dérivés. INERIS 2005a. Bisson M. et autres. Chrome et ses dérivés. INERIS 2005b. Bisson M. et autres. Cuivre et ses dérivés. INERIS 2006. Bisson M. et autres. Nickel et ses dérivés. INERIS 2016. Amara A. et autres. Plomb et ses dérivés. INERIS 2011. Bisson M. et autres. Sélénium et ses dérivés. INRS 2012. Fiche toxicologique du zinc et ses composés minéraux (fiche 75)