COP-29 : bilan total très mitigé surtout sur le nouvel objectif de financement et les suites du Bilan mondial

Par : Mark Tuddenham
Après plus de deux semaines d’intenses négociations, que retenir de la COP-29 ? Que contient l’accord final ? Quels sont les éléments du nouvel objectif collectif pour le financement climat ? Quelle suite a été donnée aux résultats du bilan mondial de Dubaï, et notamment à son engagement phare d’opérer une transition vers la sortie des combustibles fossiles ? Quelles perspectives en vue de la COP-30 ? Pour y voir plus clair, le Citepa, après avoir suivi les avancées des négociations jour après jour (lire notre journal de la COP-29), vous propose cet article de synthèse sur les résultats de la Conférence de Bakou.
Plan de l’article
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Rappel de l’articulation des différents organes de la CCNUCC
Les organes subsidiaires SBSTA et SBI sont des organes techniques mis à disposition de la COP, de la CMP et de la CMA.
Pour une vision détaillée des enjeux de la COP-29, lire notre article. Pour le bilan de la COP-28, lire notre article
Pour l’explication des différents groupes de négociation, voir annexe 3 de notre dossier spécial COP-27.
La COP-29 a été une COP à forts enjeux et surtout une COP charnière pour le sujet qui constitue le « nerf de la guerre » des négociations climat au sein de la CCNUCC : le financement climat. Neuf ans après l’adoption de l’Accord de Paris et à six ans de 2030, la COP-29 est la troisième COP qui n’est pas axée sur la définition ou l’adoption de ses règles de mise en œuvre (Rulebook), après la COP-27 à Charm el-Cheikh (novembre 2022) et la COP-28 à Dubaï (décembre 2023).
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La Présidence de la COP-29
Conformément à la rotation des cinq groupes régionaux de l’ONU, la COP de 2024 a eu lieu en Europe centrale et de l’Est (groupe composé de 23 pays : UE-11 + 12 pays d’Europe orientale, dont l’Azerbaïdjan). La COP-28 avait approuvé via la décision 17/CP.28 la proposition de l’Azerbaïdjan d’accueillir la COP-29.
La Présidence émiratie de la COP-28 a pris fin à l’ouverture de la COP-29. L’Azerbaïdjan détiendra la Présidence jusqu’à l’ouverture de la COP-30 (prévue au 10 novembre 2025).
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Déroulement de la Conférence de Bakou
Déroulement de la Conférence de Bakou
Du 11 au 24 novembre 2024, comme tous les ans, la Conférence de Bakou (Azerbaïdjan) sur le Climat s’est articulée autour de cinq sessions de négociation formelles en parallèle, la COP-29 n’étant qu’une session parmi elle. Néanmoins, il est d’usage de désigner l’ensemble de la Conférence Climat sous le nom de COP. Les cinq sessions formelles, au sein de la CCNUCC, ont été les suivantes :
11 – 16 nov. 2024 : 61èmes sessions des deux organes subsidiaires de la CCNUCC
- organe subsidiaire pour la mise en œuvre (SBI-61) – voir ordre du jour provisoire,
- organe subsidiaire pour le conseil scientifique et technologique (SBSTA-61) – voir ordre du jour provisoire.
11 – 24 nov. 2024 : sessions des trois organes de prise de décision formelle :
- 29e Conférence des Parties à la Convention Climat (COP-29) – voir ordre du jour provisoire,
- 6e Réunion des Parties à l’Accord de Paris (CMA-6) – voir ordre du jour provisoire
- 19e Réunion des Parties au Protocole de Kyoto (CMP-19) – voir ordre du jour provisoire.
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Séquence de haut niveau (Chefs d’Etat et de Gouvernement ; Ministres)
12 – 13 nov. 2024 : 1ère partie du segment de haut niveau, dont le Sommet des dirigeants mondiaux pour l’action climat (World Leaders’ Climate Action Summit) et trois tables rondes (atténuation ; adaptation ; financement),
19 – 20 nov. 2024 : 2e partie du segment de haut niveau, avec la présence des Ministres chargés des négociations internationales sur le climat (selon les Etats : Ministres de l’Environnement, du Climat et de l’Energie, des Affaires étrangères, etc.).
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Les principaux évènements mandatés
Plusieurs évènements et réunions mandatés (mandated events) par une décision de la COP ou de la CMA (de Dubaï, de Charm el-Cheikh ou d’une année antérieure) ont eu lieu à Bakou.
Voir la liste des évènements mandatés prévus au sein de la COP-29
Voir la liste des évènements mandatés prévus au sein de la CMA-6
Voir la liste des évènements mandatés prévus au sein du SBSTA-61
Voir la liste des évènements mandatés prévus au sein du SBI-61.
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Journées thématiques
En dehors des négociations formelles dans le cadre de la COP, de la CMA et de la CMP, la Présidence azerbaïdjanaise a organisé sept journées thématiques qui ont eu lieu pendant la Conférence (comme le font tous les ans les Présidences des COP) :
- 14 nov. : finance, investissements et commerce,
- 15 nov. : énergie, paix, relance,
- 16 nov. : science, technologies et innovation, numérisation,
- 18 nov. : ressources humaines, enfants et jeunesse, santé, éducation,
- 19 nov. : alimentation, agriculture et eau,
- 20 nov. : urbanisation, transports, tourisme,
- 21 nov. : nature et biodiversité, peuples indigènes, égalité des sexes, océans et zones côtières.
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Vue d’ensemble des résultats
Participants
La Conférence de Bakou : la 2e COP avec le plus grand nombre de participants
Le Secrétariat de la CCNUCC a publié le 11 novembre 2024 la liste provisoire des participants à la Conférence de Bakou sur le climat : au total 66 778 participants, dont 33 158 délégués nationaux, 13 386 représentants d’organisations ayant le statut d’observateurs (y compris 9 881 représentants d’ONG, 294 « invités du pays hôte » [Azerbaïdjan]), ainsi que 3 575 journalistes. Par ailleurs, un total de 3 975 personnes se sont inscrites pour participer à distance (via visio-conférence), dont 157 délégués nationaux et 3 818 représentants d’organisations ayant le statut d’observateurs.
Sur la base de ce total provisoire de 66 778 participants à Bakou, la COP-29 serait la 2e COP ayant accueilli le plus grand nombre de participants après le record de la COP-28 à Dubaï (83 884 en présentiel et 2 089 en virtuel, source : CCNUCC, 22 déc. 2023). Viennent ensuite en 3e place la COP-27 (Charm el-Cheikh, nov. 2022, 49 703 participants), puis en 4e place la COP-26 à Glasgow (38 457 participants), en 5e place la COP-21 avec 30 372 participants (Paris, 2015) et en 6e place la COP-15 avec 27 301 participants (Copenhague, 2009) (sources : CCNUCC ; Carbon Brief, 1er déc. 2023). A titre de comparaison, la toute première COP, la COP-1 (Berlin, 1995) a réuni 3 969 participants.
La CCNUCC publiera le nombre définitif de participants à la COP-29 après clôture de la Conférence.
Les plus grandes délégations
Le 12 novembre 2024, le site d’information britannique spécialisé sur le climat, Carbon Brief, a publié une analyse de la taille des différentes délégations à la COP-29 qui se base sur la liste provisoire des participants établie par la CCNUCC et publiée le 11 novembre 2024 (document PDF présentant le total + fichier excel présentant le détail en présentiel et celui présentant le détail en virtuel).
Dans un souci de transparence, pour la 2e fois dans l’histoire des COP (après l’année dernière), chaque participant est désormais nommément cité. Les années précédentes, les listes comportaient une ligne « overflow » par laquelle les Parties et observateurs pouvaient désigner des participants en nombre sans citer nommément ces personnes sur leurs listes officielles.
La délégation la plus importante à la COP-29 est sans surprise celle de l’Azerbaïdjan (2 229 délégués), suivie du Brésil (pays hôte de la COP-30 en novembre 2025, 1 914), de la Turquie (qui a informellement exprimé son souhait d’être le pays hôte de la COP-31 en 2026, 1 862), des Émirats arabes unis (1 011) et de la Chine (969).
Nombre de participants par COP (de la COP-1 à la COP-29)

Source : Carbon Brief, 12 novembre 2024.
Les représentants du secteur des énergies fossiles
Le 15 novembre 2024, l’ONG Global Witness a publié son analyse annuelle du nombre de représentants du secteur de la production des combustibles fossiles s’étant inscrit à la COP-29 et ce, sur la base de la liste officielle provisoire des participants établie par le Secrétariat de la CCNUCC (publiée le 11 nov. 2024). Au total, selon cette analyse, 1 773 représentants (lobbyistes ou non) étaient présents à Bakou, contre 2 456 à la COP-28. Si ces 1 773 représentants devaient constituer une délégation nationale, elle serait la 4e plus grande délégation après celle du pays hôte de la COP-29, l’Azerbaïdjan (2 229), celle du pays hôte de la COP-30, le Brésil (1 914) et celle de la Turquie (1 862). A noter que selon l’analyse 2024 de Global Witness, il y avait plus de représentants du secteur de la production des combustibles fossiles à Bakou que tous les délégués réunis des 10 pays africains les plus vulnérables (au total 1 033)
Durée
Au terme de 12 jours de négociations intenses et tendues, et 35,5 heures après l’heure de clôture officielle (18h vendredi 22 nov. 2024), la COP-29 s’est achevée le 24 novembre 2024 à 5h31 (heure locale à Bakou, soit 2h31 heure française). C’est la 4e COP la plus longue des 29 COP. La COP-25 (2019, Madrid) détient le record de la plus longue COP, avec un dépassement de 44h de l’heure de clôture prévue. La COP-27 (2022, Charm el Cheikh) est la deuxième plus longue, avec un dépassement de 39,5h, suivie de la COP-17 (2011, Durban) avec un dépassement de 36,5h.
(sources : IISD, Carbon Brief, Citepa/Journal de la COP-27 | Jour 15 et Carbon Reporter, 14 nov. 2021)
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Dépassement des COP-1 à 29 au-delà de 18h le jour de leur clôture officielle prévue
Source : Carbon Brief (d’après IISD), 24 nov. 2024.
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Nombre de décisions adoptées
Au total, 49 décisions ont été formellement adoptées lors de la Conférence de Bakou : 21 par la COP-29, 23 par la CMA-6 et 5 par la CMP-19. Voir toutes les décisions adoptées par la COP-29, la CMA-6 et la CMP-19.
Les décisions clés sont les suivantes, dont les trois premiers ont été rassemblées par la Présidence dans un paquet baptisé « Pacte d’unité de Bakou sur le climat » (« Baku Climate Unity Pact) :
- la décision de la CMA-6 sur le nouvel objectif collectif chiffré post-2025 sur le financement climat (qui sera très probablement la décision 1/CMA-6),
- la décision de la CMA-6 sur l’objectif mondial en matière d’adaptation,
- la décision de la CMA-6 sur le programme de travail pour renforcer le niveau d’ambition en matière d’atténuation.
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Les autres décisions clés, par sujet, sont :
Article 6
- recommandations de la CMA sur le mécanisme établi par l’article 6.4 (CMA-6)
- recommandations supplémentaires de la CMA sur le mécanisme art. 6.4 (CMA-6)
- questions relatives aux approches coopératives établies à l’article 6.2 (CMA-6)
Pertes et préjudices
- dispositions entre la COP, la CMA et le conseil d’administration du fonds pertes et préjudices (même texte adopté par la CMA-6 et par la COP-29)
- rapport du fonds pertes et préjudices (même texte adopté par la CMA-6 et par la COP-29)
Financement
- Dialogue de Charm el-Cheikh sur le périmètre de l’article 2.1(c) de l’Accord de Paris (CMA-6)
- financement climat à long terme (COP-29)
Adaptation
Autres
- dates et lieux des prochaines COP (COP-29).
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Les autres décisions sont essentiellement de nature procédurale.
Contrairement à la COP-26 et à la COP-27, Bakou n’a pas abouti à une décision chapeau et ce, sur décision de la Présidence de la COP-29 qui a indiqué : « Nous estimons que les priorités des Parties peuvent et doivent être traitées dans le cadre des points prévus à l’ordre du jour COP-29, à celui de la CMA-6 et à celui de la CMP-19 » (source : lettre de la Présidence de la COP-29, 18 nov. 2024).
A noter enfin que les négociations sur deux sujets clés n’ont pas débouché sur une décision et ce, faute de consensus entre les Parties :
- le dialogue sur la mise en œuvre des résultats du bilan mondial,
- le programme de travail sur la transition juste.
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Résultats des négociations formelles par décision clé
1. Financement climat : nouvel objectif collectif chiffré à partir de 2025 (dit NCQG pour « new collective quantified goal »)
Les points clés de la décision sur le NCQG (1/3) :
[§ 7] la CMA invite tous les acteurs à travailler ensemble pour accroître le financement climat (aux PED pour la mise en oeuvre de l’action climat) provenant de toutes les sources publiques et privées pour atteindre au moins 1 300 Md$/an d’ici 2035 [objectif non contraignant car « invite »] [§ 8] la CMA réaffirme l’article 9 de l’Accord de Paris- 1 : obligation pour les pays industrialisés de fournir un soutien financier
- 3 : ils devraient continuer à être moteurs
- 2 : les PED peuvent le fournir à titre volontaire
- à partir d’un large éventail de sources, publiques et privées, bilatérales et multilatérales, y compris les sources alternatives [taxes internationales (aérien/maritime international, énergies fossiles), marchés carbone].
Pour plusieurs pays en développement, l’accent mis sur les sources alternatives a suscité un fort mécontentement car il déplace la charge de la responsabilité qui incombent aux pays industrialisés de fournir le financement climat vers les pays en développement.
Cette formulation est la même que pour l’objectif des 100 Md$ : « les fonds accordés aux pays en développement peuvent provenir de diverses sources, publiques et privées, bilatérales et multilatérales, y compris d’autres sources de financement » (§ 99 de la décision 1/CP.16)].
[8b] L’action climat à soutenir porte sur les actions concrètes et ambitieuses en matière d’adaptation et d’atténuation [donc l’objectif ne couvre pas les pertes et préjudices malgré la demande des pays en développement]. [8c] La CMA reconnaît l’intention volontaire des Parties de comptabiliser tous les flux sortants des banques multilatérales de développement (BMD) et les financements mobilisés par celles-ci en vue de la réalisation de l’objectif de 300 Md$/an [Donc l’objectif ne cible pas uniquement les pays industrialisés, mais également les grands pays émergents qui contribuent à ces flux sortants et dont les contributions seront désormais comptabilisées. Mais plusieurs pays en développement (Inde en tête) s’y opposaient vigoureusement en raison de la responsabilité historique des pays industrialisés : selon eux, le fait de comptabiliser les flux des BMD attribuables aux PED diluera la responsabilité des pays industrialisés en matière de financement climat]. [§ 9] la CMA invite les pays en développement à apporter des contributions [à la réalisation de l’objectif de 1 300 Md$/an], y compris via les coopérations Sud-Sud, sur une base volontaire. [Les pays en développement n’ont donc pas la même obligation que les pays industrialisés. La décision indique clairement que les contributions volontaires des pays en développement (émergents notamment) seront comptabilisées. Cette disposition de compromis répond en partie à la demande de l’UE d’élargir la base des contributeurs. Mais plusieurs pays en développement (Inde en tête) s’y opposaient vigoureusement au motif qu’elle amoindrira la responsabilité des pays industrialisés en matière de financement climat car si les coopérations Sud-Sud sont compatibilisées, les pays industrialisés pourront en théorie mettre moins d’argent dans le pot commun]. [§ 10] rien aux paragraphes 8-9 a un impact sur le statut de pays en développement ou de pays bénéficiaire d’une Partie [pour apaiser les craintes de la Chine (et d’autres grands pays émergents) que, s’ils contribuent de façon volontaire, ils ne perdent leur statut de pays en développement]. [§ 16] la CMA décide de poursuivre les efforts pour au moins tripler, d’ici 2030 au plus tard, les flux annuels des fonds du mécanisme financier de la CCNUCC (fonds vert pour le climat, fonds d’adaptation, fonds pertes et préjudices) (par rapport aux niveaux de 2022). [§ 17] la CMA affirme que la mise à disposition de ressources financières accrues devrait viser à parvenir à un équilibre entre adaptation et atténuation [hors pertes et préjudices donc]. [§ 27] la CMA décide de lancer, sous le pilotage des Présidences de la CMA-6 et de la CMA-7, la « feuille de route Bakou à Belém vers 1 300 Md$/an » visant à accroître le financement climat pour les pays en développement :- dans leurs trajectoires de développement bas-carbone et résilientes, et
- dans la mise en œuvre de leur NDC
- via des subventions, des instruments concessionnels, des instruments n’induisant pas de dettes et les mesures visant à créer une marge de manœuvre fiscale.
Les Présidences de la CMA-6 et de la CMA-7 sont chargés d’établir un rapport synthétisant ce travail pour la CMA-7
[Il s’agit d’un ajout de dernière minute par la Présidence de la COP-29 sur la base d’une proposition des groupes africain, AOSIS, PMA et AILAC (Amérique latine et Caraïbes) dans le but de définir une trajectoire réaliste vers l’objectif des 1 300 Md$/an.La décision n’établit pas de principes ou d’orientations pour faire avancer les discussions sur ce point crucial].
[§ 36] la CMA décide de faire un bilan périodique de la mise en oeuvre de cette décision dans le cadre du prochain bilan mondial (2028) et de lancer, avant 2035, des discussions sur les prochaines étapes.[
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Structure du NCQG « en oignon » : ses couches intérieure et extérieure
Source : Joe Thwaites, NRDC, 27 nov. 2024
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Les points d’achoppement lors des négociations conduisant à l’adoption de la décision finale :
- le montant (quantum) : après trois ans de négociation et 11 jours de la COP-29, il fallait attendre le vendredi 22 nov. pour qu’un montant concret unique pour l’objectif NCQG et sans crochets soit proposé : 250 Md$/an (texte de la Présidence, version du 22/11/2024@09h00)
- c’était la 6e version du texte depuis le début de la COP-29
- les pays industrialisés n’ont pas avancé de chiffres auparavant : c’était leur stratégie – ils insistaient sur l’importance de se mettre d’accord sur la structure de l’objectif avant de proposer le montant lui-même (contraintes/coupes budgétaires, inflation, plans de rigueur,…)
- vers minuit samedi 23 nov., à la suite d’efforts diplomatiques entre les pays industrialisés et les grands groupes de négociation, un dernier texte a été proposé par la Présidence. Il comportait un objectif central de 300 Md$/an
- qui contribue ?
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- les pays développés souhaitaient élargir la base des pays contributeurs (contributor base) pour inclure les pays à revenu élevé : grands pays émergents (Chine, Corée du Sud, Singapour…) et pays du Golfe,…. dans le cadre d’une approche équitable basée non seulement sur la responsabilité historique, mais aussi sur les capacités financières actuelles des pays
- les pays en développement (grands pays émergents surtout, Chine en tête) s’y opposaient fermement, en soulignant que l’Accord de Paris oblige les pays développés à fournir un financement climat aux pays en développement pour l’atténuation et l’adaptation (§9.1) et à continuer d’être les moteurs du financement climat (§9.3). Il ne fait qu’inviter les pays émergents et en développement à fournir un financement climat et ce, à titre volontaire (§9.2).
- la Chine ne voulait pas perdre son statut de pays en développement qui remonte à 1992,
- cela renvoie à la responsabilité historique des pays industrialisés,
- les grands pays émergents ne souhaitaient pas voir brouiller la distinction entre les deux catégories.
- quelles sources de financement ?
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- pays en développement : axer l’objectif sur le financement public international
- pays développés : en plus du financement public international, il faut élargir la base des sources contributrices pour inclure le secteur privé, le financement philanthropique, le financement issu de la réforme des banques multilatérales de développement, et les taxes mondiales (transport aérien et maritime international, énergies fossiles, transactions financières, superprofits…) afin de lever des ressources financières nouvelles et innovantes
- qualité du financement fourni : soutien financier apporté sous forme de dons (subventions) plutôt que des prêts ? Quelle sera la part de ces deux types de financement ? Les pays en développement (PMA et AOSIS en tête) et les ONG insistent sur l’importance de privilégier la 1ère option pour ne pas alourdir davantage le fardeau de la dette des pays bénéficiaires : la qualité du financement a un impact sur l’accès, le coût et l’endettement
- quel volet de l’action climat financer ?
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- pays en développement : atténuation, adaptation et un sous-objectif formel pour les pertes et préjudices
- pays développés : atténuation et adaptation – le financement des pertes et préjudices ne relève pas du mandat du NCQG
- période cible : « d’ici 2035 », c’est-à-dire que le financement climat devra augmenter progressivement sur les 10 prochaines années pour atteindre l’objectif des 300 Md$/an alors que les pays en développement avaient demandé que le financement climat atteigne un montant plus élevé que 100 Md$ dès 2025.
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Les lacunes et insuffisances de l’objectif de financement de 300 Md$/an d’ici 2035
Sur le papier, il s’agit d’un triplement de l’objectif précédent de 100 Md$/an mais moins d’un quart du montant préconisé par les pays en développement (1 300 Md$). Si l’on ajuste l’objectif de 100 Md$ pour prendre en compte l’inflation moyenne annuelle depuis 2009, il équivaudrait à 147 Md$ en valeur d’aujourd’hui, selon le calculateur de l’inflation CPI (consulté 02/12/24) soit non pas un triplement, mais un doublement :
Source : CPI Inflation Calculator, 2 déc. 2024
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Sur la base d’un taux d’inflation projeté de 2,5% sur la période 2025-2035, le nouvel objectif de 300 Md$/an d’ici 2035 vaudrait 394Md$/an en 2035 :
Source : SmartAsset, Inflation Calculator, 3 déc. 2024
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L’objectif des 300 Md$/an d’ici 2035 n’est pas assorti d’une clause de revoyure pour prendre en compte l’inflation.
Le montant de 300 Md$/an au regard des besoins réels (1 000 Md$/an d’ici 2030 et 1 300 Md$/an d’ici 2035, d’après le dernier rapport Stern) est une goutte dans l’océan, et représente le plus petit dénominateur commun.
« Provenant de sources publiques et privées » : cet élément ne comporte pas d’objectif spécifique pour le financement public des Etats (part en %) malgré les nombreuses demandes en ce sens par les pays en développement.
Il n’y a pas non plus de sous-objectif spécifique pour l’adaptation [NB. l’écart entre les besoins réels en matière d’adaptation et le financement fourni pour l’adaptation est compris entre 187 et 359 Md$/an, source : PNUE, Adaptation Gap Report, 7 nov. 2024).
Il n’y a pas de sous-objectif spécifique pour les pertes et préjudices.
Il n’y a pas d’objectif en termes de qualité du financement à fournir (part en % de dons/subventions par rapport aux prêts).
Il n’y a pas de planchers d’allocation pour les pays les moins avancés (PMA) et les petits États insulaires en développement (PEID). A noter que la 4e version du projet de texte de décision (version du 16 nov. 2024 @15h30), article 46, sous-option n°4), dans le cadre de l’objectif central (financement public fourni par les Etats), spécifiait des montants concrets à fournir spécifiquement aux PEID/PMA :
- « la CMA décide que les pays développés fournissent conjointement au moins 900 Md$ en financements climat nouveaux, additionnels, prévisibles et adéquats (en subventions) par an ; et décide que, dans le cadre de cet objectif, il y aura des planchers d’allocation respectifs pour les PMA et les PEID d’au moins 220 Md$/an pour les PMA et d’au moins 39 Md$/an pour les PEID » ;
- le groupe africain s’y opposait. Selon Ali Mohamed, président du groupe africain : “We need equitable access for all developing countries. Cherry-picking certain groups won’t solve the global climate crisis” (source : Carbon Credits, 25 nov. 2024) ;
- la 3e version de ce projet de texte (version 15/11/2024 @18h30, 25 pages) prévoyait une part d’au moins 20% de l’objectif central du NCQG devant transiter via les fonds du mécanisme financier de la CCNUCC (fonds vert pour le climat, fonds d’adaptation, fonds pertes et préjudices) [§ 67]. Dans la version finale, ce chiffre de 20% a été supprimé, affaiblissant la portée du paragraphe : [§ 16] « la CMA décide qu’un montant important de ressources publiques devrait être fourni via les entités opérationnelles du mécanisme financier, du fonds d’adaptation, du fonds pour les pays les moins avancés, du fonds spécial pour le changement climatique et d’autres mécanismes pertinents,…. ».
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2. Bilan mondial (1) : décision sur le dialogue sur la mise en œuvre des résultats du GST
L’enjeu n°2 de la COP-29 (ou plutôt de la CMA-6) était de déterminer quelles suites donner aux résultats du bilan mondial (Global Stocktake ou GST – décision 1/CMA.5 qui a constitué la décision phare de Dubaï). Cette décision a prévu plusieurs éléments auxquels il fallait donner suite dans le cadre du GST.
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Les négociations
Les deux paragraphes 97 et 98 ont été placés dans la section consacrée au financement dans la décision 1/CMA.5 adoptée à Dubaï (partie I de la section C de la décision 1/CMA.5 consacrée aux moyens de mise en œuvre et soutien financement). Ce choix d’emplacement a engendré un débat vif à Bakou sur la portée de ce nouveau dialogue :
- s’agit-il de la mise à disposition de financements pour mettre en œuvre le bilan mondial ?
- ou s’agit-il de suivre la mise en œuvre des engagements de la décision 1/CMA de manière plus large ?
Les négociations sur ce volet clé ont surtout fait ressortir de fortes divergences d’opinion des Parties sur les suites à donner à l’objectif 28(d) « transition vers la sortie des combustibles fossiles » : fallait-il faire avancer cet engagement phare, voire historique pris à Dubaï ? ou pas ? Et si oui, comment le faire ? Et où le faire ? – dans quel volet des négociations fallait-il faire avancer les discussions ? En fait, il y avait quatre espaces possibles :
- dans le cadre du dialogue des Emirats sur les résultats du bilan mondial (GST) ;
- dans le cadre du programme de travail sur l’atténuation (MWP), établi en 2021 (CMA-3) et dont les discussions piétinent car trop embourbées dans les questions procédurales et pas axées sur le fond (réduction des émissions) ;
- dans le cadre du programme de travail sur la transition juste (JTWP), établi en 2022 (CMA-4) ou
- dans le cadre d’une décision « chapeau » (« cover decision ») mais le 18 nov. 2024, le Président de la COP-29 a indiqué qu’il n’avait pas l’intention d’en élaborer une au motif que « les priorités des Parties peuvent et devraient être traitées dans le cadre des sujets inscrits à l’ordre du jour de la COP-29, de la CMA-6 et de la CMP-19 ».
Position des pays industrialisés et les pays en développement vulnérables (PEID, PMA)
Selon ces groupes de pays, le but du dialogue sur les résultats du GST devrait être de mettre en œuvre tous les mandats de la décision 1/CMA.5 afin de garder l’objectif +1,5°C « à portée de main ». C’était surtout la position de l’UE, mais lors la 5e séance plénière conjointe COP-29/CMA-6/CMP-19, le 18 nov. 2024, des groupes de négociation représentant plus de 125 Parties ont appelé les délégués à parvenir à donner des suites concrètes, solides et ambitieuses aux résultats du bilan mondial (source : Carbon Brief, 24 nov. 2024). Pour ces 125 Parties, pour éviter tout recul de l’ambition sur les acquis du GST, il était impératif de confirmer et réitérer l’objectif 28(d), l’ancrer dans le cadre du dialogue sur les résultats du GST ou dans le programme de travail MWP, et suivre sa mise en œuvre (les progrès réalisés par les Parties).
Position du groupe de négociation LMDC (Chine, Inde et Arabie saoudite en tête)
Ce groupe insistait sur le fait que le dialogue sur les résultats du bilan mondial devrait uniquement être axé sur le financement, comme la mise en place de ce dialogue a été placé dans la section consacrée au financement dans la décision 1/CMA.5 adoptée à Dubaï. En clair, discuter de ce sujet ne relève pas du mandat du programme MWP.
Position intransigeante de l’Arabie saoudite (au nom du groupe arabe)
Le 21 nov. 2024, Albara Tawfiq, le délégué saoudien, a déclaré ouvertement, lors de la session plénière au cours de laquelle les pays ont fait part de leurs nombreuses objections aux dernières versions des projets de texte sur la table « Le groupe arabe n’acceptera aucun texte ciblant des secteurs spécifiques, y compris les combustibles fossiles ». Il a ajouté qu’une telle approche « ne relève pas du mandat [du dialogue sur les résultats du bilan mondial ou du programme de travail sur l’atténuation, MWP] et est inacceptable » (source : Climate Home News, 22 nov. 2024). A noter que cette prise de position n’était pas nouvelle : cela fait plusieurs années que ce pays a adopté une position intransigeante sur la question des combustibles fossiles, hostile à toute mention dans les décisions de la COP/CMA.
Réaction du Canada
Catherine McKenna, ancienne Ministre du Climat du Canada et Présidente du groupe d’experts de haut niveau sur les engagements zéro émission nette des acteurs non-étatiques, a déclaré : « J’en ai tellement marre de l’opposition de l’Arabie saoudite à toute idée de transition vers l’abandon des combustibles fossiles ». « Nous sommes dans une crise climatique liée aux combustibles fossiles. S’il vous plaît, allez-y fort à la #COP29 et faites qu’elle réussisse ».
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Les résultats
La 7e et dernière version du projet de décision sur le GST (version du 22/11/2024 @13h30, 6 pages) n’a pas été adoptée faute de consensus. Les négociations sur ce sujet ont ainsi été renvoyées aux sessions des SB-62 en juin 2025. Cet échec de Bakou à donner des suites concrètes au paquet sur la transition énergétique de Dubaï n’est pas à attribuer à un déficit d’idées (voir compilation des éléments sur les énergies/combustibles fossiles contenus dans les différentes versions des projets de texte sur le GST, le MWP et le JTWP, source : Natalie Jones, IISD, 27 nov. 2024), ni à un nombre insuffisant de pays qui soutenait cette question – il n’y aurait rien eu du tout sur ce sujet dans les projets de texte si plusieurs pays moteurs n’avaient pas défendu cette cause dans les négociations.
L’échec est plutôt dû au rôle joué par les pays intransigeants qui ont bloqué tout avancement sur ce sujet : l’Arabie saoudite en tête.
Par ailleurs, l’atténuation et la transition énergétique sont intrinsèquement liées au financement : un accord plus que mitigé sur le NCQG a sans doute eu un impact néfaste sur le résultat obtenu sur l’atténuation.
Au bout du compte, selon plusieurs observateurs, il valait mieux qu’aucune décision sur le dialogue GST n’ait été adoptée : aucun accord sur ce sujet crucial vaut mieux qu’un mauvais accord ou un accord peu ambitieux. Quoi qu’il en soit, la 7e version du projet de décision sur le GST avait été fortement diluée par rapport aux versions précédentes.
Aucune décision sur le GST à Bakou signifie qu’il n’y a pas de mécanisme ou processus établi pour faire avancer et suivre la mise en œuvre de la décision 1/CMA.5. Tous les yeux seront désormais rivés sur 2025 pour faire avancer les négociations sur la transition énergétique, d’abord à Bonn en juin, puis à Belém en novembre.
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3. Bilan mondial (2) : décision sur l’amélioration à apporter sur la forme du processus GST ?
Conformément au paragraphe 192 de la décision de Dubaï (décision 1/CMA.5 – voir encadré plus haut), les négociations ont porté sur la question de savoir comment améliorer la procédure et la logistique du processus du bilan mondial dans son ensemble et ce, sur la base de l’expérience acquise à partir du premier bilan mondial (2023).
Il y a eu au total six versions de la note informelle : 6e version, 23/11/2024@18h30, 5e version, 21/11/2024@17h30, (4e version,19/11/2024@13h30, 3e version 16/11/2024@6h00, 2e version, 16/11/2024@02h00 et 1ère version 15/11/2024@09h30. Les négociations ont fait ressortir une question clé très clivante : la CMA-6 devrait-elle ou non inviter le Giec à aligner ses travaux (et surtout son AR7) avec le cycle quinquennal des bilans mondiaux (dont le 2e est prévu en 2028), car si non, il y a de fortes chances que l’AR7 soit publié trop tard pour éclairer le GST-2 (et peser sur les négociations). Cette question a fait l’objet de discussions très tendues lors de la 60e et de la 61e session plénière du Giec (lire notre article).
En raison d’un manque de consensus entre les Parties, les négociations sur ce sujet ont été renvoyées aux sessions SB-62 (juin 2025).
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4. Article 6 : décisions sur les mécanismes fondés sur le marché (articles 6.2 et 6.4)
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A Bakou, trois décisions ont été adoptées sur l’article 6. Ainsi, neuf ans après l’adoption de l’Accord de Paris et six ans après l’adoption de la quasi-totalité de ses règles de mise en œuvre (Paris Rulebook), les règles de mise en œuvre de l’article 6 ont été finalisées une fois pour toutes à Bakou.
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Décisions sur l’article 6.4
Le 11 nov. 2024, le premier jour de la CMA-6, le Président de la COP-29 a présenté sa proposition de projet de décision établissant les recommandations (guidance) concernant le mécanisme article 6.4. Ce projet de décision renvoyait directement aux normes adoptées par l’organe de supervision de l’article 6.4 (Art. 6.4 Supervisory Body ou SBM) lors de sa 14e réunion (5-9 oct. 2024 à Bakou). Cet organe technique a été créé par la décision 3/CMA.3 sur les règles, modalités et procédures applicables au mécanisme article 6.4 (adoptée lors de la CMA-3 à Glasgow, 2021).
Les normes adoptées par le SBM (ces deux normes sont entrées en vigueur le 9 octobre 2024) portent sur :
- les exigences s’appliquant aux activités liées aux absorptions de CO2 au titre du mécanisme de l’art. 6.4 ;
- les exigences pour l’élaboration et l’évaluation des méthodologies au titre du mécanisme de l’art. 6.4.
Le projet de décision a été adopté par la CMA-6 lors de la plénière d’ouverture de la CMA-6 sans remise en cause, sans blocage, sans réouverture à la négociation (décision adoptée).
Si la CMA-6 a approuvé les deux normes adoptées par l’organe de supervision de l’article 6.4, elle lui impose l’obligation de rendre compte à la CMA des progrès réalisés dans l’application de ces normes. La CMA-6 rappelle également à l’organe de supervision qu’il supervise le mécanisme de l’article 6.4 sous l’autorité de la CMA et qu’il est pleinement responsable devant la CMA.
Une 2e décision sur l’article 6.4 a été adoptée : recommandations supplémentaires sur le mécanisme article 6.4. Pour la première fois depuis 2013, un marché mondial basé sur des règles internationales communes va être mis en place. La CMA-6 a formellement validé le Sustainable Development Tool (SD Tool), outil dont l’objectif est de veiller à ce que les projets qui seront menés au titre de l’article 6.4 favorisent le développement durable et n’induisent pas d’impacts socio-environnementaux négatifs (mesures de protection sociale et environnementale).
Les activités de projet sur le boisement et le reboisement enregistrées au titre du mécanisme pour le développement propre (MDP, art. 12 du Protocole de Kyoto) peuvent être intégrées dans le PACM sous certaines conditions.
A noter que les travaux de l’organe de supervision continueront : avant l’achat ou la vente de crédits d’émission dans le cadre du mécanisme article 6.4, cet organe doit approuver les méthodologies pour des catégories d’activités de réduction d’émissions et approuver les demandes d’enregistrement des projets soumises par les porteurs de projets. Les premières méthodologies applicables aux catégories d’activités de réduction pourraient être approuvées au 2e semestre 2025 grâce à l’adoption des deux normes.
Enfin, la CMA-6 encourage l’organe de supervision à accélérer ses travaux sur de nouvelles normes, de nouveaux outils et de nouvelles recommandations concernant les niveaux de référence, l’ajustement à la baisse, l’additionnalité, et les fuites, ainsi que la non-permanence des absorptions et le risque de relargage du CO2 absorbé.
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La décision définit un processus visant à identifier, à déclarer et à corriger les incohérences dans les informations fournies par les Parties après les échanges d’ITMO.
Par ailleurs, la décision vise à renforcer la transparence des informations rapportées. La question clivante portait sur les clauses de confidentialité des informations rapportées par les Parties après les échanges d’ITMO, qui empêcheraient la vérification de ces informations. Les négociations ont fait ressortir des divergences fortes entre, d’une part, des règles robustes avec vérification renforcée (soutenues par l’UE, les pays africains et latino-américains) et, d’autre part, une approche minimaliste et basique (« light-touch, no frills ») s’appuyant sur le marché volontaire, défendue ardemment par les Etats-Unis. La décision finale demande aux Parties qui participent aux échanges au titre de l’article 6.2 d’intégrer les éléments indiqués à l’annexe I de la décision lorsqu’elles soumettent des informations après les échanges d’ITMO.
Selon l’analyse du centre de réflexion Carbon Market Watch, la décision finale sur l’article 6.2 comporte des obligations positives en matière de transparence mais d’importantes lacunes demeurent. Par exemple, il se peut que les informations précisant l’approbation formelle, par les Etats, des crédits d’émission, et des informations complémentaires (risque de relargage du CO2 des puits,…) soient mises à disposition bien des années après la délivrance des crédits d’émission.
Enfin, la décision établit un « système de registre à double couche » dans lequel le registre international constituera une « couche de comptabilisation » pour le suivi des crédits d’émissions (unités). Le Secrétariat de la CCNUCC fournira un service facultatif (en dehors du registre) pour les pays ne disposant pas de registre national : délivrance, transfert et détention d’unités qui soient interopérables dans le registre international. Le registre international n’aurait pas de fonction d’émettre des unités
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5. Pertes et préjudices (Loss and Damage ou L&D)
Décision sur l’opérationnalisation du nouveau fonds spécifique pour les pertes et préjudices
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Résultats à Bakou
Deux décisions ont été adoptées à Bakou visant à opérationnaliser le fonds pertes et préjudices : dispositions entre la COP, la CMA et le conseil d’administration du fonds pertes et préjudices. Il s’agit en fait du même texte adopté à la fois par la CMA-6 et par la COP-29. Ainsi, les modalités de fonctionnement et la structure de gouvernance sont formellement adoptées. L’adoption de ces deux décisions marque le lancement de l’opérationnalisation du fonds et renforce le principe de justice climatique : le fonds devrait verser ses premiers financements en 2025.
Autres discussions sur le sujet pertes et préjudices
La question la plus épineuse sur le sujet pertes et préjudices qui a fait l’objet de négociations à Bakou était de savoir si le nouvel objectif collectif chiffré sur le financement climat post-2025 (NCQG) devait également porter sur les pertes et préjudices, en intégrant un sous-objectif visant spécifiquement ce volet. Malgré les demandes en ce sens des pays en développement, les Parties ont fini par se mettre d’accord de ne pas inclure les pertes et préjudices dans le NCQG. La décision finale sur le NCQG cite les pertes et préjudices 3 fois mais ne fait que reconnaître :
- le besoin de fournir des ressources publiques sous forme de subventions, notamment pour les pertes et préjudices, dans les pays en développement particulièrement vulnérables (petits Etats insulaires et PMA [§ 14] ;
- les lacunes importantes qui subsistent dans la réponse aux pertes et préjudices, ainsi qu’aux pertes économiques et non économiques qui en découlent et reconnaît la nécessité d’une action et d’un soutien urgents et renforcés pour éviter, minimiser et traiter les pertes et préjudices [§ 19].
A noter enfin que le groupe G77-Chine a appelé à la publication régulière d’un Gap Report sur les pertes et préjudices à l’instar des Gap Reports du PNUE sur les émissions et l’adaptation mais les pays industrialisés étaient réticents à soutenir cet appel.
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6. Atténuation
Décision sur le programme de travail pour renforcer l’ambition et la mise en œuvre en matière d’atténuation
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Résultats
Bakou a vu de vifs débats sur les résultats attendus des travaux du MWP : devraient-ils
- aboutir à des résultats concrets ou simplement procéduraux ?
- s’articuler avec les résultats du bilan mondial adoptés à Dubaï (décision 1/CMA.5) et avec les NDC ?
- envoyer des messages politiques de haut niveau ?
La principale pomme de discorde était la question de savoir si le MWP devrait inclure des actions de réduction (transition vers la sortie des fossiles). Pour les pays industrialisés, il était essentiel de lier le MWP au bilan mondial et aux NDC alors que pour les groupes LMDC et arabe, l’intégration du bilan mondial ou des NDC dans le MWP était une ligne rouge. A la fin de la 1ère semaine, il n’y a pas eu de consensus sur la note informelle (version du 15 nov. 2024@17h00, 10 p.) établie par les co-facilitateurs sur la base des négociations. Cette note a repris les deux engagements phares sur les combustibles fossiles, établis dans les paragraphes 28(d) [transition vers la sortie des fossiles] et 28(h) [élimination progressive des subventions aux fossiles] de la décision 1/CMA.5 sur les résultats du bilan mondial (adoptée à Dubaï).
Les groupes LMDC, arabe et africain ont rejeté la note, soutenant qu’elle dépassait le mandat du MWP. Le 16 nov., une coalition de pays industrialisés, de petits États insulaires, de pays les moins avancés et de certains pays d’Amérique latine souhaitait discuter de la question de savoir comment faire avancer ces deux engagements dans le cadre du MWP. Lors de la plénière de clôture des SB, plusieurs Parties (Arabie saoudite, groupe LMDC, Iran, Inde,…) se sont vigoureusement opposées à cette proposition. En raison de ce clivage de positions sur le mandat du MWP, ses deux co-Présidents ont proposé de ne pas poursuivre les négociations pendant la 2e semaine, mais de les reporter aux sessions SB-62 à Bonn (juin 2025), ce qui aurait signifié que tous les travaux de la 1ère semaine n’auraient pas été pris en compte.
Au début de la 2e semaine, le 18 nov., lors d’une session plénière, plusieurs pays ont exprimé leur grande déception quant à l’état d’avancement des négociations sur l’atténuation et ils ont refusé de reporter les discussions à juin 2025. Certaines Parties (dont l’Australie) ont implicitement critiqué l’Arabie saoudite qui cherchait constamment à bloquer tout progrès sur la mise en œuvre de l’objectif de la transition vers la sortie des combustibles fossiles. Le Président de la COP-29 a donc décidé de ressusciter les négociations sur le MWP pour la 2e semaine, en nommant deux Ministres (Norvège et Afrique du Sud) pour piloter les consultations politiques sur la démarche à suivre sur ce volet. Ce n’est que l’avant-dernier jour de la COP-29 (le 21 nov.) que la 1ère version du projet de texte de négociation a été proposée par la Présidence (version du 21/11/2024 @03h00 – ramenée à trois pages par rapport à 10 que contenait la note informelle du 15 nov.) sur la base d’éléments de texte soumis par les co-facilitateurs des consultations politiques. Les deux engagements sur les combustibles fossiles établis dans la note informelle du 15 nov. ont été supprimés. Cette 1ère version projet de texte ne comportait aucune articulation avec les résultats du bilan mondial. Il a été vivement critiqué par les pays industrialisés : l’envoyée spéciale de l’Allemagne pour le climat, Jennifer Morgan, l’a ainsi qualifié de « recul majeur » (« A big step back », source : Climate Home News, 27 nov. 2024).
Le 22 nov., une 2e version du projet de texte de négociation a été publiée (version du 22/11/2024 @11h30). Les trois références à l’objectif +1,5°C inscrites dans le préambule de la 1ère version ont été supprimées, ce qui excluait donc la possibilité d’envoyer des messages politiques forts sur le processus de mise à jour des NDC. Cette 2e version ne comportait pas non plus de référence aux engagements sur les combustibles fossiles, ni de langage concret et spécifique sur les mesures de réduction nécessaires. Elle était essentiellement axée sur les éléments de procédure, notamment les dialogues menés dans le cadre du MWP. C’est ce texte qui a été adopté en décision finale.
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7. Adaptation : décision sur l’objectif mondial en matière d’adaptation
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Résultats
A Bakou, les négociations se sont poursuivies pour définir et approuver les modalités de mise en œuvre du programme de travail Emirats-Belém (2025-2026) pour que les Parties puissent démarrer début 2025 les discussions techniques de fond. Ces négociations ont fait ressortir de fortes divergences d’opinion entre les pays industrialisés et les pays en développement (surtout les pays africains) sur la question de savoir s’il fallait définir des indicateurs sur les moyens de mise en œuvre (means of implementation [MOI] : soutien financier, transfert de technologies et renforcement des capacités) pour évaluer le GGA. Les pays industrialisés voulaient affaiblir la formulation dans le projet de décision et l’UE était carrément contre l’inclusion de la mention des MOI. Le sujet clivant du financement de l’adaptation s’est donc imposé une nouvelle fois dans les négociations, et surtout la question de savoir comment combler l’écart entre le financement fourni par les pays industrialisés pour l’adaptation (28 Md$ en 2022) et les besoins réels en matière de financement de l’adaptation (estimés dans une fourchette comprise entre 187 et 359 Md$ sur 2021-2030 (source : PNUE, Adaptation Gap Report 2024, 7 nov. 2024 p.49).
Par ailleurs, ont fait l’objet de divergences d’opinion :
- la question de savoir s’il fallait inscrire le sujet du GGA à l’ordre du jour de la CMA en tant que sujet permanent ;
- le rôle de l’adaptation transformationnelle (actions visant à s’adapter au changement climatique et induisant des changements significatifs dans la structure ou la fonction qui vont au-delà de la modification des pratiques existantes (transformations sociétales profondes et à long terme, source : Giec, non daté).
Plusieurs pays africains se sont opposés à l’intégration de ce concept dans le projet de décision au motif que cela pourrait créer des obstacles, en rendant plus difficile leur accès au financement de l’adaptation. Cela est notamment dû à l’absence de lignes directrices officielles pour l’adaptation transformationnelle et la présentation très tardive d’un document technique (« Définir et comprendre l’adaptation transformationnelle à différentes échelles spatiales ») élaboré par le Secrétariat de la CCNUCC et publié le 5 nov. 2024, soit six jours avant l’ouverture de Bakou.
L’ensemble de ces divergences a conduit à un véritable blocage des négociations mais les Parties ont fini par se mettre d’accord pour adopter la décision. En, vertu de celle-ci, le résultat final du programme de travail EAU-Belém (2025-2026) devrait évaluer les progrès accomplis dans la réalisation des sept objectifs thématiques et des quatre objectifs de gouvernance fixes par les paragraphes 9 et 10 de la décision 2/CMA.5 [§ 19]. Il devrait également inclure un ensemble de 100 indicateurs au maximum pouvant s’appliquer à l’échelle planétaire en vue d’éclairer une analyse des tendances mondiales [§ 20]. Aucun indicateur n’a été adopté sur les moyens de mise en œuvre pour l’évaluation du GGA.
Les co-Présidents du SBSTA/SBI sont priés de démarrer leurs travaux d’amélioration et d’affinement des indicateurs, en traitant les lacunes et en élaborant de nouveaux indicateurs si besoin, avec l’aide d’experts techniques [§ 26(a)].
La CMA-6 confirme que le GGA devient un sujet permanent inscrit à l’ordre du jour des futures sessions tant des SB que de la CMA [§ 28], ce qui constitue une avancée très importante, notamment pour les pays africains.
La CMA-6 lance la feuille de route Bakou-Belém sur l’adaptation (Baku-Belém Adaptation Roadmap) avec pour mandat de faire avancer les progrès sur la réalisation de l’objectif mondial sur l’adaptation [§ 29]. Les SB sont priés d’élaborer des modalités de travail de la feuille de route [aucune précision sur un quelconque calendrier] [§ 29].
La CMA-6 établit le dialogue de haut niveau sur l’adaptation (high-level dialogue on adaptation) qui doit se réunir à chaque session de la CMA, à convoquer conjointement par la Présidence de la session de la CMA en question et par celle de la Présidence de la session précédente [§ 30]. Son mandat est d’identifier comment améliorer la mise en œuvre du cadre des EAU pour la résilience climatique mondiale.
La CMA-6 décide de réaliser une évaluation du cadre des Emirats pour la résilience climatique mondiale après le 2e bilan mondial (fin 2028) ;
la CMA-6 reconnaît que les approches tant incrémentales que transformationnelles vis-à-vis de l’adaptation sont essentielles [§ 40].
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Résultats des négociations formelles par décision clé
1. Séquence de haut niveau (High Level Segment ou HLS) : Chefs d’Etat et de Gouvernement
12 – 13 nov. 2024 : 1ère partie de la séquence de haut niveau et le sommet des dirigeants mondiaux pour l’action climat
Au cours de la 1ère partie de la séquence de haut niveau, les Chefs d’Etat et de Gouvernement de 77 Parties à la CCNUCC (sur les 197) ont prononcé leur allocution nationale. Au total, 48 sont passés le 12 nov. et 29 le 13 nov. (voir liste des dirigeants et leurs allocutions du 12 nov. et du 13 déc. 2024).
Même si la COP-29 était une COP charnière, surtout concernant l’enjeu prioritaire de fixer un nouvel objectif collectif chiffré pour le financement climat à partir de 2025, les dirigeants mondiaux lui ont accordé un profil politique plus faible que celui de la COP-27 et de la COP-28, à en juger par le nombre plus faible de Chefs d’Etat et de Gouvernement qui ont répondu présent à la séquence de haut niveau à Bakou (77 donc, contre 137 présents lors de la COP-28 à Dubaï en déc. 2023 et 100 lors de la COP-27 à Charm el-Cheikh en nov. 2022).
A noter l’absence des dirigeants des deux premiers pays émetteurs au monde : le Président Xi Jinping de la Chine et le Président Joe Biden des Etats-Unis. Ont également été absents : les Premiers Ministres du Canada (Justin Trudeau), de l’Australie (Anthony Albanese), du Japon (Shigeru Ishiba), de l’Inde (Narendra Modi), des Pays-Bas (Dick Schoof), le Président de la République (une première depuis sa non-venue à la COP-25, à Madrid en 2019, et ce, en raison des tensions diplomatiques entre la France et l’Azerbaïdjan), les Présidents d’Afrique du Sud (Cyril Ramaphosa), de l’Indonésie, Prabowo Subianto (6e pays émetteur de GES, source : ClimateWatch/WRI), la Présidente de la Commission européenne (Ursula von der Leyen), et le chancelier allemand (Olaf Scholz).
Sur les 20 membres du groupe de pays G20 (19 pays + l’UE dans son ensemble), seuls les dirigeants de quatre pays (Brésil, Italie, Royaume-Uni et Turquie) et l’UE, soit un quart, participent à la séquence de haut niveau, alors que l’ensemble des pays du G20 représentent 77% des émissions de GES en 2023 (source : PNUE, Emissions Gap Report 2024, 26 oct. 2024, p.V).
L’objet de cette séquence de haut niveau, avec la présence de ces dirigeants mondiaux, était surtout de donner une forte impulsion politique avant le lancement des négociations sur les différents sujets à l’ordre du jour de la COP-29, de la CMA-6, de la CMP-19, du SBI-61 et du SBSTA-61.
Voir programme de la séquence de haut niveau les 12 et 13 novembre 2024
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Le sommet des dirigeants mondiaux pour l’action climat (World Leaders’ Climate Action Summit ou WCAS), organisé à l’initiative de la Présidence azerbaïdjanaise, s’est déroulé également sur les deux jours parallèlement à la séquence de haut niveau.
Voir programme du Sommet des dirigeants mondiaux pour l’action climat, les 12 et 13 novembre 2024
Voir les modalités de déroulement de ce Sommet
Dans le cadre du Sommet, trois tables rondes ont eu lieu :
- table ronde sur l’énergie : faire avancer l’action sur l’atténuation (mardi 12 nov.) – voir note de cadrage;
- table ronde sur la mobilisation du financement pour le climat (mardi 12 nov.) – voir note de cadrage;
- table ronde sur la traduction de l’ambition en action : accroître le financement de l’adaptation pour atteindre l’objectif mondial sur l’adaptation (mercredi 13 nov.) – voir note de cadrage.
Par ailleurs, toujours dans le cadre de la séquence de haut niveau, une série de grands évènements de haut niveau (High-Level Special Events) aura lieu, parmi lesquels :
- Sommet de la COP-29 sur le méthane et les autres GES hors CO2 (12 nov. 2024),
- Sommet des dirigeants des petits Etats insulaires sur le climat (13 nov. 2024).
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19 – 20 nov. 2024 : 2e partie de la séquence de haut niveau
Avec la participation de 95 Parties (54 mardi 19 nov. et 41 mercredi 20 nov.) dont le Chef d’Etat ou de Gouvernement n’avait pas prononcé d’allocution nationale pendant la 1ère partie de la séquence de haut niveau. Voir liste finale des Parties participantes et leurs allocutions le 19 nov. et le 20 nov.
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2. Annonces et déclarations volontaires (hors financement)
La 1ère partie de la séquence de haut niveau a vu quelques annonces et déclarations volontaires (non contraignantes donc) de la part de certains Etats sous plusieurs formes :
- engagements climat-énergie,
- lancement de coalitions,
- financement.
A noter néanmoins qu’à la COP-29, beaucoup moins d’initiatives ont été annoncées que ces dernières années (COP-26, COP-27 et COP-28). Les principales initiatives annoncées sont les suivantes :
- Engagement mondial pour le stockage d’énergie et les réseaux de distribution d’énergie (Global Energy Storage and Grids Pledge), lancé à l’initiative de la Présidence de la COP-29 ;
- Déclaration sur la réduction de méthane provenant des déchets organiques (Declaration on Reducing Methane from Organic Waste) à l’initiative de la Présidence de la COP-29 ;
- Coalition pour les taxes de solidarité (Coalition for Solidarity Levies), lancée par le groupe de travail sur la taxation mondiale pour la solidarité (Global Solidarity Levies Task Force).
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3. Annonces en matière de financement
10 Parties ont annoncé des engagements les 14 et 19 nov. 2024 (en $US) :
- région de Wallonie (Belgique) : 7,4 M$
- région de Bruxelles (Belgique) : 2,1 M$
- Danemark : 7,3 M$ (sur plusieurs années)
- Espagne : 19 M$
- Suède : 12,1 M$
- Irlande : 13 M$
- Islande : 617 000 $
- Norvège : 2 M$ (sur 2021-2024)
- Corée du Sud : 932 000 $
- Suisse : 3,3 M$ (sur 4 ans)
- Allemagne : 60 M€
A noter que le total des engagements annoncés lors de la COP-29, soit environ 130,7 M$, représente moins de la moitié (44%) de l’objectif de mobilisation de ressources que le fonds s’est fixé pour la fin de la COP-29 (300 M$). En outre, ce total pour 2024 est un tiers de moins que le total des contributions annoncées lors de la COP-28 à Dubaï en déc. 2023 (191,7 M$) (Sources : Fonds d’adaptation, 15 nov. 2024 et BMU/Allemagne, 19 nov. 2024).
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Sept Parties ont annoncé des engagements (en $US) :
- région de Wallonie (Belgique) : 2,1 M$
- Australie : 32,6 M$
- Autriche : 10,5 M$
- Luxembourg : 8,4 M$
- Nouvelle-Zélande : 5,9 M$
- Corée du Sud : 7 M$
- Suède : 18,1 M$
A noter que le total des engagements annoncés lors de la COP-29, soit 84,6 M$, représente près de huit fois moins du total des contributions annoncées lors de la COP-28 à Dubaï en déc. 2023 (647,1 M$) (Sources : Fonds pertes et préjudices, au 21 nov. 2024 et NRDC/Joe Thwaites, consulté le 9 déc. 2024).
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Tous fonds climat au titre de la CCNUCC confondus
La récolte totale 2024 est la plus faible des quatre dernières COP : 228 M$ en 2024, contre 1 018 M$ en 2023, 339 M$ en 2022 et 769 M$ en 2021 (source : NRDC/Joe Thwaites).
Source : NRDC/Joe Thwaites d’après les engagements annoncés en 2024 et lors de la COP-29, état au 26 nov. 2024.
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Source : NRDC/Joe Thwaites d’après les engagements annoncés au cours l’année indiqué + lors de la COP indiqué, état au 26 nov. 2024.
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Bilan
Sur le fond et sur la forme
Globalement, le bilan de la COP-29 est plutôt mitigé même si quelques progrès sont à signaler. La première avancée de Bakou est la finalisation de l’article 6 après six ans de négociation, soit neuf ans après l’adoption de l’Accord de Paris. La 2e avancée est l’opérationnalisation du Fonds pertes et préjudices.
De nombreux observateurs et plusieurs Parties ont vivement critiqué la gestion et le pilotage « chaotique » par la Présidence azerbaïdjanaise pendant la 2e semaine – liés notamment à leur très faible expérience en diplomatie climat, mais à la différence des Emirats arabes unis, ils ne se sont pas fait aider par des experts chevronnés (cf. l’expert franco-britannique Paul Watkinson qui a conseillé la Présidence de la COP-28).
Les projets de texte de compromis sur les grands sujets non consensuels (NCQG, MWP, GGA, JTWP) élaborés et diffusés par la Présidence de la COP-29 sont arrivés très tard : le jeudi ou le vendredi de la 2e semaine (22 nov. 2024), alors que lors des COP précédentes, les projets de texte de compromis avaient généralement été diffusés dès le mardi ou mercredi de la 2e semaine. Cette arrivée tardive a conduit au dépassement qu’on connaît car les délégués avaient besoin de temps pour analyser et digérer ces textes, consulter leur base et faire remonter leurs propositions à la Présidence :
A Bakou, les négociations ont été extrêmement compliquées, tendues, voire acrimonieuses. Ce sont surtout les négociations longues sur le sujet NCQG qui ont eu pour conséquence de freiner, puis bloquer les progrès sur les trois autres dossiers essentiels : bilan mondial, atténuation et adaptation.
Ces difficultés ont par ailleurs été exacerbées par la situation géopolitique mondiale très tendue (conflits en Ukraine, Gaza, Liban) mais aussi par les résultats de l’élection présidentielle des Etats-Unis six jours avant l’ouverture de la COP-29, et par de fortes divergences d’opinion et tensions entre pays du Nord et pays du Sud, chaque groupe campant fermement sur ses positions, les pays du Sud (« Global South ») montrant une grande méfiance vis-à-vis des pays du Nord, surtout sur le NCQG.
Bakou a vu plusieurs crises diplomatiques inédites avant et pendant la COP-29 :
- Papouasie-Nouvelle-Guinée : le 31 oct. 2024, le Ministre des Affaires étrangères, Justin Tkatchenko, a annoncé que son pays ne participerait pas à la COP-29, au motif que ce ne serait qu’une « perte de temps totale…». Justin Tkatchenko a indiqué qu’il parle également « au nom des petits États insulaires qui n’ont bénéficié d’aucune attention ni d’aucune reconnaissance » (sources : Reporterre, 31 oct. 2024 et Le Monde, 31 oct. 2024) ;
- Argentine : le 13 nov. 2024, dans une démarche inattendue, le gouvernement du Président de l’Argentine, Javier Milei, a décidé de retirer la délégation argentine présente à la COP-29 (21 délégués selon la liste provisoire de participants à la COP-29, publiée par la CCNUCC le 12 nov. 2024) et leur a ordonnés de quitter les lieux (relayée le 13 nov. 2024 par le quotidien espagnol El País). Aucune raison officielle n’a été avancée par le gouvernement argentin mais cette décision pourrait être liée au fait que le Président Milei est un climatosceptique (lire notre Journal de la COP-29 | Jour 3). Le chancelier argentin Gerardo Werthein, a néanmoins confirmé que l’Argentine ne sortirait pas de l’Accord de Paris (source: quotidien national, El Observador, 19 nov. 2024) ;
- Azerbaïdjan vis-à-vis de la France : le 13 nov. 2024, le Président azerbaïdjanais, Ilham Aliyev, a tenu des propos provocateurs à l’encontre de la France dans son discours accusateur prononcé lors du sommet des dirigeants sur les petits Etats insulaires dans le cadre de la séquence de haut niveau : « …violations des droits de l’homme […] lors de manifestations légitimes du peuple kanak en Nouvelle-Calédonie… ». La Ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, a répliqué en annonçant qu’elle annulait sa participation aux négociations de la 2e semaine pour protester contre le discours « déplorable » du Président Aliyev : « Les propos tenus contre la France et l’Europe par le président Aliyev […] sont inacceptables. Les attaques directes contre notre pays, ses institutions et ses territoires, sont injustifiables. L’Azerbaïdjan instrumentalise la lutte contre le dérèglement climatique pour un agenda personnel indigne. Ces attaques constituent une violation flagrante du code de conduite de la CCNUCC [pour le déroulement des Conférences de l’ONU sur le climat]. C’est la première fois que la France n’a pas été représentée lors d’une COP ni par un Chef d’Etat ou de Gouvernement, ni par un(e) Ministre (source : Iddri).
Les résultats obtenus à la COP-29 ont généré un sentiment de frustration, de colère et de trahison :
- de la part des pays du Sud (Global South) vis-à-vis des pays du Nord, surtout sur le sujet clivant du financement climat et le résultat final peu ambitieux à leurs yeux qui a été obtenu sur le NCQG
- de la part des pays industrialisés, des petits Etats insulaires, des pays les moins avancés et du groupe AILAC [pays d’Amérique latine et Caraïbes], vis-à-vis du groupe de négociation LMDC (Arabie saoudite en tête) au sujet de la transition vers la sortie des énergies fossiles. L’Arabie saoudite a été pointée du doigt à plusieurs reprises en raison de son blocage persistant et systématique, faisant montre d’une opposition intransigeante dans le cadre d’une véritable stratégie d’obstruction sur la question des combustibles fossiles – la Présidence a fini par céder aux pressions de ce pétro-Etat.
Sur ce sujet clivant, Bakou a vu un recul net de l’ambition par rapport aux résultats de la CMA-5/COP-28. Le dialogue établi pour concrétiser ces résultats est en suspens, il n’est donc toujours pas opérationnel, alors que conformément au mandat de la CMA-5 [décision 1/CMA.5 § 97 et 98], il devait l’être lors de la CMA-6 à Bakou. Il s’ensuit que, puisque la décision sur le dialogue GST n’a pas été adoptée à Bakou, la possibilité d’éclairer la préparation de la prochaine série des NDC est ratée (car les NDC 3.0 doivent être soumises en 2025).
La COP-29 a été caractérisée par un manque de leadership de la part des pays du G20 (77% des émissions mondiales, source : PNUE, 24 oct. 2024) en matière de réduction des émissions de GES. L’absence d’une approche holistique des Gouvernements aux COP est également à signaler : si les Ministres du Climat/de l’Energie/de l’Environnement prennent des engagements ou font des déclarations lors des COP, d’autres Ministres, notamment de l’Economie et des Finances et/ou de l’Industrie, doivent également y souscrire. Le problème de ce travail en silo s’est vraiment fait sentir cette année avec les négociations sur le NCQG.
En résumé, le résultat final de Bakou ne satisfait personne : c’est un compromis insatisfaisant. Plusieurs sujets sont restés en suspens et nécessitent de travaux supplémentaires importants en 2025 :
- la mise en œuvre des résultats du Bilan mondial, et notamment la transition vers la sortie des combustibles fossiles,
- le programme de travail transition juste,
- l’objectif mondial sur l’adaptation.
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Prochaines étapes
Au-delà de la COP-29 : vers la COP-30/CMA-7
L’année 2025 est une année charnière pour l’action climat. Tout d’abord, elle marque les 10 ans de l’Accord de Paris. La COP-30 (et la CMA-7), qui aura lieu du 10 au 21 novembre 2025 à Belém (Brésil), a déjà été baptisée la COP des forêts tropicales. C’est une COP charnière notamment pour l’ambition avec la remise des prochaines NDC des Parties (appelées NDC 3.0) dont la période de mise en œuvre doit aller jusqu’en 2035. C’est dans les prochaines NDC qu’une ambition renforcée doit se refléter.
L’échéance officielle pour les Parties pour soumettre leur NDC 3.0 était le 10 février 2025, c’est-à-dire au moins neuf à 12 mois en amont de la CMA-7 (le 10 novembre 2025), soit entre le 10 novembre 2024 et le 10 février 2025 (cf. paragraphe 166 de la décision 1/CMA.5 et paragraphe 25 de la décision 1/CP.21). Ceci dit, il y avait peu de chances que beaucoup de pays respectent cette date limite : la plupart seront sans doute soumise en amont ou pendant la COP-30.
Le renforcement des efforts de réduction pourrait être entravé par le manque de financement climat : il y a un risque que les pays en développement soumettent une NDC 3.0 moins ambitieuse que prévu, étant donné le montant du nouvel objectif financement fixé par la CMA-6 et l’échéance fixée (jusqu’à 2035).
La COP-30 sera le moment de vérifier si les Parties ont intégré dans leur NDC les acquis politiques de la COP-28 : les résultats du bilan mondial, et surtout la transition vers la sortie des combustibles fossiles. Tous les yeux sont désormais rivés sur Belém. Le Brésil a une expérience solide en matière de négociations climat et bénéfice d’un important réseau diplomatique. Donc on peut espérer que la Présidence de la COP-30 sera plus réactive, plus forte et plus impliquée dans la recherche d’arbitrages consensuels que les Emirats ou l’Azerbaïdjan.
Le 1er janvier 2025 a marqué l’entrée en vigueur du cadre de transparence renforcé (ETF, art.13) qui s’applique désormais à toutes les Parties (système de MRV unique, tant pour les pays industrialisés, que pour les pays en développement), toutefois avec un certain degré de différenciation pour les pays en développement. Ainsi, toutes les Parties devaient soumettre leur 1er rapport biennal de transparence (Biennal Transparency Reports ou BTR) avant le 31 déc. 2024 au titre de l’ETF. Or au 16 jan. 2025, seules 90 Parties (dont 57 pays en développement, parmi lesquels 13 pays les moins avancés et petits Etats insulaires) avaient soumis leur BTR sur les 195 Parties à l’Accord de Paris (soit 46%) (voir liste des Parties).
A noter qu’une décision adoptée à Bakou sur la mise à disposition de soutien financier et technique aux pays en développement pour le rapportage et le renforcement de capacités reconnaît la nécessité pour les pays industrialisés de fournir un soutien supplémentaire aux pays en développement pour la mise en œuvre du cadre de transparence renforcé [§ 11].
Sur le plan géopolitique, la prise de fonctions de Donald Trump au 20 janvier 2025, avec un désengagement net de la nouvelle administration centrale des Etats-Unis vis-à-vis de l’action climat nationale et internationale, va sérieusement compliquer la donne en 2025. Le multilatéralisme en faveur de l’action climat va prendre un coup plus dur pendant son 2e mandat que lors de son 1er mandat car il est bien mieux préparé cette fois, avec tout un cortège de disciples fidèles qui vont appliquer ses décisions et cette fois, outre son intention de retirer les Etats-Unis de l’Accord de Paris, selon certaines sources, il pourrait tenter de sortir son pays de sa Convention-mère, la CCNUCC. Trump va mettre fin aux contributions fédérales au financement climat international, ce qui pourrait encourager certains pays hésitants à retarder, voire réduire leurs engagements financiers (Argentine,…).
Enfin, à cette situation compliquée s’ajoutent :
- la crise économique mondiale (dette, inflation, plans de rigueur, restrictions budgétaires,…). Les enjeux économiques, de compétitivité et de sécurité priment désormais sur les enjeux de la transition énergétique, reléguant ainsi l’action climat au second plan dans les priorités nationales des Gouvernements ;
- la montée des populismes et du climato-scepticisme, dopés par la réélection de Trump ;
- un nouveau « backlash» (réactions hostiles) contre la transition écologique et énergétique, avec pour conséquence un recul de l’ambition et des politiques environnement et climat et une remise en cause des normes et réglementations environnementales en France, en Europe et au-delà ;
- l’instabilité et les incertitudes politiques avec les élections en Allemagne (fév. 2025), en Australie (mai 2025) et au Canada (oct. 2025) sans parler de la situation en France…
Toutes ces contraintes font que l’année 2025 s’annonce comme la plus complexe pour l’action climat depuis l’adoption de l’Accord de Paris en 2015 et ce, alors que l’urgence climatique est de plus en plus prégnante
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Au-delà de la COP-29 : pays hôte de la COP-31 (2026)
Selon la rotation des cinq groupes régionaux de l’ONU (Afrique ; Amérique latine et Caraïbes ; Asie et région du Pacifique (dont les Etats du Golfe) ; Europe de l’Ouest et autres (Australie, Canada, Nouvelle-Zélande, USA, Israël,…) ; Europe de l’Est et centrale), la COP-31 aura lieu en Europe de l’Ouest et autres (pour la liste des pays par groupe régional de l’ONU, voir annexe 2 de notre dossier spécial COP-27).
Le choix du pays hôte candidat de la COP-31 doit se faire par consensus au sein du groupe régional Europe de l’Ouest et autres (29 pays), après quoi il doit être soumis pour approbation formelle par l’ensemble des Parties à la COP, soit à la COP-29, soit à la COP-30 (Belém, Brésil). Jusqu’ici, deux pays ont informellement exprimé leur intérêt pour accueillir la COP-31 : Australie et Turquie. La 5e journée de la COP-29, le 15 nov. 2024, a néanmoins vu l’émergence d’une impasse politique entre ces deux pays potentiellement candidats. Lors d’une réunion à Ankara entre les Ministres australien et turc chargés du Climat et de l’Energie sur le sujet de leurs éventuelles candidatures respectives, aucun des deux pays n’a semblé vouloir céder la place à l’autre. Dans un post sur X, le Ministre de l’Environnement turc, Murat Kurum, a déclaré : « Nous avons souligné la détermination de notre pays à accueillir la COP-31, que nous sommes prêts sur le plan logistique et que nous pouvons créer un pont entre les pays développés et les pays en développement ». A Bakou, les 29 pays du groupe régional Europe de l’Ouest ne sont pas parvenus à se mettre d’accord sur leur choix final.
La décision formelle sur le pays hôte de la COP-31 devra être prise au plus tard lors de la COP-30 en nov. 2025, ce qui signifie que, d’ici là, les 29 pays du groupe régional Europe de l’Ouest et autres doivent parvenir à un consensus sur leur candidat.
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En savoir plus
CCNUCC/UNFCCC
Page d’accueil du site de la CCNUCC
Page du site de la CCNUCC consacrée à la COP-29
Les cinq sessions de négociation
Voir tous les documents de la CCNUCC produits dans le cadre des négociations
Outil de suivi interactif de Carbon Brief, site britannique spécialisé en matière de climat. Il présente des avancées ou absence d’avancées des différents volets de négociation à la COP-29. Il montre le sujet, la nature du texte, la date et l’heure de sa publication, le nombre de pages, le nombre d’options et de crochets (ceux-ci indiquant des éléments de texte non encore tranchés et que donc il n’y a pas encore consensus sur le choix des options ou la formulation de texte), s’il y a consensus ou accord intégral (en vert) ou absence de consensus (en rouge)
Citepa : Journal de la COP-29 Jour 1 à Jour 13
Carbon Brief : COP29: Key outcomes agreed at the UN climate talks in Baku, 24 nov. 2024
IDDRI : Bilan de la COP 29 : un accord insatisfaisant sur la finance, dans un contexte de fractures croissantes, quelle route vers Belém et au-delà ? 28 nov. 2024
Climate Home News : What was decided at the COP29 climate summit in Baku? 27 nov. 2024
IISD : Summary of the 2024 Baku Climate Change Conference, Earth Negotiations Bulletin, vol. 12 n°865, 26 nov. 2024
Joe Thwaites/NRDC : “How to deliver the new climate finance goal”, 27 nov. 2024
Carbon Brief : “Analysis: Why the $300bn climate-finance goal is even less ambitious than it seems”, 3 déc. 2024
Carbon Market Watch : “COP29: complex article 6 rules pave way to unruly carbon markets”, 23 nov. 2024