Baisse significative de 8 % des émissions de GES de l’UE en 2023, nécessité de poursuivre l’action pour atteindre l’objectif de – 55 % en 2030 (AEE, UE)

Par : Sophie Sanchez

Le 31 octobre 2024, l’Agence européenne pour l’environnement (AEE) a publié son rapport annuel sur les tendances et projections en matière d’émissions de gaz à effet de serre (GES) dans l’Union européenne (UE) tandis que la Commission européenne (CE) rendait public le même jour son rapport d’avancement sur l’action climatique de l’UE, également présenté comme le rapport d’étape 2024 sur l’action pour le climat.
Baisse significative des émissions de GES de l’UE en 2023
Les deux documents révèlent qu’en 2023, les émissions totales de GES de l’UE ont baissé de 8 % par rapport à 2022, soit « la plus forte réduction d’émissions d’une année sur l’autre enregistrée depuis plusieurs décennies » comme le souligne l’AEE (l’année 2020 n’étant pas représentative du fait de la pandémie de Covid-19). La Commission européenne fait même part dans un communiqué paru le 5 novembre 2024 d’une réduction de « plus de 8 % », à raison de – 8,3 %.
Le rythme de diminution des émissions de GES s’est accéléré ces dernières années. La réduction annuelle observée en 2023 est plus de trois fois supérieure au taux moyen enregistré depuis 2005, calcule l’AEE.
Pour rappel, le précédent rapport de l’AEE paru en 2023 avait montré une baisse beaucoup plus réduite de 1,9 % des émissions entre 2021 et 2022, ce qui représentait une réduction globale de 31 % sur la période 1990-2022 (lire notre article).
Les émissions nettes de GES sont désormais inférieures de 37 % par rapport aux niveaux de 1990. Au cours de la même période, le produit intérieur brut (PIB) de l’UE a augmenté de 68 %. La Commission en conclut que « la réduction des émissions et la croissance économique peuvent aller de pair ».
« Réductions spectaculaires » des émissions dans le secteur énergétique
La réduction du recours aux combustibles fossiles en Europe a été le principal facteur de diminution des émissions depuis 1990. L’accélération de la décarbonation de l’économie européenne a été rendue possible grâce à l’adoption généralisée des énergies renouvelables, dont la part dans la consommation totale d’énergie de l’UE est passée de 10,2 % en 2005 à 24 % en 2023.
De fait, les réductions d’émissions dans le secteur énergétique sont particulièrement « spectaculaires » par rapport à 2022 (voir graphique ci-dessous), constate l’AEE. Depuis 2005, elles ont même « presque été divisées par deux ». Le secteur industriel a également enregistré des réductions significatives d’émissions « de plus d’un tiers au cours des deux dernières décennies » grâce à la combinaison d’une réduction de la production et de gains d’efficacité énergétique. Les secteurs de l’approvisionnement en énergie et dans l’industrie sont tous deux couverts par le système de plafonnement et d’échange de quotas d’émission (SEQE, voir focus en fin d’article).
Figure 1. Réduction des émissions de GES dans l’Union européenne par secteur
En revanche, les secteurs couverts par le règlement sur le partage de l’effort (règlement (UE) 2023/857, dit ESR)(1) qui sont soumis à des objectifs nationaux, ont enregistré des réductions plus limitées. Enfin, des progrès modestes vers l’objectif d’absorption nette pour 2030 sont estimés pour le secteur UTCATF (2).
« Accélération des efforts » ou « mesures supplémentaires » nécessaires pour atteindre le « Fit for 55 »
Pour la Commission européenne, « l’UE reste sur la bonne voie pour atteindre l’objectif de réduction des émissions d’au moins 55 % d’ici à 2030 » par rapport à 1990 quand l’AEE insiste plutôt sur « l’accélération des efforts nécessaires » pour y parvenir.
Sur la base des politiques en place en dans l’UE, les États membres prévoient une réduction des niveaux d’émissions nettes de 43 % d’ici à 2030. Si l’on ajoute les mesures supplémentaires actuellement prévues, le pourcentage devrait atteindre 49 % mais resterait « en-deçà de six points » des – 55 %, prévient l’AEE.
De son côté, l’avant-propos – plus nuancé – du rapport de la Commission précise que « l’UE a fixé d’éliminer 42 MtCO₂e de l’atmosphère d’ici à 2030 [mais] devrait manquer cet objectif de 45 à 60 MtCO₂e », ce qui signifie que « des mesures supplémentaires [doivent être prises] pour garantir un niveau adéquat d’absorption du carbone afin de rester sur la voie de la neutralité climatique en 2050 ».
De fait, pour atteindre le « Fit for 55 » (lire notre article). l’UE doit réduire ses émissions de 134 MtCO₂e par an en moyenne jusqu’en 2030, soit plus que la réduction annuelle moyenne de 120 MtCO₂e réalisée entre 2017 et 2023.
L’UE représente 6,1 % des émissions mondiales de GES
En tout état de cause, la Commission se félicite que « l’UE montre la voie à suivre en matière de transition propre ». Par rapport aux niveaux de 1990, les émissions de GES de l’UE ont diminué « plus significativement que celles de toutes les autres économies les plus émettrices : elles représentent aujourd’hui 6,1 % des émissions mondiales, [à comparer à] 14,9 % en 1990 ».
À l’inverse, parmi les plus grands émetteurs, « les augmentations les plus importantes ont été enregistrées en Chine (+ 5,2 %, soit 784 MtCO2e) et en Inde (+ 6,1 %, soit 236 MtCO2e) ».
Figure 2. Répartition des émissions de GES par pays
Source : Commission européenne, 31 oct. 2024
En termes sectoriels, la Commission note :
- une réduction d’environ 2 % des émissions globales de GES provenant des bâtiments, de l’agriculture, des transports intérieurs, de la petite industrie et des déchets ;
- une augmentation de 8,5 % de l’absorption naturelle du carbone dans l’UE, inversant la tendance à la baisse observée récemment dans le secteur de l’utilisation des terres, du changement d’affectation des terres et de la forêt.
Le système d’échange de quotas d’émission (SEQE), pierre angulaire de la stratégie climatique de l’UE
La Commission revient sur le système d’échange de quotas d’émission (SEQE), « une pierre angulaire de la stratégie climatique de l’UE » et de son objectif « zéro émission » à l’horizon 2050. Lancé en 2005, le SEQE (lire notre article) met en œuvre le principe du pollueur-payeur dans les secteurs de la production d’électricité et de chaleur, de l’industrie manufacturière, de l’aviation et du transport maritime qui représentent ensemble environ 40 % des émissions totales de GES de l’UE.
Ce système repose sur le principe d’une quantité limitée d’émissions de GES possibles pour les secteurs visés. Les exploitants ont droit d’émettre une certaine quantité gratuitement, mais le reste doit être acheté aux enchères, afin de les inciter à moins émettre pour revendre ces quotas ou à avoir moins à en acheter.
Ainsi dans le cadre du SEQE, le rapport met en avant plusieurs chiffres :
- la diminution de 16,5 % par rapport à 2022 des émissions provenant des centrales électriques et des installations industrielles, « la plus forte baisse annuelle à ce jour »;
- la réduction de 24 % des émissions liées à la production d’électricité et au chauffage, sous l’effet notamment de la croissance des sources d’énergies renouvelables ;
- les recettes de 43,6 milliards d’euros générées par ce même système que les États membres sont tenus de consacrer dans leur intégralité à l’action climatique et à la transformation énergétique.
En revanche, les émissions de GES de l’aviation ont augmenté de 9,5 %, poursuivant leur tendance post-Covid.
Notes
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Le secteur UTCATF (Utilisation des terres, changement d’affectation des terres et forêt), défini dans le cadre des inventaires nationaux d’émissions de GES, reflète notamment les émissions et absorptions liées à l'utilisation des terres (croissance, mortalité de la biomasse et prélèvement de bois en forêt ; impacts des changements de pratiques agricoles sur les sols cultivés, etc.) et aux changements d’utilisation des terres (déforestation, afforestation, artificialisation des sols, etc.). C’est le seul qui permet de réaliser des émissions négatives grâce aux puits de carbone naturels : la biomasse et les sols.
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Le règlement sur la répartition de l'effort (Effort Sharing Regulation) fixe des objectifs de réduction des émissions pour chaque État membre à l'horizon 2030.
En savoir plus
- Agence européenne de l’environnement
- Lire le communiqué
- Lire le rapport
- Commission européenne
- Lire le communiqué
- Lire le rapport
- Système d’échange de quotas d’émission de l’UE
- Règlement sur la gouvernance au titre de l’Énergie et de l’Action climatique