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Publié le 22 avril 2025

Appel à contributions européen pour décarboner les industries à forte intensité énergétique 

Par : Sophie Sanchez

Modifié le : 22/04/2025
Réf . : 2025_04_16

© Pexels – Marek Piwnicki

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La Commission européenne a lancé le 16 avril 2025 un appel à contributions à propos d’un projet de règlement visant à accélérer la décarbonation de l’industrie, lui-même inscrit dans le cadre du Pacte pour une industrie propre (Clean Industrial Deal), présenté en février 2025.  L’objectif de ce nouveau règlement sera d’aider les industries à forte intensité énergétique (IIE) à poursuivre leur décarbonation tout en maintenant leur compétitivité au niveau international. 

L’initiative a pour but de renforcer la compétitivité et la productivité des industries, d’accélérer les procédures administratives et de faciliter les investissements, notamment en créant des marchés pilotes pour les produits décarbonés, fait valoir l’appel à contributions. 

Le texte précise que le Pacte pour une industrie propre est le prélude à une loi sur l’accélération de la décarbonation industrielle (Industrial Decarbonisation Accelerator Act) qui visera à « éliminer les goulets d’étranglement liés à la décarbonation industrielle et à l’accès à l’énergie », et à soutenir la création de « marchés pilotes pour le développement de technologies et de produits industriels européens propres et résilients ». 

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Contexte 

7,8 millions d’emplois et 549 milliards d’euros de valeur ajoutée  

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Le Clean Industrial Deal (Pacte pour une industrie propre) est la « nouvelle stratégie de croissance de l’Europe [pour] accélérer la décarbonation et la compétitivité de l’industrie européenne ». Il vise à accroître la production industrielle durable et résiliente sur notre continent, tout en investissant dans les technologies décarbonées. La décarbonation des industries à forte consommation d’énergie est nécessaire pour atteindre la neutralité climatique, souligne le texte.  

Toutefois, il faut en parallèle préserver la compétitivité de ces industries qui sont « d’une importance stratégique pour la résilience, la sécurité et la prospérité économique de l’Union européenne [UE] ». Elles constituent le point de départ de nombreuses chaînes de valeur, fournissant des matières premières, transformées et intermédiaires aux secteurs en aval, tels que l’automobile, la construction, les technologies net-zéro, les produits d’ingénierie, la défense et l’aérospatiale, et constituent la base des transitions verte et numérique.  

De fait, les industries à forte intensité énergétique (IEE en français, EEI en anglais), qui regroupent les produits chimiques, l’acier, la pâte à papier et le papier, les raffineries, le ciment, les métaux non ferreux, le verre et la céramique, emploient 7,8 millions de personnes et apportent une valeur ajoutée de 549 milliards d’euros, tout en représentant 19 % des émissions de gaz à effet de serre de l’UE.  

Or la compétitivité de ces secteurs est compromise par plusieurs facteurs : des coûts énergétiques plus élevés que dans les pays tiers, en raison notamment de la dépendance aux importations, un ralentissement de la demande dans certains des principaux secteurs en aval (comme l’automobile et la construction), et les surcapacités induites par les stratégies de croissance des pays non membres de l’UE (fondées sur les exportations et la production subventionnée par l’État)(1).  

Il en résulte une pression accrue sur les prix par le biais d’importations bon marché et le risque de créer des dépendances dans des secteurs stratégiques. 

Pour ces raisons, les industries à forte intensité énergétique ont « besoin d’un soutien urgent de la part de l’UE pour se décarboner, s’électrifier et s’attaquer aux coûts élevés de l’énergie ». « La concurrence mondiale déloyale et les réglementations complexes qui compromettent leur rentabilité, nuisent à leur compétitivité et affaiblissent la résilience de l’Europe », ajoute l’appel à contributions 

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Objectifs du projet de règlement 

19 % des émissions de gaz à effet de serre des États membres  

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Plusieurs problèmes spécifiques ont été identifiés qui freinent la décarbonation de ces secteurs :  

  • Premièrement, les longues procédures d’octroi de permis pour les projets de décarbonation (parfois liées à l’accès à l’infrastructure énergétique) sont un problème pour les IIE qui souhaitent se décarboner ; 
  • Deuxièmement, les technologies permettant de décarboner les IIE ne sont souvent pas – encore – compétitives en termes de coûts, en raison de coûts d’investissement et d’exploitation élevés, de délais d’amortissement très longs et d’un manque d’efficacité, et ne sont pas non plus déployées à grande échelle ; 
  • Troisièmement, il y a une demande insuffisante de produits industriels propres aux prix actuels par rapport à leurs alternatives conventionnelles.  

Tous ces facteurs contribuent à une baisse de la production industrielle et à un environnement commercial difficile pour les investissements dans la décarbonation.  

À cet égard, le projet note que le renforcement du système d’échange de quotas d’émission de l’UE améliorera l’analyse de rentabilité au fil du temps tout en relevant que les prix du carbone restent élevés. 

 

Le nouveau règlement se concentrera sur les industries à forte intensité énergétique et, le cas échéant, considérera les industries connexes en aval dans une logique de chaîne de valeur. C’est pourquoi l’étude d’impact réalisée dans le cadre de cet appel à contributions, permettra d’évaluer et d’identifier la portée des secteurs concernés et d’envisager des mesures alignées sur les objectifs spécifiés :  

  • Accélérer les procédures d’autorisation pour l’accès industriel à l’énergie et la décarbonation industrielle, tout en garantissant des normes environnementales élevées  

L’analyse d’impact envisagera différentes mesures, visant notamment à améliorer l’accès à l’énergie (principalement l’électricité, mais aussi l’hydrogène) et aux infrastructures de captage, d’utilisation et de stockage du carbone. Ces mesures s’appuieront sur l’expérience acquise grâce au règlement d’urgence de l’UE sur l’autorisation de la directive sur les énergies renouvelables, le règlement RTE-E, la loi sur les matières premières critiques et la loi sur l’industrie nette zéro, tout en tirant parti de la numérisation. 

  • Identifier et promouvoir les projets et groupements prioritaires 

Les risques liés aux investissements dans les projets de décarbonation sont élevés, c’est pourquoi l’intervention publique est souvent cruciale pour aider à réduire les risques liés aux investissements dans les technologies propres. L’analyse d’impact évaluera les critères pertinents pour identifier les projets ou groupements industriels prioritaires en matière de décarbonation et évaluera les mesures politiques pour les soutenir et les promouvoir, notamment en facilitant l’accès au financement. Les options politiques examineront également comment soutenir les États membres dans la planification et la mise en œuvre d’un environnement favorable approprié pour les groupements industriels. 

  • Créer et protéger les principaux marchés européens pour les produits à faible teneur en carbone  

L’analyse d’impact examinera les mesures visant à soutenir les marchés pilotes, grâce notamment à : 

 – L’introduction de critères de durabilité et de résilience et d’exigences minimales en matière de contenu européen dans les marchés publics (et, dans certains cas, privés) dans des secteurs stratégiques afin de créer des marchés pilotes pour les produits industriels à faible teneur en carbone, tout en s’alignant sur d’autres initiatives législatives et sur les engagements internationaux de l’UE ;  

– La promotion des produits industriels à faible intensité de carbone, y compris les options pour un label européen. Elle développera un label volontaire pour l’acier sur la base des données du système d’échange de quotas d’émission et en s’appuyant sur la méthodologie du mécanisme européen d’ajustement aux frontières pour le carbone. L’analyse d’impact examinera également les mesures d’incitation à l’adoption de matières premières à faible teneur en carbone, notamment le captage et l’utilisation du carbone, la biomasse durable et les déchets recyclés ; 

– La protection des marchés pilotes européens avec des mesures visant à accroître les bénéfices des investissements directs étrangers dans les technologies innovantes et à relever les défis industriels, en complétant, le cas échéant, les instruments de politique commerciale existants.

L’initiative est cohérente avec les politiques nationales et européennes existantes et sera conforme aux engagements internationaux de l’UE.  

La période de commentaires et de consultation court du 16 avril au 9 juillet 2025.

 

En savoir plus 

Consultez l’Acte législatif visant à accélérer la décarbonation de l’industrie – Un coup d’accélérateur à la décarbonation 

Retrouvez Le point sur les feuilles de route de décarbonation des filières économiques françaises – Citepa 

 

(1) Capacités de production très élevées, non rentables dans un marché libre mais maintenues artificiellement pour soutenir la croissance, l’emploi ou les exportations

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