Impact des tensions géopolitiques sur la transition énergétique et écologique

Par : Jérôme Boutang
Les récents développements géopolitiques – notamment la guerre en Ukraine et la volatilité des politiques américaines – accroissent la pression sur l’Europe pour qu’elle investisse massivement dans la défense et sécurise ses chaînes d’approvisionnement. Dans ce contexte, la transition énergétique et écologique, qui exige également des investissements lourds, se retrouve exposée à de multiples risques :
- Tensions économiques et financières : hausse des prix de l’énergie et des matières premières, incertitude autour des exportations, fluctuations de taux d’intérêt.
- Arbitrages budgétaires : budgets de défense en forte hausse pouvant éclipser ou ralentir les financements destinés aux projets verts.
- Dépendance en métaux critiques : la transformation bas carbone accentue la vulnérabilité aux perturbations d’approvisionnement (Chine, Amérique latine, Afrique).
- Dynamique politique : montée de la droite et de l’extrême droite dans certains pays européens, critique croissante des normes écologiques jugées « trop lourdes ».
- Stratégies d’entreprise hétérogènes : alors que certaines renforcent leurs engagements ESG pour gagner en résilience, d’autres réduisent ou reportent leurs investissements verts dans l’incertitude du moment.
© Fatima Akean
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Les institutions européennes (Commission, États membres) et plusieurs grands acteurs économiques s’efforcent de maintenir un équilibre entre besoin d’indépendance militaire et impératif climatique. Cependant, l’avenir dépendra largement de la capacité à financer simultanément la sécurité et la transition verte, en évitant une « cannibalisation » budgétaire. La solidarité intra-européenne, la mutualisation des ressources et le renforcement du cadre réglementaire (pour déployer massivement les énergies renouvelables et sécuriser l’industrie) constituent des leviers essentiels pour limiter les effets néfastes de ces crises sur la compétitivité, la décarbonation et la stabilité à long terme.
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Quels sont les risques pour la société, le cadre économique et la transition ?
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- Moindre prévisibilité de la transition
La transition énergétique devient de plus en plus imprévisible en raison d’incertitudes multiples : fragmentation possible de l’Europe, défis juridiques, instabilité réglementaire, baisse des budgets R&D, montée de l’ignorance, récession, inflation et arbitrages défavorables.
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- Effondrement des cadres traditionnels
On assiste à un affaiblissement du multilatéralisme, des valeurs éthiques, du droit international et des régulations. La dérégulation et la logique du plus fort dominent, dans un contexte géopolitique marqué par la prédation des ressources et la montée des nationalismes.
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- Trois dynamiques néfastes déjà amorcées
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- Transition énergétique et écologique ralentie, se traduisant par un ciblage accru ou un report des financements, ainsi que du recul de l’ambition climatique annoncé lors de la COP-30 et de la relocalisation progressive des activités R&D.
- Inflexion négative dans la connaissance ainsi que de la mondialisation, avec montée de comportements arbitraires-imprévisibles, célébration de l’ignorance comme de l’intuition et tyrannie de la majorité.
- Accélération dystopique par le développement potentiel de l’IA et de technologies incontrôlées, avec une réduction du libre arbitre des experts et un transfert du pouvoir politique et économique vers les grandes entreprises technologiques (GAFAM).