Plans nationaux énergie-climat : selon la Commission, les Vingt-sept sont sur la bonne voie mais doivent faire preuve d’ambition et d’efforts supplémentaires pour atteindre leurs objectifs 2030
Le 18 décembre 2023, la Commission européenne a publié une évaluation globale, à l’échelle de l’UE, des projets de mise à jour des plans nationaux énergie-climat, PNEC (National Climate and Energy Plans ou NECP – voir encadré ci-dessous) des 21 Etats membres qui avaient soumis les leurs à l’échéance prévue, à savoir le 30 juin 2023 : tous les 27 Etats membres sauf la Belgique, l’Irlande, la Lettonie (dont les projets de mise à jour de leur NEPC n’ont été que partiellement pris en compte du fait de leur remise tardive) et l’Autriche, la Bulgarie et la Pologne (qui n’avaient soumis aucun projet de mise à jour de leur NECP). Aujourd’hui (au 13 mars 2024), il ne reste que l’Autriche à soumettre le sien (voir page consacrée aux NECP sur le site de la DG Climat).
Parallèlement à l’évaluation globale, la Commission a publié des évaluations individuelles et des recommandations par pays pour ces 21 États membres[1] (voir JOUE du 7 mars 2024). Ces recommandations portent sur les éléments actuellement manquants qui devraient figurer dans les versions définitives de mise à jour des NEPC afin d’aider les États membres à atteindre les nouveaux objectifs climat-énergie résultant du paquet « Fit for 55 » [Ajustement à l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 55% d’ici 2030 – lire notre article] et du dispositif REPowerEU – lire notre article).
Lire aussi notre article « Objectifs climat-énergie de l’UE : la Cour des comptes européenne pointe le manque d’ambition des Vingt-sept pour atteindre les objectifs 2030 », publié le 18 août 2023.
Les NECP
Les NECP doivent être soumis par les Etats membres conformément à l’obligation établie par le règlement (UE) 2018/1999 du 11 décembre 2018 sur la gouvernance de l’Union de l’énergie (articles 3 et 4) (lire notre article). Ces NECP sont décennaux, à compter de la période 2021-2030. Les Etats membres devaient soumettre à la Commission leur projet de premier NECP avant le 31 décembre 2018, et la version définitive au 31 décembre 2019 (article 9). Ils devront soumettre leur 2e plan d’ici le 1er janvier 2029, et ainsi de suite.
Les NECP sont le principal outil de planification stratégique permettant aux États membres de décrire comment ils atteindront les objectifs généraux et les objectifs spécifiques de l’union de l’énergie et resteront sur la bonne voie pour atteindre l’objectif collectif de neutralité climatique à l’horizon 2050. Ils contribuent à la prévisibilité des investissements à court, moyen et long terme et constituent un outil essentiel pour mobiliser les investissements massifs nécessaires pour atteindre cet objectif collectif.
Les NECP doivent comporter une description :
- des objectifs nationaux et des contributions nationales définis au titre de l’Union de l’énergie (réduction des émissions de gaz à effet de serre, énergies renouvelables et efficacité énergétique),
- des politiques et mesures prévues ou adoptées pour les mettre en œuvre.
Le règlement 2018/1999 (annexe I) établit un modèle de NECP pour garantir une présentation harmonisée entre les Etats membres en vue de faciliter leur évaluation.
Les versions définitives de ces premières NECP avaient été rendues publiques par la Commission le 1er avril 2020.
Le 17 septembre 2020, la Commission avait publié une évaluation, à l’échelle de l’UE, des premières NECP. L’évaluation de la Commission montrait que l’UE était sur la bonne voie pour dépasser son objectif de réduction des émissions de GES d’au moins 40% d’ici à 2030, en particulier grâce aux progrès en cours dans le déploiement des EnR dans toute l’UE. La Commission concluait que l’UE devrait accroître davantage l’efficacité énergétique et la part des EnR. Voir le détail de cette évaluation globale dans notre article.
Le 14 octobre 2020, la Commission européenne a publié les évaluations individuelles des NECP de chacun des 27 Etats membres. Il s’agissait d’analyser les trajectoires et les ambitions de chaque État membre par rapport aux objectifs actuels en matière de climat et d’énergie à l’horizon 2030 (lire notre article).
Au plus tard le 30 juin 2023, et ensuite au plus tard le 1er janvier 2033, et tous les 10 ans par la suite, chaque État membre est tenu de soumettre à la Commission un projet de mise à jour de son NECP (cf. article 14 du règlement (UE) 2018/1999).
Au plus tard le 30 juin 2024, et ensuite au plus tard le 1er janvier 2034, et tous les 10 ans par la suite, chaque État membre soumet à la Commission la version définitive de la mise à jour de son NECP.
Voir les pages de la DG Energie consacrées aux NECP.
Principales conclusions de l’évaluation globale de la Commission
La Commission souligne tout d’abord que si la plupart des États membres ont désormais communiqué leurs projets de mise à jour de leur NEPC, elle regrette le retard important avec lequel plusieurs d’entre eux ont été soumis, qui a considérablement compromis le processus. Elle invite donc tous les États membres à respecter le délai de remise des plans définitifs, fixé au 30 juin 2024 (voir encadré ci-dessus).
L’évaluation de la Commission montre que les États membres sont sur la bonne voie, mais constate encore un déficit d’ambition pour atteindre les objectifs généraux et les objectifs spécifiques revus à la hausse pour 2030 dans les politiques climat-énergie (paquet « Fit for 55 » – lire notre article).
Malgré une nette diminution ces dernières années, la Commission estime que les émissions nettes de GES en 2030 seront inférieures de 51% au niveau de 1990, soit 4 points de pourcentage de moins que l’objectif de 55% fixé par le règlement (UE) 2021/1119 (dit loi européenne sur le climat – lire notre article). Il faut que les États membres établissent un cadre propice à la mise en place de politiques et mesures suffisantes dans les domaines des transports, des bâtiments, de l’agriculture et des déchets, ainsi qu’à l’amélioration de l’élimination du carbone.
La part des énergies renouvelables (EnR) dans la consommation finale d’énergie pourrait atteindre entre 38,6% et 39,3% en 2030 à l’échelle de l’UE. Ce chiffre est nettement supérieur à celui de 32% fixé par la directive (UE) 2018/2001 relatif à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables (dite directive RED II – lire notre brève), mais inférieur à l’objectif contraignant de 42,5% (assorti d’un objectif indicatif supplémentaire de 2,5% qui devrait permettre d’atteindre 45%), fixé par la directive (UE) 2023/2413 (dite directive RED III). Très peu d’États membres ont présenté une contribution conforme à leur contribution nationale attendue au titre du règlement sur la gouvernance et de la directive RED III.
En ce qui concerne l’efficacité énergétique, la consommation finale d’énergie à l’échelle de l’UE en 2030 pourrait atteindre 814,3 Mtep, ce qui correspond à une réduction de 5,8% par rapport aux projections pour 2030 selon un scénario tendanciel. Ce chiffre est inférieur au niveau de consommation finale d’énergie de 956 Mtep fixé dans la directive (UE) 2018/2002 sur l’efficacité énergétique de 2018. Cependant, il est supérieur à l’objectif de 763 Mtep fixé dans la refonte 2023 de cette directive (directive (UE) 2023/1791), qui correspondait à une réduction de 11,7% par rapport aux projections pour 2030 selon un scénario tendanciel. Seuls quelques États membres proposent un niveau d’ambition suffisant en ce qui concerne la consommation d’énergie primaire, la consommation d’énergie finale, ou les deux.
Tous les États membres ont commencé à supprimer progressivement les combustibles fossiles destinés à la production d’énergie, notamment les combustibles fossiles solides, mais seuls quelques-uns ont totalement éliminé le charbon, et tous ne prévoient pas de le faire avant 2030. Certains États membres semblent revenir sur les engagements antérieurs pris dans le cadre des plans territoriaux pour une transition juste approuvés par la Commission en 2022. En ce qui concerne les subventions aux combustibles fossiles, les États membres doivent consentir un effort collectif pour fixer un calendrier clair et crédible concernant leur suppression progressive.
Il faudra également faire preuve de résilience face aux incidences physiques sur le climat. Les plans définitifs devront prévoir davantage de dispositions relatives à l’analyse des vulnérabilités et risques climatiques pertinents, à l’intégration d’objectifs d’adaptation dans toutes les dimensions de l’union de l’énergie et à la mise en adéquation de ces derniers avec des politiques et mesures robustes.
En ce qui concerne l’UTCATF (utilisation des terres, changement d’affectation des terres et forêt), la majorité des projets de mise à jour des NEPC ne comportent pas suffisamment de mesures et affichent un niveau d’ambition trop modeste. Très peu d’États membres présentent une trajectoire concrète pour atteindre leurs objectifs nationaux en matière d’absorptions nettes fixés par le règlement (UE) 2023/839, ou des mesures suffisantes pour aider les agriculteurs, les sylviculteurs et d’autres parties prenantes à élaborer des modèles d’entreprise durables conformes à ces objectifs. L’agrégation des projections UTCATF montre que les absorptions nettes mèneraient encore à un déficit d’environ 40 à 50 Mt CO2e par rapport à l’objectif de -310 Mt CO2e à l’horizon 2030. La situation demeure particulièrement préoccupante en Tchéquie, en Estonie, en Finlande et en France, où la tendance générale à la baisse des absorptions nettes jusqu’en 2025 pourrait avoir une incidence sur la réalisation des objectifs pour 2030, tant au niveau national qu’au niveau de l’UE.
Zoom sur les recommandations de la Commission pour la France
La Commission européenne a formellement formulé ses recommandations pour la France relative au projet de mise à jour du NEPC de la France pour la période 2021-2030 et à la compatibilité des mesures planifiées par la France avec l’objectif de neutralité climatique de l’UE. Elles sont établies dans la recommandation (UE) 2024/611 de la Commission du 18 décembre 2023 (JOUE du 7 mars 2024).
La France a présenté son projet de mise à jour de son NEPC le 11 novembre 2023. En raison de la présentation tardive dudit projet de mise à jour de la France, la Commission européenne n’a disposé que de très peu de temps pour l’évaluer.
En particulier, la Commission recommande à la France :
Atténuation
- de définir des politiques et mesures supplémentaires présentant un bon rapport coût-efficacité pour combler l’écart projeté de 1,1 point de pourcentage, afin de respecter son objectif national de réduction (-47,5% en 2030 par rapport aux niveaux de 2005), fixé par le règlement (UE) 2023/857 (dit règlement « ESR » ou « règlement répartition de l’effort ») modifiant le règlement (UE) 2018/842 relatif aux réductions annuelles contraignantes des émissions de GES par les États membres de 2021 à 2030 dans les secteurs hors SEQE) ; de fournir des projections actualisées, pour montrer comment les politiques existantes et planifiées permettront d’atteindre cet objectif ;
- d’identifier les sources d’émissions de CO2 qu’il est prévu de capter ;
- d’établir une trajectoire concrète pour atteindre l’objectif national UTCATF défini par le règlement (UE) 2018/841; à ajouter des mesures supplémentaires dans le secteur de l’UTCATF, en détaillant leur calendrier et leur portée, et en chiffrant leurs effets attendus pour que les absorptions de GES soient effectivement alignées sur l’objectif de l’UE en matière d’absorptions nettes à l’horizon 2030 (–310 MtCO2e) et sur l’objectif d’absorption fixé pour la France (–6 693 kt CO2e), fixés par le règlement (UE) 2018/841 ;
- de revoir fortement à la hausse, en la portant à au moins 44%, la part des EnR qu’elle vise à atteindre à titre de contribution à l’objectif contraignant de l’UE en matière d’EnR à l’horizon 2030 fixé par la directive RED III ;
- de fournir une estimation des trajectoires et un plan à long terme pour le déploiement des technologies dans le domaine des énergies renouvelables au cours des 10 prochaines années, avec une perspective à l’horizon 2040 ; d’inclure des objectifs spécifiques pour contribuer au sous-objectif indicatif dans les bâtiments pour 2030 et au sous-objectif contraignant pour les carburants renouvelables d’origine non biologique dans l’industrie pour 2030 ;
- de poursuivre l’élaboration de politiques et de mesures détaillées et quantifiées, de manière à pouvoir apporter, avec un bon rapport coût/efficacité, la contribution nationale de la France à l’objectif contraignant de l’UE en matière d’EnR de 42,5 % en 2030 (assorti d’un objectif indicatif supplémentaire de 2,5% qui devrait permettre d’atteindre 45%) ;
- d’inclure une évaluation de l’approvisionnement national en biomasse forestière à des fins énergétiques au cours de la période 2021-2030, conformément aux critères de durabilité renforcés fixés par la directive RED III.
Adaptation
- de fournir des analyses supplémentaires sur les vulnérabilités au changement climatique et les risques climatiques pertinents ;
- d’évaluer les vulnérabilités et les risques pertinents liés aux inondations côtières; achever la mise en place d’un cadre juridique approprié pour les politiques et les mesures en faveur de l’adaptation au changement climatique;
- d’associer à la conception et à la mise en œuvre de la politique d’adaptation de la France les groupes de parties prenantes qui sont particulièrement vulnérables aux effets du changement climatique ;
- de promouvoir, dans ses stratégies, politiques et plans nationaux, les solutions fondées sur la nature et l’adaptation reposant sur les écosystèmes, et à réaliser les investissements nécessaires à leur déploiement
Les objectifs et contributions clés de la France en matière de politique climat-énergie : vue d’ensemble
Source : Commission européenne, fiche d’information (Factsheet), 18 déc. 2023.
Pour les recommandations de la Commission à l’attention des autres Etats membres de l’UE, voir les recommandations (UE) 2024/596 à 2024/639 dans le JOUE du 7 mars 2024
En savoir plus
Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil : Évaluation à l’échelle de l’UE des projets mis à jour de plans nationaux en matière d’énergie et de climat, réf. COM(2023) 796 final, 18 déc. 2023
Annexes à la communication
Recommandation (UE) 2024/611 de la Commission du 18 décembre 2023 relative au projet de mise à jour du NEPC de la France pour la période 2021-2030 et à la compatibilité des mesures planifiées par la France avec l’objectif de neutralité climatique de l’Union et avec la garantie d’amélioration de l’adaptation C/2023/9621. Consulter.
Fiche de synthèse (factsheet) sur les recommandations de la Commission relative au NEPC de la France.
Page de la DG Climat consacrée aux NECP
Pour les recommandations de la Commission à l’attention des autres Etats membres de l’UE, voir les recommandations (UE) 2024/596 à 2024/639 dans le JOUE du 7 mars 2024
[1] Allemagne, Chypre, Croatie, Danemark, Espagne, Estonie, Finlande, France, Grèce, Hongrie, Italie, Lituanie, Luxembourg, Malte, Pays-Bas, Portugal, Roumanie, Slovaquie, Slovénie, Suède et Tchéquie.