Vers la nouvelle stratégie française énergie-climat : la Première Ministre pose les premiers jalons
Le 22 mai 2023, le Conseil national de la transition écologique (CNTE – voir encadré ci-dessous) a tenu une réunion exceptionnelle avec la participation de la Première Ministre, Elisabeth Borne, ainsi que de neuf Ministres ou Secrétaires d’Etat : Transition écologique (Christophe Béchu), Transition énergétique (Agnès Pannier Runacher), Agriculture (Marc Fesneau), Ecologie (Bérangère Couillard), Comptes publics (Gabriel Attal), Ville et Logement (Olivier Klein), Mer (Hervé Berville), Travail (Olivier Dussopt) et Transports (Clément Beaune).
Le Conseil national de la transition écologique (CNTE)
Le CNTE a été créé en 2013 (décret n° 2013-753 du 16 août 2013) (lire notre article). Parmi ses missions, le CNTE participe à l’élaboration, au suivi et à l’évaluation de la politique nationale en matière de transition écologique, et à la préparation des négociations internationales sur l’environnement. Il peut être saisi par le Premier Ministre et la Ministre de la Transition écologique, pour avis, sur une question ou un projet de loi. Il peut aussi formuler des avis de sa propre initiative. Le CNTE comprend 52 membres répartis en six collèges : collectivités territoriales, organisations d’employeurs, organisations syndicales, ONG environnementales, autres associations, parlementaires. C’est un lieu de débat et de concertation entre pouvoir et parties prenantes.
La nouvelle trajectoire de décarbonation et le nouvel objectif de réduction national
Lors de ce point d’étape, s’appuyant sur les données d’émission de gaz à effet de serre (GES) estimées par le Citepa, la Première Ministre a posé les premiers jalons de la nouvelle trajectoire de décarbonation à l’horizon 2030 pour que la France s’aligne avec le nouvel objectif de réduction des émissions de GES de l’UE, fixé par la « loi européenne sur le climat » (règlement (UE) 2021/1119 du Parlement européen et du Conseil du 30 juin 2021 – lire notre article) : au moins -55% d’ici 2030 par rapport à 1990. Pour respecter cet objectif européen renforcé, la Première Ministre a précisé que le nouvel objectif national provisoire proposé pour la France est de ramener les émissions totales de GES (France métropolitaine et Outre-mer inclus dans l’UE) à 270 Mt CO2e en 2030, ce qui équivaut à une réduction de 50% par rapport à 1990 (539 Mt CO2e).
Répartition de l’effort de réduction par secteur
Pour permettre de réaliser ce nouvel objectif national, des objectifs de réduction sectoriels provisoires sont proposés pour 2030. Ces objectifs permettent de disposer d’un premier aperçu des prochains budgets carbone de la SNBC-3, attendus en 2024.
Emissions historiques de GES en France par secteur, cibles actuelles 2030 et nouvelles cibles 2030 en absolu (en MtCO2e) et en relatif (en %)
Sources : données Secten éd. 2023 pour les données 1990-2022 ; SNBC-2 pour les valeurs cibles actuelles ; SGPE, pour les valeurs cibles provisoires 2030. (e) = pré-estimation.
Du fait de la complexité de la comptabilisation des émissions/absorptions et des incertitudes sur les futures capacités d’absorption des puits de carbone, pour l’instant, le SGPE n’a pas proposé d’objectif 2030 pour le secteur de l’UTCATF (utilisation des terres, changement d’affectation des terres et forêt). Le bilan de ce secteur est passé de -24 Mt CO2e à -13 Mt CO2e en 2019, ce qui montre une diminution importante de ses capacités d’absorption sur cette période 1990-2019.
La 3e Stratégie nationale bas-carbone (SNBC-3) proposera des budgets carbone mis à jour pour refléter les nouveaux objectifs dévoilés lors de la réunion du CNTE. La nouvelle trajectoire de réduction pour atteindre 270 Mt CO2e en 2030 implique une réduction nécessaire de 4,1%/an (soit -16,7 Mt CO2e/an) entre 2022 et 2030, soit le double de la réduction observée sur la période 2019-2022 (-2,0%/an).
Source : Citepa, données d’émission Secten, mise à jour 5 juin 2023
Sur la base des données d’émissions historiques et des projections d’émissions du Citepa, cette trajectoire et ces objectifs ont été élaborés par le Secrétariat général à la planification écologique (SGPE), dirigé par Antoine Pellion (lire notre article). Lors de la réunion du CNTE, ce dernier les a présentés en détail, ainsi que les 22 chantiers de la planification écologique en cours.
La Première Ministre a souligné la nécessité de mettre en œuvre une transition écologique « juste et équitablement répartie ». La répartition de l’effort annoncée est la suivante : la moitié reposera sur les entreprises, notamment les grandes entreprises, un quart sur l’Etat et les collectivités et le quart restant sur les ménages.
Répartition de l’effort de réduction par levier
Les travaux d’analyse des émissions de GES secteur par secteur menés par le SGPE, avec l’ensemble des Ministères et acteurs impliqués, confirment la nécessité d’agir dans tous les secteurs à la fois, et sur un rythme plus soutenu. Ainsi, ces travaux ont identifié les trajectoires prioritaires pour le transport, le bâtiment, l’industrie, l’énergie et l’agriculture via des leviers les plus réducteurs d’émissions de GES. Le SGPE propose une répartition provisoire des efforts de réduction des émissions de GES sur la période 2019-2030 et ce, pour cinq leviers de réduction, repris sur le modèle des grands chapitres de la loi climat et résilience, eux-mêmes repris des propositions de la Convention Citoyenne sur le Climat (lire notre brève) : mieux se déplacer, mieux préserver, mieux se nourrir, mieux produire, mieux se loger.
Source : SGPE, 22 mai 2023
Le SGPE a également examiné la maturité des leviers qui permettraient à la France d’atteindre ses nouveaux objectifs et ce, en fonction de l’état des mesures (adoptées et en cours de mise en œuvre ; prévues et soumises à consultation ; qui restent à élaborer). Selon cette analyse, la moitié de la réduction à consentir fait l’objet de mesures déjà engagées et en cours de mise en œuvre et l’autre moitié fera l’objet de mesures nouvelles, dont les propositions seront soumises à consultation auprès des acteurs concernés des secteurs.
Maturité des leviers permettant à la France d’atteindre ses objectifs
Source : SGPE, 22 mai 2023
Prochaines étapes
Le point d’étape du 22 mai 2023, dédié à l’atténuation du changement climatique, s’inscrit dans la préparation d’un plan plus global intégrant l’ensemble des enjeux environnementaux d’ici l’été 2023, ainsi que :
- du projet de révision de la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC-3),
- du projet de révision de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE-3),
- d’un projet de loi de programmation énergie-climat (LPEC) pour l’automne 2023 (dont l’adoption était initialement prévue avant le 1er juillet 2023 – lire notre article).
D’ici fin juin 2023, le Gouvernement opéra un arbitrage entre l’ensemble des leviers pour permettre à la France de rester sur la trajectoire d’émissions nécessaire pour respecter les nouveaux objectifs 2030.
Début juillet 2023 se tiendra un Conseil de planification écologique en présence du Président de la République en amont du lancement de consultations des parties prenantes, notamment sur la trajectoire, les nouveaux objectifs de réduction et les leviers de réduction retenus. Ensuite, s’appuyant notamment sur les résultats de la consultation, le SGPE, en étroite collaboration avec les Ministères concernés, élaborera un projet de loi de programmation énergie-climat qui fixera formellement les nouveaux objectifs nationaux (objectif global et objectifs sectoriels).
Le SGPE a défini les prochaines étapes en détail :
Source : SGPE, 22 mai 2023.
Pour assurer la mise en œuvre concrète de l’ensemble des nouvelles mesures de réduction, une fois validées, il faudra dégager des moyens de financement et de fiscalité supplémentaires dans le budget de l’Etat. Cela impliquerait donc que le prochain projet de loi de Finances pour 2024 traduise la nouvelle ambition et les objectifs renforcés du Gouvernement.
Préparation de la loi de programmation énergie-climat (LPEC)
La Ministre de la Transition énergétique a officiellement lancé, le 23 mai 2023, les sept groupes de travail sur la stratégie énergétique de la France afin de préparer notamment la loi de programmation énergie-climat qui sera présentée à l’automne. Lors de cette réunion de lancement, la Ministre a présenté la démarche, les objectifs et le calendrier de travail.
Chaque groupe de travail, co-piloté par un parlementaire et un élu local, est composé d’une dizaine de personnes – députés et sénateurs, élus locaux, représentants de fédérations professionnelles, de partenaires sociaux et de la société civile, dont des associations environnementales.
Les six premiers groupes seront consacrés à une thématique spécifique :
- sobriété énergétique,
- efficacité énergétique,
- production d’électricité et systèmes électriques,
- production de chaleur et d’autres énergies bas-carbone,
- innovation,
- transition énergétique dans les zones non-interconnectées.
Le 7e groupe fera la synthèse des six autres groupes, dans une démarche transversale.
En savoir plus
Le site du Secrétariat général à la planification écologique (SGPE)
La présentation du Secrétaire général à la planification écologique, Antoine Pellion lors de la réunion du CNTE
Comprendre la planification écologique (page du site du SGPE)