Ces derniers mois, deux rapports évaluant l’écart entre les annonces d’engagement climat du secteur privé et leur mise en œuvre effective ont été publiées.

D’abord, le 17 novembre 2022, un rapport de l’initiative Carbongap intitulé « Bridging the corporate ambition gap » (combler l’écart de l’ambition des entreprises) a été publié. Il cherche à quantifier l’écart d’ambition entre la « capacité à payer » des entreprises pour des solutions climatiques externes telles que l’élimination du carbone et les engagements réellement pris. Cette capacité à financer est estimée à partir des par tonne émise et de l’investissement requis pour ses efforts internes de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES). Ce rapport se base sur un échantillon des plus grandes entreprises mondiales, où. Le rapport conclue notamment que :

• 85% des bénéfices totaux des entreprises sont générés par des entreprises avec des émissions de GES relativement faibles (responsables de moins de 15% des émissions totales), dont beaucoup avec des bénéfices par tonne émise compris entre 10 000 et 100 000 $ ;
• Le potentiel d’impact est important : investir un faible pourcentage de ces bénéfices (avec 100 $tonne de CO₂) dans des projets climat pourrait générer plus de 27 milliards de $ par an ;
• très peu d’entreprises dépensent actuellement des sommes supérieures à 10 $ par tonne de CO₂, ce qui représente généralement moins de 0,1% de leurs bénéfices ;
• un faible pourcentage des entreprises à fortes émissions échantillonnées (services publics, transport aérien, ciment, etc.) représentent la majorité des émissions, mais génèrent des bénéfices inférieurs à 100 $ / tCO₂ d’émissions. Leur capacité à obtenir de grandes quantités d’élimination du carbone plus durables est limitée.

Ensuite, le 13 février 2023 a été publiée par les ONG Carbonmarketwatch et le New Climate Institute la mise à jour du « Corporate climate responsibilty monitor ». Ce rapport évalue la crédibilité des plans de transition vers la neutralité carbone de 22 grandes entreprises internationales (dont les entreprises françaises Carrefour, ArcelorMittal et Stellantis). Le rapport conclut que :

• les engagements climat des grandes entreprises sont insuffisant au regard des besoins d’atténuation à horizon 2030. Au total, les 22 entreprises évaluées n’ont qu’un objectif de réduction de leurs émissions de 15%, alors qu’il faudrait presque réduire ces émissions de moitié dans un scénario 1,5°C ;
• les entreprises évaluées font partie de l’initiative Race to Zero (lire notre article), et pourtant leurs plans climatiques ne vise à réduire que de 36% leurs émissions combinées d’ici leurs années cibles de zéro émission nette, au lieu des 90-95% requis.
• seulement cinq des entreprises évaluées s’engagent avec sérieux dans une démarche zéro émission nette. Pour les autres, cette stratégie n’est pas étayée par des preuves suffisamment solides ;
• ces plans manquent généralement de transparence pour présenter de façon concrète et détaillée les mesures prises, seules trois entreprises évaluées présentent un niveau de détail satisfaisant pour bien saisir le périmètre des actions menées ;
• beaucoup d’entreprises communiquent sur des projets de compensation (via des projets externes ou internes), sans toutefois présenter des résultats tangibles. D’après le rapport, cette importance donnée à la compensation (les trois quarts des entreprises intégrant de tels mécanismes) entraîne une moindre attention à la réduction effective des émissions ;
• la plupart des sources d’émissions indirectes des entreprises ne sont pas prises en compte dans les plans climat ;
• ce manque de crédibilité, de transparence et d’ambition génère une incompréhension, pour le grand public et les investisseurs, de ce que signifie réellement un objectif de neutralité carbone.

En savoir plus

Bridging the corporate ambition gap – rapport complet

Corporate climate responsibilty monitor – rapport complet