Bilans GES : publication du décret élargissant leur périmètre et renforçant le suivi et les sanctions
Le décret n°2022-982 du 1er juillet 2022 (JO du 3) vient mettre à jour les dispositions réglementaires relatives aux bilans d’émission de gaz à effet de serre (GES), dits bilans GES ou BEGES (voir encadré en fin d’article pour le contexte réglementaire avant ce nouveau décret).
Concrètement, ce nouveau décret révise les articles R. 229-46, R. 229-47, R. 229-49, R. 229-50 et R. 229-50-1 du Code de l’Environnement, afin de les mettre en cohérence avec l’article L. 229-25 du même Code, tel qu’issu de l’article 28 de la loi énergie-climat du 8 novembre 2019 (loi n°2019-1147 – lire notre article).
Les principales modifications établies par le décret n°2022-982 portent sur l’élargissement du périmètre des émissions visées par un bilan GES et la mise en cohérence des dispositions réglementaires en vigueur sur les bilans GES avec les modifications apportées par la loi énergie-climat précitée portant sur la réalisation des bilans GES.
Modalités de réalisation des BEGES : élargissement du périmètre des émissions visées (article 2 du décret n°2022-982)
Avant ce nouveau décret, le périmètre des émissions de GES obligatoirement prises en compte dans l’élaboration du BEGES était limité aux émissions directes de GES induites par l’activité d’une organisation ou d’un territoire (émissions dites du scope 1) et aux émissions liées à la consommation d’électricité, de chaleur ou de vapeur (émissions dites du scope 2). Désormais, le décret n°2022-982 élargit ce périmètre en intégrant, à compter du 1er janvier 2023, l’ensemble des émissions indirectes significatives qui découlent des opérations et activités de l’entreprise ou de l’organisme, ainsi que, le cas échéant, de l’utilisation des biens et services qu’elle produit et vend (émissions dites du scope 3). Cette modification de la réglementation vise à aider les entreprises et organismes à disposer d’une vision plus complète de leur empreinte climatique. L’identification et la quantification des émissions indirectes significatives est réalisée selon la méthodologie mentionnée à l’article R. 229-49 du Code de l’Environnement.
L’éclairage du Citepa
Le rôle du Citepa dans la réalisation des BEGES
Le Citepa accompagne, depuis de nombreuses années, les entreprises et organismes de tous secteurs dans la réalisation de leur BEGES réglementaire et/ou de leur Bilan Carbone®. Il produit et contribue à la diffusion de facteurs d’émission, et fait partie du comité de gouvernance de la Base Carbone® de l’Ademe. Il réalise aussi des audits de données, processus ou outils en lien avec la collecte de données d’activité ou l’estimation d’émissions. En outre, le Citepa fournit un appui aux entreprises et organismes pour la construction, l’optimisation, la mise en œuvre, le pilotage et l’évaluation de leur stratégie de transition bas-carbone.
Toutefois, pour les entreprises de droit privé non soumises à la déclaration de performance extra-financière (DPEF, cf. article L. 225-102-1 du Code du Commerce), les émissions indirectes à prendre en compte obligatoirement se limiteront aux émissions indirectes associées à la consommation d’électricité, de chaleur ou de vapeur nécessaire aux activités de l’entreprise.
Modalités de réalisation des BEGES : mise en cohérence des dispositions en vigueur sur les bilans GES avec la loi énergie-climat de 2019 (articles 1er et 2)
Le nouveau décret met à jour la réglementation en vigueur, notamment afin de la mettre en cohérence avec les modifications apportées par la loi énergie-climat relatives à la réalisation des bilans GES :
- le plan d’actions est remplacé par un plan de transition pour réduire les émissions de GES, plus précis et exigeant quant à son contenu. Ainsi, à compter du 4 juillet 2022, le plan de transition, joint au bilan GES, doit décrire les objectifs, moyens et actions mises en œuvre au cours des années suivant le bilan précédant, ainsi que les résultats obtenus. Il présente séparément, pour les émissions directes et pour les émissions indirectes, les actions et les moyens que l’entreprise ou l’organisme envisage de mettre en œuvre au cours des années jusqu’à l’élaboration de son bilan suivant. Il indique le volume global des réductions d’émissions de GES attendu pour les émissions directes et indirectes (article 2 du décret n°2022-982, en vigueur depuis le 4 juillet 2022) ;
- les groupes composés d’une entreprise dominante (dont le siège social est situé sur le territoire français) et des entreprises qu’elle contrôle (cf. définition de l’article L.2331-1 du Code du Travail) peuvent établir et publier un BEGES et un plan de transition consolidés pour l’ensemble de leurs entreprises. (article 1er du décret n°2022-982, en vigueur depuis le 4 juillet 2022). Ainsi, le nouveau décret rend possible l’établissement d’un BEGES unique couvrant l’ensemble des sociétés d’un groupe, sans limitation aux seules entreprises ayant le même code de nomenclature des activités françaises de niveau 2. Cela permet de mieux prendre en compte la réalité opérationnelle de la réalisation des BEGES par les entreprises et de simplifier les tâches administratives nécessaires pour respecter ces obligations ;
- la sanction maximale en cas de non-réalisation du BEGES est portée à 10 000 € (montant pouvant aller jusqu’à 20 000 € en cas de récidive), contre 1 500 € antérieurement (article 5 du décret n°2022-982, en vigueur depuis le 4 juillet 2022).
Dispositions réglementaires sur les BEGES fixées par la loi climat-énergie mais non reprises par le décret n°2022-982
A noter que trois dispositions, établies par l’article 28 de la loi climat-énergie de 2019 et qui sont toujours en vigueur, n’ont pas été reprises par le nouveau décret n°2022-982 :
- le BEGES et le plan de transition sont rendus publics. Ils sont mis à jour tous les quatre ans pour les entreprises du secteur privé employant plus de 500 personnes et celles dans les régions et départements d’outre-mer employant plus de 250 personnes, et tous les trois ans pour l’Etat, les régions, les départements, les métropoles, les communautés urbaines, les communautés d’agglomération et les communes ou communautés de communes de plus de 50 000 habitants ;
- les collectivités territoriales et leurs groupements visés et couverts par un plan climat-air-énergie territorial (PCAET) prévu à l’article L. 229-26 du Code de l’Environnement peuvent intégrer leur BEGES et leur plan de transition dans ce PCAET. Dans ce cas, ils sont dispensés de l’obligation de déposer leur BEGES sur la plateforme publique administrée par l’Ademe ;
- les entreprises du secteur privé visées soumises au reporting extra-financier (c’est-à-dire à la déclaration de performance extra-financière prévue à l’article L. 225-102-1 du Code de Commerce) sont dispensées de l’élaboration du plan de transition à condition que les informations correspondantes figurent dans cette déclaration.
Coordination et suivi
Missions du pôle de la coordination nationale des BEGES (article 3, en vigueur depuis le 4 juillet 2022)
Les méthodologies et le rôle du pôle de la coordination nationale
Conformément à l’article R.229-48 du Code de l’Environnement, le Ministère chargé de l’Environnement doit publier des informations méthodologiques nécessaires au respect des exigences sur les BEGES fixées à l’article R. 229-47.
En application de cet article R.229-48, plusieurs documents ont ainsi été publiés par le Ministère chargé de l’Environnement :
- la méthode générale qui établit des principes méthodologiques obligatoires dans le cadre de l’application de l’article 229-25 du Code de l’Environnement et des recommandations facultatives. La 4e version de la méthode générale a été publiée en octobre 2016,
- le guide méthodologique spécifique pour les collectivités a pour objectif de spécifier certains points méthodologiques propres aux collectivités. Ce guide n’est pas autoporteur et il convient, lors de la réalisation du BEGES d’une collectivité, de s’appuyer également sur la méthode générale. Il répond aux exigences de l’article 229-25 du Code de l’Environnement qui prévoit qu’une « méthode d’établissement de ce bilan est mise gratuitement à la disposition des collectivités territoriales et de leurs groupements ». La version 3 de ce guide méthodologique spécifique a été publiée en octobre 2016.
Ces éléments méthodologiques ont été élaborés dans le cadre des travaux du pôle de coordination nationale sur les BEGES, créé par l’article R.229-49 du Code de l’Environnement et dont les modalités de fonctionnement sont précisées dans l’article 8 de l’arrêté du 24 août 2011 relatif au système national d’inventaires d’émissions et de bilans dans l’atmosphère (dit arrêté Snieba). Tout en s’inspirant des référentiels existants, en particulier ceux définis à l’échelon international, ces documents ont été l’objet d’un important travail technique avec les représentants des parties prenantes concernées par la mise en œuvre des BEGES réglementaires (entreprises, collectivités, et services de l’État).
Plus précisément, le pôle de la coordination nationale est chargé des missions suivantes : :
- élaborer les méthodologies nécessaires à l’établissement des bilans des émissions de gaz à effet de serre et permettant d’assurer la cohérence des résultats, notamment dans le respect des obligations résultant du droit de l’UE,
- déterminer les principes de calcul des équivalents de tonnes de CO2 et les facteurs d’émissions qui doivent être utilisés,
- préparer un modèle de présentation du BEGES, qui est soumis à l’approbation du Ministre chargé de l’Environnement,
- suivre la mise en œuvre du dispositif des BEGES et faire des recommandations, le cas échéant, sur l’évolution de ce dispositif.
Enfin, des guides sectoriels ont été réalisés par les associations professionnelles en collaboration avec l’Ademe. Ils ont pour vocation d’adapter les règles et méthodes d’estimation des émissions de GES selon les spécificités du secteur d’activité.
Le décret n°2022-982 modifie légèrement une des quatre missions du pôle de la coordination nationale, à savoir la première définie à l’article R.229-49 du Code de l’Environnement : depuis le 4 juillet 2022, ce pôle est chargé « d’élaborer la méthodologie à suivre pour l’établissement des BEGES et des plans de transition, pour les organisations visées, permettant d’assurer la cohérence des résultats des bilans. Cette méthodologie fait l’objet d’une publication sur le site du Ministère chargé de l’Environnement ».
Modalités de suivi des BEGES (article 4, en vigueur depuis le 4 juillet 2022)
Le préfet de région et le président du conseil régional sont toujours tenus d’organiser le suivi des BEGES établis dans la région. Ils doivent toujours recenser les bilans publiés et en vérifient la conformité aux exigences prévues à l’article L. 229-25 et à l’article R.229-50. Ils sont tenus de dresser désormais tous les trois ans (et non plus « selon une périodicité qu’ils déterminent mais qui ne peut être supérieure à quatre ans ») un état des lieux qui porte sur le nombre d’obligés dans la région, le nombre de bilans publiés, leur conformité aux exigences prévues à l’article L. 229-25 et à l’article R.229-50 et les difficultés méthodologiques éventuellement rencontrées par les entreprises et organisations visées dans l’établissement de leur bilan. Ils doivent transmettre cet état des lieux au pôle de la coordination nationale et intégrer les résultats de celui-ci dans le rapport d’évaluation prévu à l’article R. 222-6.
Le 2 septembre 2022, l’Ademe a publié sur la plateforme BEGES la nouvelle version de la méthode réglementaire (V5) pour fournir les lignes directrices de cette nouvelle application. Une synthèse des points clés sera également mise à disposition et des webinaires d’information concernant les principales évolutions seront proposés à la rentrée 2022. La V5 devra être appliquée à l’ensemble des bilans GES réalisés et publiés sur la plateforme à partir du 1er janvier 2023.
En savoir plus
La plateforme de l’Ademe dédiée aux bilans GES
La page du site du MTE consacrée aux BEGES (descendre la page jusqu’à la section « Bilans d’émission de gaz à effet de serre ». Voir notamment les fiches Questions/réponses BEGES)
Contexte réglementaire
La loi Grenelle 2 (loi n°2010-788, article 75) établit l’obligation juridique de réalisation de BEGES. Ces obligations ont été intégrées au Code de l’Environnement (articles L.229-25 et L.229-26). Sont tenus d’établir un BEGES :
- les entreprises de droit privé de plus de 500 salariés (Outre-mer : plus de 250),
- l’Etat et les collectivités territoriales de plus de 50 000 habitants,
- les établissements publics de plus de 250 salariés (hôpitaux,…).
En application de ces dispositions législatives, le décret n°2011-829 de base définit le contenu et les procédures d’élaboration des BEGES. Il fixait la périodicité de mise à jour des BEGES à trois ans pour les trois catégories « d’obligés ». La circulaire du 23 décembre 2011 précise le rôle des Préfets, les services déconcentrés du Ministère chargé de l’Environnement et de l’Ademe
Deux textes réglementaires du 24 décembre 2015 (JO du 30) sont venus compléter ces obligations de réalisation des BEGES :
- l’ordonnance n°2015-1737 relative aux BEGES et aux audits énergétiques,
- le décret n°2015-1738 relatif aux BEGES.
Les modifications ainsi apportées portaient sur quatre points clés :
- périodicité : pour les entreprises de plus de 500 salariés, la périodicité de mise à jour passe d’une date fixe tous les trois ans [au 31 décembre] à une date « flottante » tous les quatre ans. Cette modification vise à harmoniser l’obligation de réalisation des BEGES avec celle des audits énergétiques (périodicité de quatre ans [ décret n°2014-1393, article 6]) puisque certaines données sont communes aux deux obligations;
- bilan consolidé : le décret (article 2) prévoit que les groupes [tels que définis à l’article L.2331-1 du Code du travail] peuvent établir un BEGES consolidé pour l’ensemble de leurs entreprises ayant le même code de nomenclature des activités françaises (NAF) de niveau 2 ;
- procédure de sanction : bien que la première échéance de remise de BEGES ait été fixée par le décret n°2011-829 au 31 décembre 2012, le Ministère chargé de l’Environnement avait constaté un retard important dans leur réalisation, sans qu’il y ait de sanctions fixées jusque-là. L’ordonnance prévoyait donc la possibilité pour l’autorité administrative de sanctionner les manquements aux obligations de réalisation ou de transmission de BEGES par une amende de 1 500 € au maximum (article 1er). Les conditions de cette procédure ont été précisées par le décret (article 7) ;
- plateforme informatique : l’ordonnance (article 1er) prévoyait que la collecte des informations relatives aux BEGES et aux audits énergétiques soit assurée par une application informatique permettant l’accès à une base de données gérée et exploitée à des fins statistiques par l’Etat. Le décret a confié à l’Ademe la tâche de mettre en place et de gérer cette plateforme informatique. Par anticipation, l’Ademe avait lancé, le 17 avril 2015, une plateforme de déclaration des BEGES. L’ordonnance, le décret et l’arrêté ministériel du 25 janvier 2015 ont précisé son fonctionnement.