Affaire du siècle : le tribunal ordonne à l’Etat de compenser le dépassement du budget carbone de la SNBC-1 avant fin 2022
« L’affaire du siècle », action en justice portée par des ONG depuis mars 2019, remet l’Etat en cause pour inaction climatique. Une première audience s’était tenue en janvier 2021, à la suite de laquelle un premier jugement avait été rendu le 3 février 2021 (voir encadré ci-dessous). Le 30 septembre 2021 s’est tenue une deuxième audience.
L’affaire du siècle – jugement suite la première audience (février 2021)
Quatre ONG, Notre Affaire à tous, la Fondation Nicolas Hulot (FNH), Greenpeace et Oxfam, après une première demande au Gouvernement en décembre 2018 pour accélérer la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) ; et non satisfaits de la première réponse du Gouvernement, avaient lancé une action judiciaire en mars 2019 remettant l’Etat en cause pour inaction climatique.
Après deux ans de procédure, l’action judiciaire a d’abord été examinée par le tribunal administratif de Paris le 14 janvier 2021. C’est la première fois que la question de la responsabilité de l’Etat dans la lutte contre le changement climatique était posée au juge.
Le 3 février 2021, le tribunal administratif de Paris a rendu son jugement final et n’a que partiellement repris les demandes des requérants. Il a bien condamné l’Etat à réparer le préjudice moral des associations à hauteur d’un euro symbolique, « compte tenu des carences fautives de l’État à mettre en œuvre des politiques publiques lui permettant d’atteindre les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre qu’il s’est fixés ».
Il a rejeté la demande de réparation du préjudice écologique mais il reconnaît ce préjudice (« le préjudice écologique invoqué par les associations requérantes doit être regardé comme établi). Il juge que cette réparation peut être sollicitée devant les juridictions administratives, notamment par des associations de protection de l’environnement.
Néanmoins, pour le juge, le préjudice écologique n’est qu’en partie due à la carence de l’Etat. Ainsi, il considère que « la carence de l’Etat n’a pas contribué directement à l’aggravation du préjudice écologique » pour ce qui est des objectifs d’efficacité énergétique, d’énergies renouvelables, pour l’objectif de +1,5°C, de l’évaluation et du suivi et des mesures d’adaptation. La carence porte sur le non-respect du premier budget carbone de la SNBC-1.
Lire notre article complet.
Lors de cette deuxième audience, la rapporteure publique du tribunal administratif de Paris a demandé au tribunal d’enjoindre au Premier ministre de « prendre toutes les mesures utiles » pour réparer le préjudice écologique causé par le non-respect des engagements de réduction des émissions de GES, et ce d’ici le 31 décembre 2022, sans astreinte financière. Elle ne recommande pas de mesure pour réparer ce préjudice : « il ne s’agit pas de dicter au gouvernement quelle doit être sa politique climatique mais de lui dire que ses engagements doivent être respectés et que leur non-respect engage sa responsabilité » d’après des propos retransmis par Le Monde.
Le 14 octobre 2021, les juges ont rendu leur décision en suivant les recommandations de la rapporteure : le Tribunal administratif de Paris a, pour la première fois, enjoint à l’Etat de réparer les conséquences de sa carence en matière de lutte contre le changement climatique. A cette fin, le tribunal a ordonné que le dépassement du plafond des émissions de gaz à effet de serre fixé par premier budget carbone (2015-2018), soit 15 Mt CO2e « et sous réserve d’un ajustement au regard des données estimées du Citepa au 31 janvier 2022* », soit compensé au 31 décembre 2022, au plus tard. Il n’assortit pas, « à ce stade », cette injonction d’une astreinte. Il ordonne ainsi au Premier ministre et aux ministres compétents « de prendre toutes les mesures sectorielles utiles de nature à réparer le préjudice à hauteur de la part non compensée ».
En savoir plus
Communiqué du Tribunal Administratif
*En effet, les budgets carbone de la SNBC sont exprimés en valeur absolues, et ont été fixés sur la base des émissions historiques de GES telles qu’estimées par le Citepa dans le cadre de l’inventaire national d’émissions de GES. Or, cet inventaire est mis à jour chaque année, et les améliorations méthodologiques peuvent entraîner une réestimation des émissions passées, en particulier pour certains secteurs où l’incertitude est plus forte (agriculture, puits de carbone…).