Couche d’ozone : mise à jour 2014 de l’évaluation scientifique OMM/PNUE
Le 9 septembre 2014, l’Organisation Météoro-logique Mondiale (OMM) et le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) ont conjointement publié une « synthèse à l’intention des décideurs » de la mise à jour 2014 de l’évaluation scientifique de l’appauvris-sement de la couche d’ozone [ozone stratosphérique] . Ce nouveau bilan a été élaboré et approuvé par 282 scientifiques de 36 pays (dont la France) au sein du Groupe d’experts sur l’évaluation scientifique (Scien-tific Assessment Panel). La dernière évaluation en la matière avait été publiée par l’OMM et le PNUE en 2010 .
Couche d’ozone et substances en jeu : état des lieux
- les concentrations totales cumulées, dans la troposphère, des substances qui appauvris-sent la couche d’ozone (SAO) réglementées par le Protocole de Montréal poursuivent leur baisse. Si les concentrations de la plupart des SAO réglementées [CFC, halons 1211 et 2402, bromure de méthyle (CH 3 Br), chloroforme de méthyle (CH 3 CCl 3 ),…] diminuent, celles des HCFC et du halon-1301 augmentent toujours;
- les concentrations de SAO chlorées et bromées mesurées dans la stratosphère sont également en baisse. En 2012, les niveaux cumulés de chlore et de brome ont diminué de 10 à 15% par rapport aux niveaux maximaux observés à la fin des années 1990 ;
- la colonne totale d’ozone a diminué presque partout sur la planète dans les années 1980 et au début des années 1990. Elle est restée relativement stable depuis 2000. Selon les projections et dans l’hypothèse du respect intégral des obligations du Protocole de Montréal [ratification universelle (par 197 Parties) ] , la colonne totale d’ozone devrait se reconstituer à ses niveaux antérieurs à 1980 [année de référence] d’ici 2050 dans les latitudes moyennes et dans l’Arctique mais plus tard dans l’Antarctique [sans autre précision] ;
- sans le Protocole de Montréal et ses amendements successifs, les concentrations atmosphériques de SAO auraient pu décupler d’ici 2050.
Couche d’ozone et climat : synergies et antagonismes
- la mise en œuvre du Protocole de Montréal a fortement contribué à la réduction des émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES). En 2010, la baisse des émissions de SAO représenterait environ 10 Gt CO2e évitées par an ;
Les HFC
Les HFC, utilisés surtout dans la réfrigération et la climatisation, sont des gaz fluorés de substitution de 2 e génération aux CFC (après ceux de la 1 ère génération, les HCFC) . Au titre du Protocole de Montréal [amendement de 2007] , les HCFC sont soumis à un calendrier d’élimination accéléré : 2020 pour les pays développés et 2030 pour les pays en développement. Ceci a déjà conduit à une intensi-fication rapide du recours aux HFC qui sont des gaz de substitution aux HCFC les plus couramment utilisés. Or, même si les HFC ne sont pas des SAO, ils sont de puissants GES, contribuant ainsi au forçage radiatif : certains composés d’HFC ont un pouvoir de réchauffement global (PRG) (1) 12 400 fois plus élevé que celui du CO 2 sur 100 ans ( source : GIEC, 2013 ) .
- les bénéfices pour le climat du Protocole de Montréal pourraient néanmoins être sensiblement compromis par les émissions projetées d’HFC ( voir encadré ci-dessus ) ;
- les quantités cumulées de HFC utilisées aujourd’hui comme gaz de substitution aux CFC et aux HCFC représentent environ 0,5 Gt CO2e d’émissions mondiales par an. Ces émissions progressent à un rythme d’environ 7% par an et selon les projections, ce rythme devrait s’intensifier ;
- si le recours aux HFC reste inchangé, une hausse de la demande pourrait conduire à un niveau d’émissions mondiales allant jusqu’à 8,8 Gt CO 2 e par an d’ici 2050, soit presque autant que les émissions annuelles maximales de CFC à la fin des années 1980 (9,5 Gt CO 2 e) ;
- la substitution des HFC à fort PRG par des composés à faible PRG permettrait de limiter ces émissions d’ici 2050. Les stocks ( voir ci-dessous *) de HFC devraient augmenter pour atteindre 65 Gt CO2e d’ici L’impact climatique de ces stocks pourrait être réduit, en limitant l’utilisation future des HFC à fort PRG ou en détruisant ces stocks.
Problèmes émergents
- avec la baisse des concentrations atmosphériques des SAO, l’évolution de la couche d’ozone dans la 2 e moitié du 21 e siècle dépendra en grande partie des concentrations des trois principaux GES : CO 2 , N 2 O et CH 4 . A l’échelle plané-taire, une hausse des concentrations de CO 2 et de CH 4 contribuera à accroître les niveaux mondiaux d’ozone stratosphérique alors qu’une augmentation des émissions de N 2 O [à la fois GES et SAO et principale source des NOX dans la stratosphère] aura l’effet inverse. Le N2O est donc voué à jouer un rôle plus important à l’avenir dans l’appauvrissement de la couche d’ozone ;
- les émissions de tétrachlorure de carbone (CCl4) , estimées sur la base de sa durée de vie dans l’atmosphère et des concentrations mesurées avec précision, s’avèrent plus importantes que celles issues de sa production et utilisation au cours de la décennie écoulée [données déclarées au titre du Protocole de Montréal] . Le niveau de concentrations relevé aujourd’hui s’expliquerait donc par des sources d’émissions inconnues ou non déclarées ;
* Stocks = les quantités actuellement contenues dans les équipements et produits.
Selon les projections, les émissions des stocks actuels de SAO [niveaux de référence 2015] au cours des 35 prochaines années devraient contribuer davantage au futur appauvrissement de la couche d’ozone que celles induites par la future production de SAO. L’étude examine des mesures de contrôle supplémentaires, quoique limitées, visant les SAO déjà réglementées pour accélérer la reconstitution de la couche d’ozone aux niveaux observés en 1980 (destruction des stocks de halon, de CFC, de HCFC, arrêt total de la production des HCFC,…). L’impact cumulé de ces actions permet-trait la reconstitution de la couche d’ozone dès 2036 au lieu de 2047 [date escomptée en cas de respect intégral du Protocole de Montréal].
Le Groupe d’experts de l’évaluation scientifique devrait présenter les principales conclusions du nouveau bilan à la 26e réunion des Parties au Protocole de Montréal, laquelle se tient, cette année, à Paris [du 17 au 21 novembre 2014] . Le texte intégral du rapport devrait être publié début 2015.
(1) Voir SD’Air n°180 p.118.
www.unep.org/pdf/EmbargoedCopy_Assessment_for_Decision-Makers_Preprint_10Sept2014.pdf